Ce qu'il reste des anti-Obama

Mitt Romney et sa femme Ann quittent la scène après avoir reconnu la victoire de Barack Obama le 7 novembre 2012 à Boston (Etats-Unis).

Cela ne vous aura pas échappé : la campagne présidentielle américaine, c'est fini. Il est donc temps pour moi de clôturer ce blog, tenu avec un plaisir non dissimulé depuis fin août. Merci d'avoir suivi mes pérégrinations, de l'effervescence de la convention républicaine en Floride aux plaines pieuses de l'Alabama, sans oublier mon échappée de fin de campagne dans la région de New York.

Je ne vous quitte pas sur une page blanche : un mois après l'élection, il y a beaucoup à dire sur les conséquences de cette saison politique agitée. Désavoué dans les urnes, le camp anti-Obama en particulier est en pleine recomposition. Voici à quoi il ressemble aujourd'hui.

Mitt Romney retourne tranquillement aux affaires</p#>

Les lendemains sont durs pour le candidat qui a connu pendant des mois l'ivresse d'une campagne présidentielle. Après la défaite, Mitt Romney s'est retiré dans sa villa de La Jolla, en Californie, en bordure de plage. Le Washington Post décrit un homme désœuvré, mais qui reste digne. Virée en famille à Disneyland, sortie au cinéma du coin pour voir Twilight... Certes, le brushing se relâche un peu, mais on est loin de la période de déprime profonde qu'avait connue Al Gore après sa défaite en 2000, souligne le journal. Le coup serait plus dur pour sa femme Ann, qui peinerait à se remettre après avoir cru jusqu'au dernier moment à la victoire.

Une chose semble à peu près certaine, selon la plupart des observateurs : Mitt Romney n'a aucune intention de remettre le couvert, que ce soit à l'échelle nationale ou locale. Contrairement à John McCain, l'ancien gouverneur du Massachusetts n'est pas un politicien de carrière et il est peu probable qu'il assume davantage qu'un rôle d'arrière-plan dans son parti. Jeudi 29 novembre, il a bien déjeuné pour la forme avec Barack Obama à la Maison Blanche. Mais pour la suite, il semble avoir choisi son camp entre business et politique : lundi 3 décembre, la chaîne d'hôtellerie Marriott a annoncé que l'ancien homme d'affaires retrouvait son siège au conseil d'administration du groupe.

Les républicains entament leur thérapie collective</p#>

Son parti, lui, ne peut se permettre de tourner la page si facilement. Le "Grand Old Party" (toi qui viens de comprendre le nom de mon blog, je te salue) est forcé de se pencher sur les raisons de la défaite s'il veut survivre. Son score désastreux dans la minorité latino est un sujet de préoccupation très fort pour le leadership du parti. En cause : des prises de position très à droite sur des sujets comme l'immigration (Matt Rhoades, directeur de campagne de Mitt Romney, vient d'exprimer de légers regrets à ce sujet) et un manque général de renouvellement idéologique et humain du parti.

Plusieurs personnalités tentent aujourd'hui de redresser la barre, au premier rang desquels les ténors républicains issus des minorités, comme Marco Rubio, considéré comme un candidat potentiel à la présidentielle de 2016, Susana Martinez, gouverneure du Nouveau-Mexique ou encore Bobby Jindal, gouverneur de Louisiane. Ce dernier a d'ailleurs été le premier à condamner sèchement les propos peu glorieux de Mitt Romney sur les "cadeaux" d'Obama aux minorités, tenus au lendemain de la défaite.

Les icônes ultraconservatrices chancellent</p#>

Dans le camp républicain, certains ont clairement perdu des points : les ultraconservateurs en font partie. Le cas de Grover Norquist est éloquent : pendant la campagne, ce chantre d'un libéralisme extrême, idéologiquement proche du Tea Party, semblait inattaquable. Son "serment de loyauté envers les contribuables", dont les signataires s'engagent à ne jamais soutenir de hausse d'impôts, a après tout été signé par plus de 85% des parlementaires républicains (voir la liste sur le site d'Americans for Tax Reform, l'organisation de Norquist) et par l'ensemble des candidats aux primaires du parti.

Mais un mois après la défaite, certains républicains prennent leur distance avec Norquist, souligne notamment CNN. Ce mouvement s'explique notamment par le débat de plus en plus pressant sur le "mur budgétaire" ("fiscal cliff", en anglais), dans lequel les républicains doivent faire des concessions. Mais pas seulement : le message d'Obama, qui a plaidé pour que chacun "paie sa juste part" pour réduire le déficit budgétaire et soutenir l'économie, semble avoir porté auprès de l'opinion publique. Selon un sondage récent de Gallup, de plus en plus d'Américains soutiennent une approche équilibrée entre réduction des dépenses et hausses d'impôts, par opposition à une réduction des dépenses seulement.

Le Parti républicain doit s'adapter et il le sait : au Congrès, plusieurs représentants de l'aile conservatrice viennent d'être écartés de postes clés. Ils dénoncent une purge organisée par l'establishment du parti et fustigent les positions de compromis sur le budget portées par John Boehner, le leader républicain de la Chambre des représentants.

Le Parti libertarien espère enfin percer</p#>

A l'arrivée, ce sont peut-être les libertariens qui s'en sortent le mieux. Les militants enflammés de ce courant ont fait du bruit pendant les primaires républicaines, rageant de voir leur candidat Ron Paul, pourtant très bien placé dans plusieurs Etats, méprisé par l'establishment du parti. "L'impact surprenant de Ron Paul sur cette campagne devrait servir d'avertissement [aux Républicains] sur le fait que beaucoup d'Américains sont prêts à se rallier au libertarisme", souligne le Washington Post, qui note que le score du parti à la présidentielle, certes toujours très faible à 1,03 % des voix, est un record.

De là à dire que le Parti libertarien, qui ne rassemble actuellement qu'une petite part de ceux qui se réclament du mouvement libertarien au sens large du terme, a les moyens de percer enfin la chape de plomb du bipartisme, il y a un pas. Mais la montée en puissance de ses idées semble réelle sur le terrain. Rendez-vous en 2016 pour la prochaine expérience grandeur nature.