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Ma génération

J’ai du développer un mécanisme de défense contre tous les systèmes qui essayent de me mettre dans un petite case, je n’aime pas les petites cases, je viens de la campagne, j’aime bien les grands espaces, les grandes maisons, les grands jardins et les grandes scènes. C’est sans doute ce genre de comportement qui me fait être en marge de ma génération.

Ma génération, il faut le comprendre, avant internet, c’est la télévision et le jeu vidéo. Ce que mes parents ont refusé d’avoir à la maison quitte à faire de moi l’extraterrestre de ma classe, voire de mon école, voire de tout le canton.

« Quoi ? T’as pas de télé ? » « C’est une blague ? » « Mais alors tu fais quoi le soir ? » ou alors la question fatale : « comment tu fais ? » Question qui m’a été posé tant de fois, dans les années 90, sans que je la comprenne ni que je sache quoi y répondre. « Comment tu fais …» sous entendait « comment tu fais pour vivre sans télévision ?» prouvant que la télévision était le robinet auquel s’abreuvaient tous les foyers sauf le mien. Ce phénomène expliquant certainement le manque d’attention d’un grand nombre de mes camarades de classe et sans doute également leur mémoire de poisson rouge.

Ma génération a ses repères dans les séries télévision, qu’elle dise y adhérer ou pas, elle berce son quotidien et cela lui semble être la réalité des choses et la normalité des choses. Comment vivre, comment consommer, comment haïr, comment s’habiller, quelle musique écouter, comment aimer, tout cela est raconté par la télévision. Si tu ne l’as pas chez toi tu es un extra-terrestre qui vient d’une autre planète et tu ne comprends pas le langage des terriens. Je n’exagère pas, j’ai réellement passé une partie de ma scolarité à essayer de comprendre de quoi parlaient mes camarades de classe.

Ma génération, actuellement, n’est pas matérialiste, elle est immatérialiste. Ma génération confond le réel et l’irréel. L’économie dans laquelle elle vit est elle même irréelle. Ma génération fait souvent un travail qui n’a pas de sens et qui n’apporte rien de vital à la société. Mais c’est ma génération qui demande toutes ces choses qui ne lui sont pas vitales. Ma génération préfère paraître qu’être. Elle pense être une marionnette du destin et pourtant elle ne va pas couper ses fils car elle pense qu’elle ne saurait se relever toute seule. Elle achète, elle jette et elle remplace des biens éphémères, du coup elle n’a pas pour habitude de prendre soin de ses biens. Elle s’intéresse peu à la matière, à tout ce qui est fabriqué pour durer.

Ma génération utilise tous les jours un supercalculateur programmable mais rarement pour effectuer des calculs ou pour faire de la programmation. L’ordinateur, aussi sophistiqué soit t-il, ne peut qu’exécuter les actions simples qu’on lui ordonne. Très peu d’utilisateurs connaissent véritablement son fonctionnement et beaucoup s’en font une fausse idée, parlant de bug ou de virus alors qu’il s’agit très souvent d’une mauvaise manipulation de leur part ou allant jusqu’à le personnifier ou lui attribuer des vertus qu’il n’a pas. Aujourd’hui interconnecté à travers le monde, ses systèmes d’exploitation se complexifient au nom d’une plus belle résolution graphique et il ne fait aucun doute que techniquement n’importe qui peut accéder aux informations qui sont échangées sur internet.

La technologie des ordinateurs et des smartphones va plus loin, elle prend une apparence plus simple et plus courtoise (User-friendly) et propose de corriger automatiquement l’utilisateur et d’anticiper ses actions. La technologie devient un véritable assistant. Pas étonnant que ma génération ne sache pas lire une carte. D’ailleurs ma génération ne sait pas faire grand chose, même enfoncer un clou avec un marteau ça semble être un exploit. Ma génération à l’habitude d’être assistée et ses actions n’ont pas de conséquences, elle est assurée, garantie et remboursée.

Ma génération est né avec la vidéo et l’audio numérique de piètre qualité et a grandi avec et s’en est accommodée. Elle s’est habituée à la médiocrité et a beaucoup de difficulté à comprendre les supports de meilleur qualité.

Ma génération a été terrorisée. Ma génération a commencé son éducation sexuelle avec le mot « SIDA », le virus (du VIH mais on l’appelle quand même vulgairement sida) qui nous aura tellement terrorisé qu’avant même de vivre notre première expérience sexuelle on pense qu’on a plus de chances de mourir du sida que de mourir dans un accident de voiture. Et puis maintenant on lit sur internet que le virus n’existe pas, qu’il s’agit d’une gigantesque arnaque génocidaire. Et c’est pareil pour tout, on lit tout et son contraire, on nous dit que le monde est contrôlé par des grandes familles de banquiers américains et puis on est tenté d’y croire parce qu’on n’a pas de meilleure explication ou que les autres explications ne sont pas plus cohérentes. Ma génération n’en a pas grand chose à faire de la cohérence et de la logique, elle se bat pour grappiller les miettes qu’on lui jette à terre.

Mais je suis optimiste car je sais que ma génération n’est pas totalement idiote, mais qu’elle est menée en bateau. Il lui faut quelque chose pour se réveiller de cette rêverie dans laquelle elle vit, certains parlent d’un éveil spirituel à travers la philosophie, l’art, peut-être la musique.

F.

NDLR : La vidéo musicale de Génération Quoi est d'ailleurs toujours en ligne ! Juste ci-dessous :