Mbappé au PSG : un storytelling millimétré

Kilian Mbappé / © Franck Fife / AFP

L'effervescence était à son comble en fin de matinée au Parc des Princes. Le petit prodige du ballon rond, Kylan Mbappé, tout droit venu du banc monégasque, assurait avec une aisance incroyable pour ses 18 ans, sa première conférence de présentation officielle au PSG. Après la super star mondiale Neymar, l'arrivée du bondynois conforte l'ancrage local du PSG. Une stratégie simple, mais efficace pour un club des plus ambitieux.

Car ne l'oublions pas, le PSG est d'abord et avant tout entreprise qui veille à faire fructifier son image sous l'égide du médiatique Nasser Al-Khelaïfi. Comme toutes marques, elle doit définir une vision, des ambitions, un projet -comme le rappelle le nouvel attaquant du PSG au cours de la conférence- mais aussi répondre à la question initiale, clé de voûte de toute définition stratégique préalable : en quoi le Club est-il unique ? Avec la super star mondiale qu'est Neymar, le PSG développe délibéremment une assise mondiale et entend prospérer à l'international. Avec Mbappé, le PSG s'appuie sur l'enfant de Bondy qui choisit de jouer "à domicile". Son transfert ancre le club sur son territoire géographique. Les images associées aux deux joueurs durant leurs conférences de presse respectives ainsi que les événements périphériques associés sont, en ce sens, très représentatifs de la communication "janusienne" développée par le PSG. Street, tendance immeubles de banlieue pour Mbappé, symbolique et monumentale avec Tour Eiffel pour Neymar. Deux réalités de Paris -ou du Grand Paris- complémentaires pour deux messages et deux cibles différentes. Soit une dynamique local/international éminemment consubstantielle au football lui-même.

 

Et les images de Mbappé enfant diffusées lors de la conférence de presse ne sont pas pour rien dans la construction de ce récit. On y voit un Mbappé âgé d'une dizaine d'années en 2009 qui pose devant le logo du PSG en t-shirt... Nike, l'équipementier du PSG d'hier et d'aujourd'hui. Celui là même qui vient d'ériger un portrait géant de lui sur une grande barre d'immeuble de la rue Frémin à Bondy. Un honneur déjà connu par Zinédine Zidane à Marseille ou Moussa Sissoko à Aulnay-sous-Bois. La boucle est bouclée. Pour la marque, c'est le jackpot médiatique, leur vedette internationale et leur vedette nationale sont réunies dans un club dont ils sont un partenaire historique. Un second maillot jaune est lancé pour séduire les Brésiliens fan de Neymar et un city stade est entièrement réhabilité à Bondy pour les footballeurs en herbe du quartier. Pour le club, il s'agit d'envoyer un nouveau message aux banlieues : début août, Nasser Al-Khelaïfi, était déjà à Moisson dans les Yvelines avec Emmanuel Macron dans le cadre d'actions pour les enfants défavorisés.

Photo de Mbappé datant de 2009 présentée en conférence de presse mercredi 6 septembre

Photo de Mbappé datant de 2009 présentée en conférence de presse mercredi 6 septembre

Très mature, Mbappé a réussi la performance de faire rire l'auditoire lors de ce baptême du feu médiatique sous les couleurs du PSG. Avec précision et aisance, il relate le récit de sa petite histoire personnelle qui rejoint ce jour la grande histoire du club : « c'était important de rentrer chez moi »Nasser Al-Khelaïfi le rappelle : « le PSG, c'est son club de coeur. » Tous les ingrédients d'un bon storytelling sont réunis pour construire l'image d'un héros humble et accessible qui entend "se faire petit et commencer par apprendre". Un sportif issu de banlieue parti pour réaliser le rêve d'une vie et qui garde néanmoins la tête sur les épaules : " j'arrive dans un vestiaire où j'ai le palmarès le plus maigre ". La communication est rodée. Professionnelle. Mbappé a intégré dès son plus jeune âge qu'elle faisait partie de son "job". Et il est doué à ce jeu notre animal médiatique. Le jeune homme cite même Camus sur son compte Twitter dans un communiqué rédigé sur un iPhone à l'attention des supporters de Monaco, qui lui ont reproché les conditions de son départ du club de la Principauté : "la vérité, comme la lumière, aveugle. Le mensonge, au contraire, est un beau crépuscule qui met chaque objet en valeur".

 

Et comme toute bonne communication, le message a une portée universelle qui dépasse ou plutôt transcende brillamment les contingences économiques. Cela est dû en partie aux valeurs intrinsèques véhiculées par le sport. Celles du dépassement de soi et de la capacité à réaliser ses rêves pour un môme de Bondy devenu star du PSG. Et ce, malgré le montant du transfert délirant : 145 millions d'euros hors bonus d'option d'achat à l'issue de son prêt d'un an. L'arrivée de Mbappé fait palpiter le coeur des enfants de banlieues et d'ailleurs, derrière leurs écrans. "Alors que le PSG a souvent recruté des étrangers, cela prouve que, nous aussi, dans les clubs de banlieue, on peut y arriver. Cela démontre qu'on a tous notre chance si on travaille" rapporte Jérémy, défenseur du Paris FC et interrogé par L'Equipe. « Bondy, ville des possibles » rappelle le portrait XXL du joueur désormais affiché dans sa ville natale. " Le Parc c'est particulier, j'y allais très jeune. Il n'y a qu'un seul club dans la ville, les enfants se dirigent naturellement vers le PSG. Pour moi le Parc, c'était le stade de la ville où tu te rendais quand tu avais de l'argent de poche " avoue Mbappé. Car un joueur comme un supporter de football n'est pas seulement lié à une équipe mais à un club. Si l'équipe évolue au fil de l'eau, si les joueurs vont et viennent, le club reste par-delà les échecs ou les succès inhérents à toute compétition sportive. Un supporter souhaite, plus que toute autre chose, que son club représente sa ville, sa région et son territoire, et qu'il porte haut et avec fierté ses couleurs à travers le monde. Quand bien même Paris n'est pas Bondy. Quand bien même les réalités sociologiques sont diamétralement opposées. Il est là le tour de force de la communication PSG avec l'arrivée de Mbappé. 

Martin Paugam et Anne-Claire Ruel

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