Les livres de la spéciale Apocalypse-Verdun (7) : Visages de Verdun

Visages de Verdun, par Michel Bernard, Perrin, Ministère de la Défense

Certaines images de ce livre ont inspiré Nicolas Chateauneuf pour le sujet d'ouverture de notre spéciale Apocalypse-Verdun de dimanche (22h20, juste après le documentaire éponyme). Pour la deuxième fois cette semaine, c'est Daniel Wolfromm Daniel Wolfromm editions-stock qui en rédige la critique.

Michel Bernard est un écrivain-sous préfet comme on était autrefois écrivain-combattant. Mais pas de méprise, cet homme n’est pas un belliciste.

Photo sud-ouest.fr

Photo sud-ouest.fr

Au contraire, à l’image de Maurice Genevoix, dont il est un grand admirateur, il estime que l’Europe et ses peuples réconciliés sont le plus bel héritage que nous ont légué les combattants des guerres du 20ème siècle.
Il croit aussi que cette Grande Guerre a été le creuset de ce qui constitue aujourd’hui la France : le mélange de ses hommes, des territoires saignés à blanc, une longue histoire qu’il serait bon, selon lui, de rappeler, surtout maintenant, en ces temps incertains.
Cet auteur nostalgique livre à l’orée de la soixantaine, un ouvrage, « Visages de Verdun », illustré par 150 photos tirées des archives militaires de l’ECPAD. Les opérateurs – photos et cinéma - de ce service crée en 1915 avaient sillonné le front pendant les quatre années du conflit. faite de pleins et de déliés

Formidables images inédites

Michel Bernard a sélectionné plus d’une centaine de ces documents, pour une grande partie inédits. Bien entendu, les clichés ont été pris avant et après la bataille, jamais en première ligne pendant les affrontements : il n’était pas question de sortir le lourd matériel sous la mitraille.

poste de commandement au ravin de la Fille-Morte

poste de commandement au ravin de la Fille-Morte

Une guerre de retard ?

Une guerre de retard ?

tirailleur algérien à Trémont-sur-Saulx

tirailleur algérien à Trémont-sur-Saulx

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Il fait le récit de la bataille, son style est simple, direct. Pour évoquer la surprise de l’attaque allemande du 21 février 1916 sur Verdun : « Personne ne pouvait croire que pour prendre cette obscure petite ville française (…) entourée d’une plèbe de village boueux et sans aise, on enverrait sur le glacis se faire tuer les meilleurs fils de l’Allemagne ».
A l’été 1915, les tranquilles photos d’abris dans la forêt d’Argonne, de soldats débonnaires déambulant dans un Verdun intact sous le soleil, attestent de ce sentiment de sécurité trompeuse. Même sens du récit, au ras du sol, pour faire part de l’arrivée précipitée de Philippe Pétain à son QG, dans la mairie de Souilly : « les volets étaient fermés, les rideaux tirés, à cause des zeppelins qui cherchaient là-haut des traces de lumière au sol. Les chefs ne savaient pas grand-chose et partagèrent surtout des préoccupations ».

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A propos des poilus, à la veille des contre-attaques françaises de l’automne 1916 et de la reconquête du secteur de Verdun, au prix de 300 000 tués, il constate : « c’étaient ces pauvres diables, aux visages gris, aux paupières lourdes de fatigue et d’insomnie, aux traits boursouflés par les nourritures froides et graisseuses, le mauvais alcool, aux uniformes sans couleurs, déchirés et recousus à gros points, tramés de boue séchée, qui avaient résisté pendant des mois, et c’était avec eux qu’on allait préparer la revanche, la bien préparer. »

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Dans « Les Forets de Ravel » roman publié en 2015, à la Table Ronde, Michel Bernard s’était déjà penché sur le destin des poilus, à travers la personne du compositeur. Frêle silhouette de 48 kg, à la limite de la réforme, Maurice Ravel fut versé en mars 1916 dans un régiment du Train, chainon de l’immense noria de véhicules sur la « Voie Sacrée » entre Verdun et Bar-le-Duc.

La voie sacrée

La voie sacrée

L’auteur imagine les fragiles mains du compositeur au volant de son lourd camion de ravitaillement « parmi une soudaine crue d’hommes qui noie le pays barrois sous le flot énorme de la guerre mondiale ». Même ton, même rythme dans l’écriture de cet humaniste.

Daniel Wolfromm

Photos : ECPAD

Photo D. Wolfromm : editions-stock.fr

Couverture : Rue des archives/BCA

Publié par Pascal Doucet-Bon / Catégories : Non classé