Estimations de vote des sondages et prévisions du modèle politico-économique : une analyse comparée du vote de gauche dans 58 villes.

A la veille du second tour des municipales du 30 mars prochain, il nous a semblé intéressant de dresser un  bref bilan des performances comparées des simulations (prévisions) du modèle politico-économique ElectionScope et des sondages, en ce qui concerne le score de la gauche, lors du 1er tour des municipales 2014.

 

Les prévisions de vote des sondages et du modèle

Pour établir cette comparaison, nous avons pris pour référence les 58 villes de plus de 30000 habitants qui ont fait l’objet d’un suivi par les différents instituts de sondages.

On rappellera que les simulations du modèle politico-économique sont générées à partir d’un modèle statistique (économétrique) pour lequel le vote en faveur du camp sortant (droite ou gauche lato sensu) est expliqué par des facteurs locaux (vote passé, qualité de gestion des finances publiques, socio-démographie professionnelle, structure de l’habitat, structure d’âge de la population), nationaux (solde satisfaits-mécontents de la popularité du Président) et mixtes (taux de chômage par zone d’emploi).

Ainsi sur l’ensemble de ce panel (non exhaustif), la gauche a réalisé un score moyen de 45,02% des voix au 1er tour le 23 mars dernier. On notera que c’est 2,7 points de plus que le score total de la gauche dans les villes de plus de 10000 habitants (nous n’avons pas à ce jour le cumul national dans les villes de plus de 30000 habitants).

Par comparaison, pour les 58 villes retenues, le score moyen de la gauche estimé par les derniers sondages des instituts, effectués avant le premier tour, est de 48,5% des voix, soit une surestimation de 3,48 points. De son côté, le score moyen simulé par le modèle politico-économique ElectionScope est de 36,67% pour la gauche, soit une sous-estimation de 6,35 points (voir tableau 1).

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Les sondages surestiment le score de la gauche

Manifestement, les sondages on eu tendance à surestimer le score de la gauche. Ils sont en cela fidèles aux interprétations faites avant le premier tour sur la foi d’enquêtes expliquant que 70 à 80% des électeurs se prononceraient sur des critères avant tout locaux. Ceci est à traduire par : « la gauche devrait être ainsi protégée par les bons bilans de ses maires ». Mais pour l’heure, il n’en est rien. La surestimation vient-elle de la non révélation des préférences des interviewés sur la vraie signification de leur vote à venir, c'est-à-dire un vote « nationalisé », ou bien provient-elle d’un redressement des résultats bruts donnant une prime aux équipes orientées à gauche, selon l’hypothèse du « bon bilan local » de leur maires comparé à celui des maires de droite? Le débat reste entier.

Le modèle politico-économique anticipe la vague bleue et sous-estime la gauche

Le modèle politico-économique, de par ses variables explicatives, a quant à lui anticipé une « vague bleue », et ce dès le premier tour. La mise à jour de la popularité de François Hollande et du taux de chômage par zone d’emploi conduit à faire baisser, mais aussi à sous-estimer, le score moyen de la gauche dans les 58 villes.

La performance comparée des méthodes

En ce qui concerne la précision des deux méthodes de simulation, quant au score moyen de la gauche, le modèle l’emporte sur les sondages dans 38% des cas, ce qui est honorable dans la mesure où ce dernier est avant tout construit pour prévoir la stabilité des familles politiques sortantes ou leur défaite probable, et ce, de manière précoce (tableau 2).

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De leur côté, les sondages l’emportent en précision du score de la gauche dans 55% des cas. On notera que modèle et sondages ont une précision très voisine pour le score de la gauche à Boulogne sur mer, Fréjus, Pau et Perpignan, soit 7% des cas.

Enfin, les deux méthodes ont-elles été capables de prévoir correctement si la gauche franchirait ou non le seuil de la majorité absolue des 50% des voix  (tableau 3)?

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Dans près des deux tiers des cas, modèle et sondages sont du « bon côté » de la barre des 50%, eu égard au score réalisé par la gauche. Cependant, dans 22,4% des cas le modèle ne prévoit pas que la gauche franchira effectivement les 50% des voix. De leur côté, dans 19,2% des cas, les sondages anticipent que la gauche réalisera un score supérieur ou égal à 50%, alors que ce ne sera finalement pas le cas.

Ainsi que nous venons de le voir, les sondages de premier tour effectués dans 58 villes de plus de 30000 habitants sont incapables d’anticiper en moyenne le recul de la gauche. Le modèle a quant à lui eu cette aptitude. En revanche, ce dernier à l’inconvénient d’être moins précis en moyenne sur les scores en tant que tels (n’oublions pas qu’il est probabiliste et que beaucoup dépend de la marge d’erreur du modèle), même s’il a fait preuve d’acuité pour Caen, Strasbourg, Chartres, Reims, Valence, Orléans, Marseille, Amiens, Angoulême, Belfort, Laval, Saint-Maur des Fossés ou même Bordeaux.

Il faut diversifier les outils de prévision

Cette étude est certes réduite à 58 villes mais elle montre bien s’il en est, qu’en matière de prévision, il est important de mobiliser, ensemble, des outils différents. La convergence des prévisions issues de techniques différentes à un sens, tout comme leur divergence d’ailleurs. Ce n’est là qu’une des nombreuses recommandations de la théorie de la diversification du portefeuille chère à Harry Markowitz.