Black et pro-Romney, c'est possible

Dans son pays, Michael McNeely est une exception : il est afro-américain et ne vote pas pour Barack Obama. Il admet, certes, le caractère historique de l'élection de ce dernier en 2008. "Les gens, moi inclus, étaient fiers de voir que pour la première fois dans l'histoire des Etats-Unis, on pouvait élire un président noir", concède le militant républicain. Mais pour lui, la politique n’est pas une question de couleur de peau. "Que les gens puissent gagner leur vie, prendre soin de leur famille, mettre de l’argent de côté pour leur retraite, monter leur business... C'est bien plus important que d'avoir un président noir."

Ce trentenaire discret dirige le Georgia Black Republican Council, qui rassemble les républicains noirs de Géorgie. Objectif : promouvoir les idées du Grand Old Party auprès de la communauté. Le club ne compte qu'une centaine de membres, dont la mission n'est pas toujours facile. "Certains sont en colère de voir qu’il y a des Afro-Américains qui soutiennent le candidat républicain et pas Obama, admet Michael McNeely. Mais nous vivons dans un pays libre."

Une communauté acquise à Obama

Convaincre les Noirs de voter Mitt Romney n'est pas une mince affaire... En 2008, 95% des Afro-Américains ont voté pour Barack Obama. Mais ils n'avaient pas attendu l'arrivée du premier candidat noir investi pour la présidence pour voter démocrate : depuis la fin des années 1960, le candidat du parti a toujours raflé plus de 80% des voix de la communauté (voir par exemple les chiffres du Joint Center for Political and Economic Studies à ce sujet).

Question de tradition, affirme Michael McNeely. "Ça a beaucoup à voir avec la manière dont ils ont été élevés, des opinions de leurs parents, grands-parents, professeurs…" Il affirme pourtant que parmi les Afro-Américains de sa communauté, "la majorité ont des idées plutôt conservatrices". Sa femme Jennifer, afro-américaine elle aussi, vote républicain. Une coïncidence heureuse : "Quand on s’est rencontrés, on n'a pas parlé de politique, mais il se trouve qu’on avait les mêmes idées !"

Sur l'aide sociale, par exemple. Michael travaille pour l'Etat de Géorgie, au département chargé de la justice des mineurs. Il a vu défiler des jeunes qui "n'ont pas eu les mêmes chances que d'autres". Pour autant, il pense qu'ils ne doivent pas tout attendre de l'Etat. "Ce pays est un pays d’opportunités, ça devrait être là que se concentrent nos efforts. Dans la communauté noire, les derniers chiffres que j’ai vus faisaient état d’un chômage de 14,1%, ce n’est pas acceptable."

Des questionnements personnels...

Michael McNeely n'a pas grandi dans un foyer très politisé : ses parents, blancs - il a été adopté -, ont voté, au fil des années, tantôt démocrate, tantôt républicain. Son engagement remonte à la présidentielle de 2000 qui opposait George W. Bush à Al Gore. Le jeune homme, sorti de l'université quelques années auparavant, se sent frustré : les cours d'éducation civique sont loin, et les débats politiques à la télévision le laissent perplexe...

"Je suis entré dans une librairie et j'ai acheté un bouquin, je crois que c'était La Politique pour les nuls", raconte-t-il en riant"En arrivant au chapitre sur les partis politiques, où ils listaient les positions de chacun sur les différents sujets, j’ai commencé à faire le compte de celles que je partageais. Au fil des pages, je me suis rendu compte que j’avais plus de croix du côté républicain que démocrate !"

... au militantisme assumé

C'est à cette époque qu'il décide de se mettre en contact avec le Parti républicain de Douglas County, où il réside. "Lorsque je suis allé à ma première réunion politique, j’étais la seule personne issue d’une minorité dans la salle", se rappelle-t-il le sourire aux lèvres.

Longtemps, les républicains ne se sont guère soucié des minorités. Mais Michael tente d'attirer l'attention sur l'importance d'élargir la base électorale du GOP. "La démographie change : aujourd’hui, le parti peut gagner avec une majorité du vote blanc, mais ce ne sera plus le cas demain", met-il en garde. Il a raison. Aujourd'hui, les sondages placent Barack Obama à près de 92% des intentions de vote parmi les Afro-Américains, 69% parmi les Latinos. Avec le poids croissant des minorités dans la population, le temps qui passe joue contre le Grand Old Party.