Kim Kardashian : Paris et le méta-risque d'opinion

Kim Kardashian lors du dîner du "Girls' Lounge", le 27 septembre 2016 à New York (Etats-Unis). (SLAVEN VLASIC / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

Si un jour on m'avait dit que j'écrirais sur Kim Kardashian, j'en aurais été la première surprise. Non pas par condescendance, je crois la star de télé-réalité bien plus maligne que l'on veut bien le montrer : mine de rien, sans autre talent que le don de se monnayer, elle a fait de son nom une marque. Mais excepté le marketing autour de sa personnalité, je n'aurais pas su traiter le sujet. Avec le vol de ses bijoux et son agression en plein Paris, dans son hôtel particulier, la situation est tout autre. Notre capitale est plongée en plein coeur d'un "méta-risque d'opinion" : les angles médiatiques déployés, mais aussi les risques associés, ne sont pas seulement liés au fait divers. Ils sont également people, politiques, économiques et sociétaux. Un vrai cauchemar pour les communicants dont l'obsession est de cantonner les sujets médiatiques à une seule et même problématique pour éviter toute contagion du phénomène d'opinion. Dans un contexte touristique en berne suite aux attentats, il s'agit d'une petite bombe à fragmentation qui est en train d'exploser sur tous les écrans du monde entier, mettant à mal Paris et sa réputation. Pourquoi ?

Parce que Kim Kardashian et son mari Kanye West sont des icônes "people"

Le couple qu'elle forme avec le rappeur Kanye West est ultra-médiatisé et surtout planétaire. De ses déboires conjugaux à ses grossesses, la starlette est sous le feu des projecteurs médiatiques du monde entier. Un peu comme tous les couples de "stars", les risques sont décuplés puisque la médiatisation est double et agit comme une caisse de résonance médiatique. Les fans de Kanye West l'ont ainsi vu en direct annuler son show pour "raison familiale" et les images de cette interruption de concert font maintenant le tour du monde. La foule suit leurs aventures au jour le jour comme elle suivrait un show télévisé. Cela fait tourner des rotatives et vendre de la publicité. D'ores et déjà les rédactions du monde entier ont fait le déplacement pour couvrir l'événement de ces icônes médiatiques, tout à la fois sacrées et profanes, adulées et décriées.

Parce que les faits sont tout à la fois irréels et universels

Plus qu'un fait divers, le stratagème prévu par les malfaiteurs pour commettre leur crime (des déguisements de policiers), ainsi que la violence qui s'en est suivie (revolver sur la tempe de la personnalité publique), non rien d'anodins. Le montant du butin fait également le titre de la presse du monde entier : pas moins de 10 millions d'euros. Violence et somme astronomique se conjuguent. La situation est tout à la fois irréelle et universelle. L'univers cinématographique, mais aussi les heures les plus sombres des braquages de bijouteries cannoises ajoutent une touche de sensationnel à la description des faits qui se racontent en images comme un feuilleton ou un film de série B sur les écrans de télévision.

Parce que l'agression touche à notre conception de la sécurité et de l'intimité

Dorénavant les criminels se déplacent directement chez les détenteurs de bijoux. Quand bien même ils seraient logés dans l'un des quartiers les plus paisible de la ville. Les médias rappellent en boucle qu'ils ont également dérobé la bague de mariée de la vedette. Dans l'imaginaire collectif, cela touche à l'intime et l'idée même que l'on se fait de la sécurité. En temps normal, un hôtel particulier, tout comme une maison, est une enveloppe protectrice, un havre de paix. Immédiatement, l'opinion peut se projeter pour se mettre à la place de la starlette. Sans compter que le mot "hôtel" vampirise le terme "particulier". Et à ce jeu, les hôteliers sont perdants. Cette agression, comme toutes les effractions médiatiques, joue sur les peurs et la contagion émotionnelle. 

Parce que sur le plan national, les polémiques politiques sont relancées de plus belle

Ce lundi matin sur les ondes d'Europe 1, Nathalie Kosciusko-Morizet, candidate malheureuse à la Mairie de Paris en 2014, a évidemment profité de l'occation pour rejeter la faute sur la Maire de Paris Anne Hidalgo :

« On a ce matin, sur toutes les chaînes du monde probablement, et au moins aux Etats-Unis c’est sûr, et en boucle toute la journée, l’information qui est en train de tourner. Vous vous rendez compte de la contre-pub que ça représente ? Il y a une urgence générale sur la sécurité à Paris. Du côté du pouvoir et de la municipalité, on n’est pas assez réactifs. »

Le vice-président du Front national Florian Philippot est quant à lui intervenu sur Twitter : « Le tourisme va encore payer cette insécurité chronique en France. ». Ce qui a valu à Anne Hidalgo de se fendre d'un communiqué pour répliquer immédiatement et ne pas laisser la polémique enfler.

Les faits sont donc détournés par les forces en présence pour passer un message politique à l'aune de la présidentielle 2017. Il s'agit en somme d'un deuxième braquage médiatique. Du newsjacking cette fois. En d'autres termes rebondir sur une actualité pour évoquer les thématiques que vous défendez. 

Parce qu'à l'international, depuis les attentats, l'image de Paris s'est dégradée

Le tourisme est le premier à pâtir de cet effet. Depuis les attentats, pour le monde entier notre pays n'a pas la capacité à lutter contre cette terreur. Avec l'agression de Kim Kardashian en pleine Fashion Week, il n'est évidemment pas question de terrorisme, mais dans l'inconscient, il n'en demeure pas moins que Paris semble être en proie à une vague de violence dont elle ne sait se prémunir. Toutes les campagnes de communication pour médiatiser la qualité de vie parisienne semblent anéanties en un instant. Notamment le nouveau clip de Jalil Lespert financé par la Mairie de Paris et le secteur du luxe à la gloire de Paris pour promouvoir la destination... il y a quelques jours.

La reconstruction de l'image demandera du temps. Mais qu'importe. Comme l'écrivait Victor Hugo : « Sauver Paris, c’est plus que sauver la France, c’est sauver le monde. »

Anne-Claire Ruel

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