"Si vous ne pouvez pas rentrer par la porte, passez par les fenêtres"

Jeunes sans emploi, études à rallonge et sans débouché, galères étudiantes,... "Génération Quoi" est-il un projet trop pessimiste ? Une chose est certaine : Génération Quoi est un projet démocratique, et la critique est la bienvenue !

Certains, donc, après diffusion du triptyque documentaire de Laetitia Moreau sur France 2 ou déambulation sur la plateforme, mettent en cause le point de vue et le ton adoptés.

Une critique réfutée par Christophe Nick, producteur de l'opération : "ceux qui s'en sortent ont toujours tendance à croire que leur réussite s'inscrit dans une tendance générale. La réalité reste très dure pour tout le monde. Et puis je m'insurge contre le "côté trop pessimiste du projet". Je pense qu'au contraire, on montre des jeunes qui n'arrivent pas à s'en sortir mais font quand même tout pour. C'est ça qui donne la tonalité noire au projet: malgré tous leurs efforts, ils n'y arriveront pas. Pas parce que c'est foutu, mais parce que la société française est en panne et n'agit que dans le court terme. En gros : "les jeunes ont toute la vie pour s'en sortir, nous c'est une question de semaines ou de mois... ""

Rappelons que le but d'un documentaire est précisément d'exprimer un certain point de vue, qui n'a pas vocation à être universel. Néanmoins, nous avons décidé de donner la parole à "ces jeunes qui s'en sortent" et pour qui "quand on veut peut". Cette dernière affirmation pourrait d'ailleurs englober beaucoup de monde. Notre propre enquête indique que 68% des 18-34 ans la cautionnent (voir restitution ci-dessous).

« Quand on veut on peut »… mais qui a dit que ce serait facile ? Personne. Et ça, la jeunesse a tendance à l’oublier. En effet, j’entends souvent que « c’est facile à dire » ou encore que « ça ne se passe pas comme ça dans la vraie vie ». J’ai envie de répondre que justement, si, ça se passe comme ça : on peut partir de nulle part et s’en sortir, voire même, réussir… Il faudra sans doute y passer plus de temps et se battre 1000 fois plus que certaines personnes mais, fondamentalement, on PEUT. Alors oui, c’est difficile parfois, mais il faut, je pense, appréhender ces efforts comme une sorte d’ « investissement » qui finira par payer dans le futur plutôt que comme de véritables obstacles à la réussite. Idem pour le classique « je n’ai pas les moyens de… » : il y a les moyens que l’on a, mais surtout les moyens que l’on se donne. Après le lycée, j’ai choisi une voie que je savais bouchée mais qui m’attirait suffisamment pour me pousser à faire des sacrifices, la pub. J’ai bossé comme une dingue, je n’ai eu de cesse de m’intéresser au secteur (parce qu’il ne suffit pas d’attendre que le marché vous propose quelque chose, il faut aussi avoir quelque chose à lui apporter), de rencontrer ses acteurs (primordial quand on part avec un carnet d’adresses quasiment vide), de me démarquer (beaucoup de candidats mais… très peu d’élus !), de saisir les opportunités (même si cela signifiait déménager, habiter dans un minuscule appart, vivre avec un « salaire » de 400 euros, travailler avec des cons et sacrifier un peu sa vie privée).

Quand on s’engage dans un milieu aussi ingrat, il faut savoir se créer les occasions soi-même. « Si vous ne pouvez pas rentrer par la porte, passez par les fenêtres » nous avait dit une intervenante lors d’un cours sur la recherche d’emploi. On pouvait alors lire sur les visages qui allait faire un hold-up et qui allait rester sur le pas de la porte et se lamenter sur son sort.

Aujourd’hui, j’exerce le « métier-passion » que je visais et dont je rêvais. J’ai la chance d’avoir une excellente qualité de vie qui me permet, par exemple, de rembourser sans difficulté mon prêt étudiant (comme quoi...). Alors en fait, non, je n’ai pas de « la chance », je pense simplement mériter ce qu’il m’arrive car j’ai tout mis en œuvre pour y arriver. Du coup je me dis que, si j’ai réussi, tout le monde devrait y parvenir avec un peu de bonne volonté (la débrouillardise, l’ambition et la persévérance c'est bien aussi !)

Rohan

Je ne sais pas comment mesurer une réussite, quels degrés lui donner. La réussite, c’est pour beaucoup le fait d’assumer financièrement sa vie avec ce petit bonus qui fait que nous sommes surclassés. « Nous » c’est naturellement toute personne qui se bat pour relever ses propres défis dans une optique d’ascension qu’elle soit sociale, politique, artistique ou spirituelle.

 Je ne sais pas comment me positionner sur l’échelle de la réussite vu mon parcours atypique. Il y’a encore  2 ans, j’avais « réussi » aux yeux de mon entourage et de la société. Un Bac S mention Bien, diplômé des trois premières années de médecine. Une fierté familiale qui repose sur vos épaules et la sécurité d’un avenir paisible sur le marché du travail. Cette réussite était le fruit d’une grande curiosité, car très tôt j’ai compris que je devais utiliser les armes fournies par le système scolaire pour construire une base solide de connaissances, afin de développer et d’entretenir par la suite un esprit critique.

Seulement, à la suite d’une expérience difficile lors d’un reportage en Libye pendant la guerre,  j’ai du interrompre mon parcours universitaire. Je me suis alors réfugié dans mes passions artistiques pendant une période qui ne devait être que temporaire, pour finalement ne plus en sortir. Quel sacrilège, quel gâchis ! Ai-je pu entendre. Arrêter médecine pour réaliser des vidéos, vagabonder à travers le monde, écrire, rapper, slamer, peindre, et créer une marque de vêtement est complètement irresponsable ! Peut-être. Car il est en fait difficile de me placer dans une case distincte dans cette nouvelle et vaste branche qu’est l’Art.  (Pas si nouvelle en pratique car je dessine depuis l’âge de 3 ans, écris des poèmes depuis mes 8 ans, et j’ai réalisé ma première vidéo à 16 ans :  un carnet de route sur une expérience humanitaire en Inde )

Mais le virage que j’ai entrepris est un virage que j’ai choisi d’amorcer. Un choix empreint de liberté qui aujourd’hui n’est en aucun cas regretté. Et je crois que c’est important pour assurer en premier lieu une réussite intérieure. Je pense que chacun a une histoire à rédiger, et que potentiellement, avec courage et détermination, nous pouvons atteindre une réussite que nous idéalisons, et qui nous correspond.  Bien sûr rien n’est facile. Il faut manger, il faut se battre, être rigoureux et prêt à beaucoup de sacrifices Mais aujourd’hui, en ayant défini les traces que je souhaite laisser, je vis chaque jour avec l’envie de repousser mes limites, de perfectionner mes œuvres, comme si j’apprenais tous les jours quelque chose de nouveaux.  A mon sens, la plus belle des réussites c’est de se lever le matin  le cœur dénué de tout regret et d’agir comme un amoureux passionné envers ce qu’on a décidé d’entreprendre.