Les livres de la spéciale 11 nov (3) : 1917, La paix impossible

1917, la paix impossible, par Jean-Yves Le Naour, Perrin, 2016

1er janvier 1917 : L'empereur François Joseph est mort il y a six semaines, les Allemands ont été arrêtés à Verdun, ont reculé dans la Somme, et ont conclut de ces défaites qu'il fallait lancer la guerre sous-marine à outrance, au risque de précipiter l'entrée du géant américain dans le conflit terrestre. 1916 aura été l'année du tournant ; que sera 1917 ?

Jean-Yves Le Naour nous tient une fois de plus en haleine en continuant son récit chronologique, comme un romancier composerait une saga. Plusieurs points de vue pour un même récit, des événements qui finissent par se regrouper dans une même logique.

photo philitt.fr

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Jean-Yves Le Naour est docteur en Histoire, auteur de nombreux livres sur la Grande Guerre dont "1914, la grande illusion", "1915, l'enlisement", "1916, l'enfer", (Perrin) mais aussi "Les soldats de la honte" (Perrin) prix du meilleur livre d'histoire en 2010. Il sera l'invité de notre édition spéciale 11 novembre à 9h50. Il allie des références académiques incontestables à une grande capacité de vulgarisation. Comme avec mes autres invités des deux dernières années, je comprends ce qu'il raconte (C'est tout dire...).

1914

9782262030353

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Début 1917, tout le monde cherche une porte de sortie. les Français hésitent, l'Allemagne s'obstine et recompose son état major. En Autriche-Hongrie, Charles Ier, successeur de François-Joseph, tente une paix séparée en collaboration avec la pape Benoît XV. Jean-Yves Le Naour tisse méthodiquement la toile d'une paix qui aurait pu venir, mais que les acteurs rendent impossible. En France, les manœuvres politiques se succèdent les unes aux autres sans que personne ne dégage une vision politique claire. Les officiers supérieurs, souvent désunis, cherchent à s'affranchir de toute tutelle. Dans d'autres circonstances, Ribot aurait-il pu mener à bien ses tentatives pour négocier la paix ? Qui se souvient, d'ailleurs, d'Alexandre Ribot ? Ce président du conseil et ministre des affaires étrangères, surnommé "le saule pleureur" par Georges Clemenceau, tenta en vain de négocier avec l'Autriche.

L'auteur explique très clairement les erreurs de jugement de Nivelle, qui fit de la victoire de Verdun une "règle générale", alors qu'elle fut obtenue face à une armée allemande amoindrie par le front de la Somme. Prétention, auto-complaisance, aveuglement. La boucherie du Chemin des Dames conduira aux mutineries bien connues et à leur lot d'injustice. On se limite souvent au portrait assassin d'un Nivelle présenté comme limité et boursouflé d'orgueil. Mais comment se fait-il qu'il ait pu mettre en oeuvre sa stratégie malgré les doutes de plusieurs de ses pairs ? Là-aussi le récit est limpide.

Le XXème siècle a commencé en 1917 avec l'avènement des Etats Unis en tant que super puissance, la révolution bolchevique et la disparition de l'empire austro-hongrois. Ce résumé est devenu un lieu commun. Encore faut-il que la démonstration qui y conduit soit à la hauteur, et qu'on ne s'ennuie pas à la lire. Jean-Yves Le Naour relève ces deux défis sans difficulté apparente, dans une grande fluidité. J'aurais aimé savoir faire cela...

Pascal Doucet-Bon

 

 

 

Publié par Pascal Doucet-Bon / Catégories : Non classé