Réviser et punir

Le 19 février dernier a été adoptée en commission des lois une proposition de loi tendant à simplifier la procédure de révision des condamnations pénales. Cette réforme envisage la création d’une juridiction composée de dix-huit magistrats, qui pourrait être saisie en cas de « moindre doute » quant à la culpabilité d’un condamné.

Le débat n’est toutefois pas clos concernant l’éventualité d’une possibilité de révision des décisions d’acquittement, d’autant que le 30 janvier dernier, la presse s’est fait l’écho de nouveaux éléments relatifs à une affaire criminelle datant de 1987.

Jacques Maire lors de son troisième procès pour le meurtre de Nelly Haderer notamment, le 6 octobre 2008, à Metz (Moselle). 

En effet, vingt-sept ans après le meurtre de Nelly Haderer, des traces d'ADN semblent impliquer Jacques Maire, qui avait été précédemment mis en cause pour ce meurtre et condamné dans un premier temps par la Cour d’Assises, en 2006. Après cassation de la décision, la Cour d’Assises statuant en dernier ressort avait acquitté Jacques Maire en 2008. Ultime rebondissement, en 2014, des traces d’ADN de Jacques Maire ont apparemment été retrouvées sur le pantalon de la victime décédée, évoquant ainsi sa culpabilité.

Il a alors été rappelé qu’aucune révision de la décision d’acquittement de personnes dont la culpabilité serait ultérieurement démontrée n’était légalement possible, en application du principe de l’autorité de la chose jugée, qui interdit qu’une personne jugée définitivement pour des faits le soit à nouveau pour ces mêmes faits (y compris sous une qualification pénale différente).

Ainsi, quelle que soit la nature et la force de la preuve mise au jour, même démontrant de façon certaine la culpabilité d’un individu, telle qu’une analyse ADN ou même ses aveux détaillés, il ne pourra pas être rejugé pour ces faits s’il a été déclaré innocent par une décision devenue définitive. De même, une personne déclarée coupable d’une infraction ne peut faire l’objet d’une nouvelle condamnation pour ces mêmes faits.

Ce principe ancien qui trouve son origine dans le droit romain a été consacré en droit international, tant au niveau des Nations Unies que par la Convention Européenne des droits de l’homme.

Concernant plus précisément les arrêts de Cour d’Assises, l’article 368 du code de procédure pénale précise « Aucune personne acquittée légalement ne peut plus être reprise ou accusée à raison des mêmes faits, même sous une qualification différente. ».

L'autorité de la chose jugée est indispensable puisqu’elle garantit le respect d’un objectif nécessaire à une société démocratique, celui de donner aux décisions de justice une autorité incontestable afin de maintenir la sécurité et la stabilité juridiques et de garantir l’efficacité de la répression.

Il est ainsi nécessaire d’éviter que chaque décision de justice puisse être indéfiniment contestée par le biais de multiples procédures, et que la société développe le sentiment que les juridictions pénales s’avèrent finalement incapables de parvenir à la vérité.

Enfin, l'irrévocabilité de la décision pénale a pour objet de garantir la liberté individuelle de l’individu, condamné ou innocent, celui-ci ayant droit à ce que sa situation  juridique ne soit pas susceptible d’être perpétuellement remise en cause.

Ce principe connait des assouplissements avec le recours en révision, qui fait l’objet de la réforme envisagée.

Ainsi la mission d’information sur la révision des condamnations pénales a rendu son rapport en décembre 2013. Il a toutefois été décidé d’écarter la possibilité de révision d’une décision d’acquittement afin d’éviter que les personnes acquittées ne vivent dans la crainte perpétuelle de la découverte d’un élément les accablant à nouveau, à tort ou à raison, et pour que les victimes et les parties civiles qui seraient persuadées de la culpabilité d’une personne acquittée ne recherchent pas indéfiniment les preuves de celle-ci. D’imposer, en quelque sorte, une forme de sérénité.

Le débat sera toutefois ouvert lors de l’examen de la proposition de loi par les deux assemblées, l’ultime développement de l’affaire Jacques Maire ravivant les oppositions de principe entre les parlementaires qui, comme M. Fenech, souhaiteraient qu’une révision des décisions d’acquittement soit possible « lorsqu’une preuve indubitable est apportée » et ceux qui, à l’image du rapporteur Tourret, estiment qu’ « il n’y a pas d’équilibre entre un innocent en prison et un coupable en liberté ».