Lettre ouverte à Alain Juppé et François Fillon

Les deux candidats finalistes à la primaire à droite Francois Fillon et Alain Juppe lors du deuxième débat télévisé, le 3 novembre 2016. (ERIC FEFERBERG / AFP)

François, Alain, ça y est. Vous y êtes. C'est "LE" moment que vous attendiez tous les deux. Le suspens est à son comble. D'ici quelques heures vous devrez proférer la devise qui tétanise. Etonner votre monde. Vous engouffrer là où on ne l’attendait pas. Et bien entendu vaincre à l'issue de ce combat cathodique. Hommes seuls au départ, vous devez faire montre de vos soutiens et justifier en quoi vous êtes les plus aptes à diriger la France et décider de la marche du monde.

Vos communicants vous diront d'affirmer votre caractère, de vous montrer incisifs, moins courtois. Non, l'affrontement ne vous effraie pas. Parce qu'ils ne sont pas à une contradiction près, ils vous diront dans le même mouvement d'être souriants, voire détendus pour "fendre l'armure". Pourtant, vous n'êtes pas franchement les plus joviaux des trublions de l'hexagone.

Ils vous demanderont de ne pas vous inquiéter, parce que vous êtes les meilleurs et les plus préparés : vous avez visionné vos précédents passages tv, appris de vos erreurs, vulgarisé vos propos technos, cerné la personnalité intime de votre adversaire, débattu des heures durant avec vos sparring partners. Et non des moindres, les meilleurs de la place de Paris. Vous êtes des hommes discrets et cela paie.

Vos communicants vous engageront à affirmer avec force vos convictions : "la France va mal et il va falloir faire des sacrifices et tailler dans le vif". Mais qu'on ne s'inquiète pas, car vous êtes déterminés, courageux. De vrais chefs. Dans le bon sens du terme, ça va de soi. Vos spin doctors vous diront de présenter les faits de manière clinique avant de décrire ce que vous ressentez pour présenter enfin votre vision. Vous entendrez qu'elle doit être "impactante" et "différenciante". Leur jargon pour simplement dire que les Français doivent pouvoir vous distinguer, vous les deux "ex" premier ministre aux profils identiques. Ils vous diront d'encaisser les remarques désobligeantes de votre adversaires sans grimacer. Exit la susceptibilité, place à la responsabilité.

Mais ce qu'ils oublieront peut-être de vous dire, c'est de parler à tous. Et plus particulièrement aux périphéries. Celles qui souffrent. Celles à qui plus personne ne s'adresse. Celles qui veulent une révolution sans un seul coup de feu de tiré. Un bulletin pour tout faire péter. Ce que vos communicants ne vous diront peut-être pas, c'est que cette France est une bombe à retardement. Des villages aux banlieues, vous ne représentez plus rien, ni personne. Votre langue s'est tue. Elle est aseptisée. Vous parlez de vous, entre vous, avec les médias. Vous invoquez tous les trois mots l'idée que vous vous faites de la France. Vous les oubliez. Déconnectés.

Le soir même et le lendemain, les experts de tout poil, dont je fais partie, s'interrogeront pour savoir qui a gagné la bataille de l'attention. Vous savez, ces questions que nous nous posons à longueur d'articles, en cherchant à décrypter la moindre de vos attitudes : quels ont été les temps forts du débat ? En quoi vous opposez-vous sur le fond ? Vous, Alain, avez-vous réussi à capter l'électorat de centre gauche ? François, la bourgeoisie provinciale a-t-elle été séduite par vos propositions ? Que dirons-nous sur le fond ? Absolument rien. Une chambre d'échos. Sans doute parce que tout comme vous, nous passons à côté de l'essentiel : nous adresser aux Français. 

Anne-Claire Ruel

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