A la droite du parti républicain, les coups d'éclat islamophobes trouvent leur public

La représentante américaine Michele Bachmann à Washington le 28 mars 2012. (ALEX WONG / GETTY IMAGES / AFP)

Deux villes embrasées, quatre morts : avec son film L'innocence des musulmans, le réalisateur américain Sam Bacile peut se vanter d'avoir fait parler de lui, de la pire des manières. La diffusion de son long métrage, qui ridiculise le prophète de l'Islam, Mahomet, présenté comme un fils illégitime aussi veul que dépravé, a en effet déclenché, mardi 11 septembre, de violentes manifestations anti-américaines en Libye et en Egypte.

Le pasteur Terry Jones aurait-il trouvé son maître ? Il y a deux ans, ce religieux extrémiste de Floride avait déjà soulevé une vague d'indignation mondiale et des flambées de violences dans le monde arabe en brûlant des exemplaires du Coran. Il applaudit aujourd'hui à deux mains l'œuvre très douteuse de Sam Bacile. Le réalisateur n'est d'ailleurs que la dernière figure en date à émerger de la frange islamophobe de l'extrême-droite américaine.

Le nouveau venu d'une série d'activistes islamophobes

Moins connues en dehors des Etats-Unis, d'autres personnalités agitent avec succès le spectre d'un islam menaçant, comme Pamela Geller, auteure et activiste anti-islam, dont le dernier fait d'armes est une campagne publicitaire évoquant une guerre entre les "hommes civilisés" et les "sauvages" diffusée en août dans les rues de New York et de San Francisco.

Loin d'être isolée, elle est régulièrement invitée dans les rallyes du mouvement ultra-conservateur du Tea Party. Michele Bachmann, leader du mouvement, a elle-même fait parler d'elle en juillet en affirmant que le gouvernement démocrate en place était infiltré par les Frères musulmans : elle citait comme preuve la présence dans le cabinet d'Hillary Clinton d'Huma Abedin, collaboratrice très respectée de la secrétaire d'Etat, dont les parents sont originaires de la communauté musulmane indienne.

Un sentiment anti-islam alimenté en espèces sonnantes et trébuchantes

Extrémisme ordinaire ? Pas seulement : ce type de discours trouve un écho dans une proportion grandissante de l'opinion publique américaine. En 2010, l'émoi suscité par le projet de construction d'un centre culturel islamique à deux pas du site du World Trade Center avait permis de mettre en lumière le problème : dans un sondage commandé à l'époque par le Washington Post, près de 49% des personnes interrogées déclaraient avoir une opinion défavorable de l'islam, un chiffre en constante augmentation depuis 2001, et 31% étaient d'avis que même l'islam modéré tendait à encourager la violence.

Ce sentiment anti-islam est attisé par de puissants réseaux : un rapport publié en août 2011 par le think-tank Center for American Progress et intitulé Les fondements du réseau islamophobe aux Etats-Unis pointe du doigt cinq intellectuels qui contribuent à propager des messages relevant de la "désinformation" sur l'islam, notamment dans la presse conservatrice. Le rapport estime également que depuis 2001, près de 43 millions de dollars (33 millions d'euros) ont servi à alimenter des campagnes à connotation islamophobe. Pas étonnant dans ces conditions que Sam Bacile soit parvenu, d'après le Wall Street Journal, à lever 5 millions d'euros pour monter son film.