Emmanuel Macron, télévangéliste ou organisateur de team building ?

Emmanuel Macron, en meeting à Marseille (Bouches-du-Rhône), samedi 1er avril 2017. (BERTRAND LANGLOIS / AFP)

Sourire béat comme transcendé, militants vêtus de t-shirts multicolores autour de lui, tout comme lors des meetings précédents, à Marseille Emmanuel Macron a tout d'un prédicateur consacrant une large partie de son ministère à des émissions de télévision régulières. A ceci près qu'il s'agit de meetings et de politique. De l'énergie, il en a à revendre, mais quid du fond ? Au coeur de la cité phocéenne, le vernis de la communication d'Emmanuel Macron commence à se craqueler. Décryptage.

Le "pathos" comme unique registre de communication

Communiquer, c'est utiliser trois registres : l’ethos, ce que je suis; le pathos, l’émotion; le logos, le fond. Lorsque l'on s'intéresse à l'ethos d'Emmanuel Macron, des incohérences apparaissent. Certes, il est jeune, mais son élocution compassée associée à son profil d'énarque, rendent parfois son discours inaudible. Les médias s'en sont d'ailleurs amusés, pointant le lyrisme abscons de ses propos. Pour ce qui est du fond, son programme a tout d'une offre de marketing politique qui tendrait à cibler large. Adieu les grands axes programmatiques, vive le programme à la carte et aux choix multiples. Emmanuel Macron est le candidat qui vous offre la perspective de vous réaliser au sens propre : devenir député, tout comme lancer votre start-up, à la manière des auteurs d'ouvrages développement personnel qui fourmillent actuellement sur les étagères des librairies. D'ailleurs, toute la communication de l'ex premier ministre repose sur le pathos : image d'un candidat portant dans ses bras un enfant à la fin du meeting de Marseille, ou bien encore faisant monter sur scène les participants comme le prédicateur ses adeptes lors des rituels télévisés à la Réunion. Quand il ne s'affiche pas ostensiblement avec Christian Estrosi de manière à montrer qu'il est capable de séduire la Sarkozie et ses électeurs, lui que Fillon appelle désormais "Emmanuel Hollande". Le procédé est habile : le président de la région PACA ayant combattu tout le long de son mandat le chef de l'Etat, et l'ensemble de ses réformes du système pénal au mariage pour tous. Rusé aussi d'évoquer leur "alliance" face au FN : Christophe Castaner, député des Alpes de Haute-Provence et proche du candidat, reconverti avec le succès qu'on connait en chauffeur de salle de l'ex ministre à Marseille, s'était désisté pour laisser la victoire à Christian Estrosi face à Marion Maréchal-Le Pen.

 Le candidat "manager" post-politique

Mais, plus qu'un télévangéliste, une image s'impose à la vue de ce meeting de Marseille : celle d'un directeur commercial devant ses collaborateurs réunis en symposium pour un team building télévisé. Oui, vous savez, ces réunions d'équipe prévues pour remonter le moral des troupes et s'assurer une plus forte productivité à force de jeux censés briser la glace et développer la cohésion de groupe. En témoignent les applaudissements intempestifs et les références mal maîtrisées, comme dans une émission d'Intervilles mal préparée. Ce qui lui a valu d'ailleurs un petit tacle amusé de Jean-Luc Mélenchon. Pourtant, dans le Monde de ce jour, il affirme que, s'il était élu, il ne traiterait pas son Premier ministre comme un "collaborateur". Une référence directe à Nicolas Sarkozy qui avait qualifié ainsi François Fillon. Un très bon article de Jérôme Latta sur le site Regards.fr illustre l'appartenance d'Emmanuel Macron à cette nouvelle ère post-politique dans laquelle nous sommes propulsés : "On peut en effet railler son discours creux d’étudiant en école de commerce, ses paroles qui semblent issues d’un générateur de poncifs, mais c’est ce qui fait en partie sa force. Aujourd’hui, il se sert à rien de faire sens ; le sens fait émerger des contradictions, des polarités, des aspérités qui accrochent le sens critique de ceux qui écoutent. Il vaut mieux, au contraire, se glisser dans le courant, ce qui permet de ne pas être disqualifié comme "irréaliste", "utopique" ou "populiste". Macron est le candidat naturel de notre époque, sa créature." Dépolitisé, il est le candidat post-idéologique qui érige le pragmatisme en porte-étendard.

Aujourd'hui, l'heure est aux spéculations. Avec qui -diantre- l'ancien ministre de l'Economie va-t-il gouverner ? Pourquoi ne s'intéresse-t-on pas à sa vision de la société ? Même s'il se défend vertement en affirmant qu'il sera le "garant du temps long, des institutions, du cap donné" dans le Monde de ce jour, les formules restent incantatoires. Finalement, Emmanuel Macron est devenu le directeur de la communication de sa propre marque. A ceci près qu’avant de communiquer, il serait de bon ton d'avoir des convictions forgées.

Anne-Claire Ruel

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