GDF-Suez devient ENGIE : pourquoi changer de nom ?

Gérard Mestrallet, président de GDF Suez, à Paris, le 7 mai 2014. (FRANCOIS GUILLOT / AFP)

Exit GDF Suez, place à ENGIE. Gérard Mestrallet, PDG du groupe, et Isabelle Kocher, directrice générale, ont réuni un parterre de journalistes attentifs pour présenter la toute nouvelle identité du groupe ce vendredi 24 avril. Si cette nouvelle dénomination, choisie en interne, s'accompagne d'un nouveau logo, le slogan anglais a été confirmé : "By people for people". A l'heure de la mondialisation, le virage sera résolument anglo-saxon. Il n'est pas rare pour les grands groupes adeptes des fusions-acquisitions de changer de noms, tant leurs métiers sont amenés à évoluer. Ernst & Young a ainsi été rebaptisée EY. EADS a opté quant à elle pour Airbus. France Telecom est devenue Orange. Enfin PPR, l'ex-Pinault Printemps Redoute, a choisi le nom de Kering. Mais pour autant, une marque aussi installée que GDF-Suez peut-elle changer de nom ? Oui, mais pas sans condition.

Changer de nom oui, pour illustrer la nouvelle stratégie de groupe

GDF Suez, né de la fusion en juillet 2008 entre l'ex-monopole public Gaz de France et Suez, est un des plus grands producteurs et fournisseurs mondiaux d'électricité et de gaz, avec plus de 150 000 salariés et un chiffre d'affaires de 74,7 milliards d'euros l'an dernier. Colossal. Enfin presque. Malmené par la baisse de consommation du gaz et de l'électricité en Europe, le groupe se devait d'une part de réagir, d'autre part de prendre à bras-le-corps les problématiques essentielles que sont le réchauffement climatique et la transition énergétique. "Le monde de l’énergie connaît des bouleversements profonds. La transition énergétique est plus que jamais une réalité. Présent dans 70 pays et sur l’ensemble des métiers de l’énergie, notre groupe est au cœur de ces transformations. Pour accompagner ces défis et accompagner notre développement, nous avons pris la décision de doter GDF Suez d’un nouveau nom : ENGIE. Un nom simple et fort, qui évoque l’énergie pour tous et dans toutes les cultures", rappelle Gérard Mestrallet dans une interview accordée aux Echos. "En 2015, nous allons atteindre notre objectif d’augmenter de moitié la part d’énergies renouvelables dans nos capacités de production électrique, avec l’objectif de doubler cette part à l’horizon 2025 en Europe" explique le pdg dans une interview du 16 avril accordée au Monde. En d'autres termes, avec ce changement de nom, le capitaine d'industrie entend tourner définitivement la page des fusions-acquisitions, élargir ses activités et préparer sa succession après vingt-deux ans passés dans l'entreprise, pour laisser place à sa directrice générale, tout juste âgée de 48 ans. Une nouvelle ère... histoire de faire oublier le passé pas toujours glorieux.

Changer de nom oui, mais informant les salariés en amont

Pas facile de trouver un nom tout à la fois libre juridiquement, compréhensible internationalement et qui ne tombera pas en désuétude dans quelques temps. Car en la matière, il existe des effets de mode : nous avons ainsi vu fleurir les suffixes "is" et "eo" et les doubles lettres des entreprises telles que google, wanadoo ou kelkoo les années passées. Avec ENGIE, le message est clair : universalité et empathie, voire légèreté tant le nouveau logo convoque plus l'univers d'un Danone que d'un géant industriel. Une fois le nom trouvé, le plus difficile reste à accomplir : convaincre les salariés, inquiets de la réorganisation interne dont le changement de nom n'est que la partie émergée de l'iceberg. La conférence de presse a été annoncée la veille pour le lendemain, sans doute pour garantir l'effet d'annonce auprès des médias. Le groupe a ainsi confirmé ce vendredi l'information sortie jeudi par la Lettre de l'Expansion, précisant que Gérard Mestrallet, le PDG du groupe industriel, allait "annoncer vendredi le nouveau nom en interne" avant de dévoiler "publiquement la nouvelle appellation ce mardi, lors de l'assemblée générale du groupe". Car il est là le risque d'écueil. Aujourd'hui, les salariés sont les premiers ambassadeurs et leur appui est essentiel pour la pérennité de l'entreprise. C'est avec fierté qu'ils doivent faire leurs les nouvelles couleurs de l'entreprise. Parce qu'un changement de nom peut être particulièrement anxiogène, la direction doit les traiter de manière privilégiée. L'objectif est de tout faire pour qu'ils ne l'apprennent pas par voie de presse, sans communication interne préalable. Pas facile à l'aune de notre nouvelle agora numérique. 

Changer de nom oui, mais pas sans plan média colossal

Une fois le nom déterminé, comment s'assurer de la reprise du message ? En plaçant stratégiquement vos "éléments de langage" -on serait tenté de parler de mots clés dans ce cas précis- dans chacune de vos communications : "nouveau projet d'entreprise", "nouvelle donne énergétique"...  Le tour est joué. Désormais, votre nouvelle appellation correspond en tout point à votre stratégie. Il ne reste plus qu'à décliner la campagne auprès du grand public : ce sera chose faite dès dimanche via un spot de 90 secondes diffusé à la télévision, évoquant le changement dans le monde. A grand renfort de relations presse et de campagne digitale, ENGIE et son agence de communication Publicis Conseil devraient développer une stratégie événementielle et saturer la communication sur le sujet. CB News présente le dispositif militaire prévu pour l'occasion : "En TV, le lancement se fera en prime time avec extension digitale d’un format 90’’ dimanche 26 avril sur 13 chaines et diffusion de la campagne sur 16 chaînes de télévision du 27 avril au 22 mai et plus de 100 publications en France du 27 avril au 10 juillet. En presse, plus de 100 publications investiront la France du 27 avril au 10 juillet dans la presse quotidienne, régionale, patrimoniale et news magazines. En digital plus de 171 millions d’impressions seront délivrées au cours de la première vague de cette campagne avec une présence démultipliée et du brand content sur les réseaux sociaux Instagram, Vine, tumblr et pinterest. La campagne est déployée principalement en France et en Belgique, deux pays phares pour la marque. Les leaders d’opinion européens seront ciblés avec un dispositif pan-Europe et sur les pays majeurs, des renforts spécifiques en Italie, en Allemagne, aux Pays-Bas ainsi qu’aux Etats-Unis."

Une campagne d'envergure, certes, mais à ce jour, le dossier de presse et le communiqué de lancement de la campagne prévue dimanche ne sont toujours pas en ligne sur le site du géant de l'énergie. Quant au compte instragram, le nom GDF Suez reste inchangé. Dans quelques semaines, nous saurons si comme Vivendi et Areva précédemment, le groupe a réussi son pari. To be continued !

Anne-Claire Ruel

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