Emmanuel Macron, Président des riches ? Attention risque majeur d'opinion

Le président français Emmanuel Macron à Varna, en Bulgarie, le 25 août 2017. (HRISTO RUSEV / NURPHOTO / AFP)

Une image médiatique à la Justin Trudeau, mâtinée d'un soupçon de modernité de Barack Obama, en évitant surtout de ressembler au commentateur François Hollande, le tout adapté à notre tempérament hexagonal sur fond de rareté... Emmanuel Macron, c'est l'épopée d'un homme devenu chef d'Etat qui avait dessiné ainsi les contours de sa communication présidentielle. Visiblement, le maître des horloges s'est heurté au principe de réalité pour sonner le glas de cette stratégie métissée : les médias lui associent de plus en plus les attributs d'image de... Nicolas Sarkozy. "Président des riches"... cette dénomination qui avait des ravages lors des débuts du mandat du sixième président de la cinquième république, reprise ce 26 août par Jean-Luc Mélenchon à Marseille et déjà utilisée par le leader de la France Insoumise durant la campagne, pourrait mettre très vite le feu aux poudres de cette rentrée sociale explosive.

 

La directrice de l’Observatoire de l’opinion à la Fondation Jean-Jaurès Chloé Morin et les politologues Marie Gariazzo et Gaspard Jaboulay (Ifop) analysent les verbatim des Français extraits de leur étude dans les colonnes de Paris MatchAugmentation de la CSG, diminution des APL... La puissance symbolique de ces mesures est dévastatrice. Un soufflet. Une bombe à fragmentation. Désormais, le gouvernement s'en prend aux plus faibles pensent les Français. Ce ne sont pas la revalorisation du minimum vieillesse ou bien encore celle de l'allocation adultes handicapés qui vont imprimer dans l'opinion. Le mal est fait. Le sentiment d'injustice sociale s'accroît à mesure que la fracture sociale semble devenue un abîme. Sur les 9,15 milliards de baisses d’impôts prévues, 4,20 milliards bénéficieront aux 10% les plus riches, soit 46% du total. Leurs revenus annuels augmenteraient de 2,6% (contre 1,4% en moyenne pour l’ensemble des ménages).

Comment les en blâmer ? A la mise en scène très verrouillée de la communication présidentielle fait écho la critique sociale de plus en plus prononcée sur son action politique. Sans compter les hésitations du gouvernement quant au calendrier des réformes qui ferait douter les plus farouches apôtres du renouvellement politique. La stratégie de rareté de la parole présidentielle (tweet et albums photos) est intenable sans relais (ministre et snipers). Dont acte.

Emmanuel Macron amorce un "pivot" pour reprendre la novlangue des start-up érigée au rang de dogme. L'heure est à la reprise du récit initié en campagne : le héros doit donc '"proférer la devise qui étonne ou l’injure qui tétanise, et bien entendu vaincre. Homme seul au départ, il doit capitaliser les soutiens, faire revivre des entreprises, des villages ou des banlieues, apporter le succès là où régnaient que misère et désespoir" résume Jean-Paul Gourevitch, dans L’image en politique. Mais il ne vous aura pas échappé que la conquête du pouvoir est achevée : à prendre seul la parole, nous en revenons à une hyper présidence. Ni plus, ni moins celles des deux précédents quinquennats. Le tout avec une légitimité électorale des plus faibles : 25,4% des inscrits ne se sont pas rendus aux urnes le 7 mai, soit 12,1 millions de Français. Macromania vous avez dit ?

L'homme, qui a construit toute son ascension autour de son nom a décidé de se taire une fois rebaptisé Jupiter. Il a choisi des ministres "techniciens" inaudibles médiatiquement et inconnus du grand public. Sa majorité tâtonne à l'Assemblée, quant à son mouvement, il peine à se structurer en parti. Quadrature du cercle. Sur tous les plateaux télévisés, les commentateurs de tout poil exhortent Emmanuel Macron à faire plus de "pédagogie", lui qui veut "transformer" et non "réformer" la France. Pédagogie... Bientôt vingt ans que ce mot vidé de sa substance revient en serpent de mer, alors même que l'opinion attend du sens.

Les Français ne sont pas idiots que diable ! Ils n'ont pas besoin d'une communication professorale, ni d'une leçon magistrale. C'est un travail de conviction qui doit être mené patiemment et méthodiquement. D'autant plus rapidement qu'il va être intenable de jouer la carte de la transformation, impliquant nécessairement des sacrifices, alors que les indicateurs semblent redevenir positifs. Il est grand temps de communiquer non pas sur l'offre, mais sur le bénéfice pour les Français -si tant est qu'il existe un pour les plus faibles, mais c'est une autre question- mais aussi de clarifier et coordonner la riposte médiatique en mode "carpet bombing" pour reprendre la rhétorique... sarkozyste, là encore : en d'autres termes, que les ministres et députés aguerris médiatiquement puissent déminer les terrains dangereux avant toute prise de parole du Chef.

Ce jeudi, le gouvernement rendra enfin publiques les ordonnances sur la réforme du Code du travail. Oui, jeudi, le jour de Jupiter comme le rappelle l'étymologie jovis dies. Un jeudi noir ? Possible selon les Cassandre -qu'il faut toujours écouter- car le tonnerre et les éclairs pourraient se retourner contre l'Olympe.

Anne-Claire Ruel

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