Vie de Cab, le conseiller ministériel qui bouscule le gouvernement sur Twitter

Personne ne connaît son identité et pourtant, il totalise plus de 7 200 followers au compteur. Derrière le nom "Vie de Cab" et sa photo de profil "oeuf" -qu'il a pensé changer un temps, avant de la conserver pour son côté faux-béotien-, se cache un conseiller ministériel -c'est du moins ce qu'il affirme- dont le franc-parler et l'humour ravageur a très vite séduit les amateurs de politique, fatigués par les discours policés et aseptisés des "professionnels" du genre. "Vie de Cab" tire à boulet rouge sur la droite, évidemment, mais aussi sur la gauche et c'est là que cela en devient hilarant. Depuis la Rochelle et les Universités d'été du PS, en passant par la salle des Quatre Colonnes de l'Assemblée, il nous donne à voir les coulisses des hommes de l'ombre, parfois exaspérés de la politique de leur propre camp, mais toujours fiers et heureux des réformes menées lorsqu'elles marquent à jamais de leur empreinte la société. Interview. Second degré, j'écris ton nom.

 

Qui êtes-vous ? (Non, je plaisante)

Vie de Cab : Jean-Pierre Jouyet. (Non, je plaisante)

Etes-vous bien une seule et même personne à la tête de ce compte Twitter ?

Vie de Cab : Oui, mais je dois admettre que certains tweets sont le résultat de saines émulations collectives. Et que je pique parfois des idées ici ou là.

Combien de personnes sont au courant de votre identité ? Craignez-vous parfois être démasqué ?

Vie de Cab : A peu près tout le Gouvernement. Mais je ne crains rien, je les tiens tous.

Quels sont vos sujets de prédilection ?

Vie de Cab : L'entomoculture mais à des fins purement récréatives.

Ce compte Twitter -très second degré- est-il une forme de défouloir pour amortir la violence des chocs politiques ou une simple blague potache entre amis ?

Vie de Cab : Bonne question. Je devrais probablement en parler avec mon psychiatre.
Plus sérieusement, j'ai créé ce compte pendant le dernier remaniement où on avait, paradoxalement, plus de temps libre qu'à l'accoutumée. Cela détendait un peu l'atmosphère. En tout cas, c'était, à la base, juste une blague potache.

La plus grande transgression est-elle de se moquer de son propre camp ?

Vie de Cab : Évidemment. C'est la nature même de l'exercice, et c'est cela qui marche. Je ne pense pas cependant que ce soit une grande transgression, et encore moins la plus grande. Et puis, s'il s'agit d'attaquer le camp adverse, on a déjà de fins limiers. Enfin...

Quel est votre meilleur tweet selon vous ?

Vie de Cab : Le prochain. 

Quel tweet a suscité le plus de réactions ?

Vie de Cab : Difficile à dire. Au compteur de retweet/mention probablement le stagiaire de BFM qui un matin a titré dans son bandeau "Survivant, Premier secrétaire du PS".

 

Etes-vous parfois découragé de travailler comme soutier tandis que le gouvernement est décrié ?

Vie de Cab : Jamais parce qu'il est décrié. Je ne suis jamais aussi fier de travailler pour le Gouvernement que les jours de Manif pour tous. C'est seulement sur le fond qu'on peut, parfois, avoir des jours plus faciles que d'autres.

L’amitié et la solidarité entre conseillers existe-t-elle ?

Vie de Cab : Si vous n'avez besoin de rien, vous pourrez toujours compter sur vos collègues... Mais je vous rassure, il y a des exceptions qui confirment la règle. 

Arrivez-vous à supporter votre ministre tous les jours ?

Vie de Cab : Non, mais la réciproque est vraie 🙂

Racontez-nous l’ambiance dans les couloirs lorsque les moments de tensions politiques sont intenses.

Vie de Cab : A y passer nos journées, nos soirées, nos week-ends, les collaborateurs (les plus investis) finissent par devenir le reflet de l'action du Ministère. De véritables unités de mesure. Teints blafards et cernes marquées pendant les coups de bourre, mine joviale et bonne humeur après un bon coup ou un arbitrage favorable, irritabilité et susceptibilité les jours tendus.

Percevez-vous une évolution du climat depuis le début de la mandature ?

Vie de Cab : A en croire les météorologues, ça se réchauffe. 

Pensez-vous que la vie politique est trop policée ? Ce compte Twitter vous permet-il d’y ajouter quelques aspérités ?

Vie de Cab : Oh que oui. Il y a quelques jours je re-regardais Le Président d'Yves Jeuland, le magnifique film sur la dernière campagne de George Frêche. Bien sûr qu'il était loin d'être un exemple à suivre, et que son outrance et ses dérapages ont desservi son camp et ses combats, mais on ne peut pas lui enlever une qualité : son authenticité. Avec l'hyper-communication, l'homme (ou la femme) politique d'aujourd'hui doit être gentil, poli, bien coiffé, ni trop gros ni trop maigre, bien habillé avec une cravate bien nouée, marié, fidèle, sportif, sobre, propre. Depuis sa tendre jeunesse, il ne doit jamais avoir expérimenté de produits stupéfiants ni roulé à 95 Km/h un dimanche sur une route de campagne ou avoir payé en retard son deuxième tiers provisionnel. Et surtout, au grand surtout, il doit être politiquement correct. Toujours. Les élus doivent bien sûr respecter la fonction qu'ils occupent, lorsqu'ils l'occupent. Mais on devrait se foutre de leurs vies privées... Churchill buvait, Malraux prenait de l'opium et Clemenceau était d'une violence verbale inouïe. Cette aseptisation de la politique est triste, et regrettable.

Le succès de ce compte vous a-t-il étonné ?

Vie de Cab : Oui. Et il ne cesse de m'étonner.

Qu’est-ce qui pourrait vous arrêter de tweeter ?

Vie de Cab : Le prochain remaniement ?

 

Anne-Claire Ruel

@anneclaireruel

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