Le climat d'hier pour comprendre les enjeux d'aujourd'hui

Il est le spécialiste incontesté de l'histoire du climat et de son influence sur la marche du monde et de l'individu. Emmanuel Leroy-Ladurie a publié cet ouvrage en 1967, puis en 1983 et 2009, année où il a connu un grand succès, actualité oblige. Le monde découvrait alors que les engagements internationaux de Kyoto et de Rio étaient bien compliqués à tenir à Copenhague.

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D'abord, le travail de Leroy Ladurie a été accueilli avec scepticisme par ses pairs. Comment ? L'homme transformateur tout puissant verrait ses actes dictés par un tyran climatique ? Mais, dès sa première parution, ce livre a quand même été un événement, particulièrement chez les Anglo-saxons  : Voici ce qu'en dit Alain Gioda, historien du climat :

"L'impact des avancées de L'histoire du climat depuis l'an mil a été un coup de tonnerre car cet ouvrage de 1967 montra clairement que le climat n'était pas une constante terrestre (hors des changements à l'échelle géologique achevés à l'Holocène par la disparition de l'age de glace il y a quelque 12.000 ans voire depuis le Grand Pluvial du Sahara) mais qu'il variait sensiblement à l'échelle annuelle, décennale, séculaire et pluriséculaire. Ce nouveau paradigme alla de pair chez les scientifiques avec la grande découverte suivante : l'Homme, après avoir subi les aléas climatiques depuis toujours maintenant conditionnait fortement la biosphère et la géosphère avec une augmentation sensible du CO2, un fait admis au niveau international à la suite des mesures faites en 1957-1958 sus les flancs d'un volcan des Hawaï lors de l'Année géophysique internationale (AGI)."

Emmanuel Le Roy Ladurie est un historien moderniste. Il a enseigné l'histoire de la civilisation moderne au Collège de France dont il est professeur honoraire. Disciple de Fernand Braudel, il est une figure de ce qu'on a appelé dès les années 1970 "la nouvelle histoire", que je simplifierai à l'extrême en disant qu'elle mélange anthropologie et histoire, et qu'elle n'hésite pas à traiter de longues périodes ou de grands espaces comme un tout. J'imagine que cette synthèse sera loin de satisfaire les chercheurs, mais je fais ce que je peux.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Nouvelle_Histoire

En tous cas le livre de Leroy Ladurie est un ouvrage de "nouvelle histoire".

Il y montre qu'on peut écrire une histoire du climat, à condition de surmonter un écueil de taille : où sont les données météorologiques ? Vouloir expliquer l'histoire humaine à travers les changements climatiques, d'accord, mais où trouver la documentation ? L'historien a compilé avec acharnement les dates de récoltes (les vendanges en particulier), les dessins, peintures et gravure représentant les glaciers. Il s'est aussi servi des travaux de dendrochronologie, l'étude de la croissance des arbres à travers leurs anneaux. Certes, d'autres avaient commencé ce travail avant lui, mais son enquête n'en est pas moins titanesque !

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Par exemple, la météo a-t-elle joué un rôle dans le déclenchement de la Révolution française ?

"Oui, mais elle n'a pas été un facteur déclenchant, juste une "gâchette", répond l'historien à L'Express,

http://www.lexpress.fr/actualite/societe/environnement/emmanuel-le-roy-ladurie-oui-le-climat-peut-bousculer-nos-destins_1645624.html 

résumant parfaitement son travail. La cartouche (les problèmes politiques et sociaux) était dans le fusil, et il ne restait plus qu'à appuyer sur la détente. Cette gâchette, ce fut la longue sécheresse de 1788, qui entraîna des crises de subsistance, comme l'a démontré l'historien Emmanuel Garnier. A partir du printemps 1789, les gens sont dans la rue. Le 13 juillet, on recense trois émeutes de subsistance importantes rien qu'à Paris. Le lendemain, l'affaire devient politique.  

Vous connaissez la suite. L'éruption du volcan islandais Laki, en 1783, a eu des conséquences sur le climat, mais, en France, il n'y a pas d'incidence majeure sur les récoltes. On a connu, en revanche, une année sans été en 1816, à la suite de l'éruption du Tambora, en Indonésie. Une colonne éruptive s'élève dans le ciel jusqu'à 50 kilomètres de hauteur et les chutes de cendres durent six mois. L'été pourri qui suit est lié à cet événement ; il engendre une crise frumentaire et sanitaire planétaire.

Les pluies de 1828, puis le froid de 1830 font aussi des ravages. "Il faudra danser cet hiver", annoncent les nobles et les bourgeois, entendant par là qu'ils devront organiser des bals de charité. La révolution de 1830 suivra. Dix-huit ans plus tard, à la suite d'une canicule, le peuple est à nouveau dans la rue, et apparaissent les premières grèves. Louis-Philippe fait donner la troupe, ce qui débouche sur la révolution de 1848. Trois grosses vendanges successives [entraînant une crise de surproduction] engendrent aussi, en 1907, la révolte des vignerons du Midi, qui secoue gravement la IIIeRépublique et débouche sur la prise en charge par l'Etat du secteur de la viticulture puis de l'agriculture".

Voir aussi

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Un condensé augmenté de données météorologiques et scientifiques expliquées.

"Daniel Rousseau a élaboré la série française de températures, qui remonte jusqu'en 1658; c'est la plus ancienne du monde, explique Emmanuel Leroy Ladurie, toujours dans L'express. Il s'est fondé pour cela sur les informations laissées par les scientifiques ou les journaux -qu'il a fallu vérifier, recouper-, mais aussi, par exemple, sur la série effectuée sous Louis XIV par le Dr Morin. Chaque matin, ce médecin faisait sa prière puis relevait la température extérieure. Sous Louis XVI, un membre de l'administration royale collectait lui aussi les relevés de températures."

Voici ce qu'en dit l'excellent site Herodote.net :

http://www.herodote.net/Les_fluctuations_du_climat-bibliographie-362.php

Publié par Pascal Doucet-Bon / Catégories : Non classé