RAID, BRI, GIGN : leur 14 juillet

Les forces d'intervention de l'intérieur, RAID, Brigade de Recherche et d'Intervention, GIGN, défileront pour la première fois cette année. les autorités avaient à coeur de les mettre à l'honneur après les assauts donnés Porte de Vincennes et à Dammartin-en-Goële (Seine et Marne) en janvier. Mais une telle opération était particulièrement difficile à monter. Il faut  que l'anonymat de ces hommes soit totalement préservés. Très peu d'hommes défileront. La plupart assistera au défilé en tribune, hors du champ des caméras.

Les répétitions du RAID et de la BRI et du GIGN à Satory (Yvelines) :

Audrey Goutard a pu rencontrer en exclusivité TV le "primo intervenant" de l'Hyper Casher. Ce terme technique désigne le policier entré en premier dans la magasin, surnommé le n°1, dès l'ouverture du rideau de fer. Celui qui était quasiment certain de recevoir une balle, et qui l'a reçue :

https://francetvinfo.fr/faits-divers/attaque-au-siege-de-charlie-hebdo/assaut-de-l-hyper-cacher-un-policier-se-livre_988387.html

Dans notre édition spéciale du 14 juillet, nous diffuserons une version plus longue de ce témoignage. Audrey Goutard a été impressionnée par cet homme qui refuse catégoriquement tout statut de héros. Voici le récit de cette rencontre, et surtout les détails hallucinants de cette intervention sans précédent :

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"Le jour où j'ai sauvé les otages"

Par Audrey Goutard, France 2

"L’image de la vidéo prise par un témoin est saisissante. Une silhouette noire qui surgit seule dans l’embrasure de la porte de l’épicerie hyper casher. C’est un policier du RAID une arme de poing dans la main droite, un bouclier dans l’autre. Ses collègues sont en retrait et lui s’élance entre deux feux. On voit la fumée, on devine les balles qui sifflent autour de lui, on entend les tirs. Ceux de ses collègues et du terroriste Amedy Coulibaly.

200 tirs en 30 secondes

Cette scène de guerre dure à peine trente secondes. Dans ce laps de temps si court, il y aura près de 200 échanges de tirs et dix grenades assourdissantes lancées par les forces de l’ordre.https://francetvinfo.fr/image/7553uoxzg-5a4f/133/74/6513161.jpg

Après l’assaut, j’ai croisé plusieurs hommes du groupe d’Antoine, « l’ombre au bouclier ». Ils m’ont raconté ce moment si particulièrement intense. Mais bien entendu ils gardent pour eux les secrets de leur savoir faire et de leurs techniques d’intervention. Nombre d’entre eux avaient participé à l’assaut de Toulouse contre Mohamed Merah et ce 9 janvier 2015, ils ont eu le sentiment de vivre à nouveau une scène de guerre.

Où sont les otages ? Combien sont-ils ?

Comme l’explique Antoine dans son interview, lorsqu’ils arrivent porte de Vincennes, 3 heures avant l’intervention,  ils ont peu d’informations. Ils ne savent pas combien il y a d’otages, ni où ils sont exactement. Ils n’ont même pas de certitudes sur le nombre de preneurs d’otages. Tout juste ont-ils l’information qu’à l’intérieur « ça se déplace beaucoup » et qu’il y a des victimes.https://francetvinfo.fr/faits-divers/attaque-au-siege-de-charlie-hebdo/assaut-de-l-hyper-cacher-un-policier-se-livre_988387.html

Ils s’interrogent surtout sur la façon d’entrer dans ce magasin fermé par un store métallique  et électrique. Ils imaginent le faire exploser, mais c’est dangereux pour les otages. Comment faire? Et puis soudain miracle ! Alors que l’ordre d’attaquer vient de tomber, un policier s’approche en courant des hommes du RAID et leurs tend une petite clef : c’est celle du store qu’un employé du magasin vient de retrouver dans sa poche !

Juste avant l’intervention, Antoine a été désigné par son chef de groupe pour être le numéro 1. Celui qui entrera le premier dans le magasin, couvert et entouré par ses collègues. « Je suis chargé d’ouvrir la voie, d’être les yeux du groupe. On n’est pas toujours numéro 1, le choix se fait juste avant l’intervention selon l’état d’esprit de chacun. Il faut être en forme, bien dans sa tête, dans sa vie. Comme nous passons nos journées ensemble nous connaissons les fragilités et les soucis de chacun. »

"10 chances sur 10 que ça tire"

Il est 17h00. Un énorme boum ! Une importante charge d’explosifs vient d’être lancée contre la façade du magasin. Deux groupes d’hommes en noir sont répartis de chaque côté de la porte. Le store se lève, doucement, cela semble durer une éternité. Le rideau est au ¾ ouvert quand le chef s’écrie: « Allez , on y va les gars ! On y va! » . « On y va !!! » reprennent ses hommes en cœur. Quand je demande à Antoine ce qu’il ressent à ce moment, il me répond : « comme un grand saut dans l’inconnu ! On a 10 chances sur 10 qu’en face ça tire ! Mais voilà, il faut y aller, c’est un combat, ce sera lui ou moi !». Les policiers d’élite comme lui sont quotidiennement confrontés à un entrainement physique et psychique pointu mais ils savent bien qu’un assaut c’est avant tout la capacité de s’adapter à une situation toujours inédite.

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Le chef d’Antoine raconte : « En face, Coulibaly nous rafale, sa puissance de feu est énorme, ça nous fige une seconde et pendant ce lapse de temps, le numéro 1, lui, s’est engouffré, avant nous dans le magasin ! Le danger c’est de lui tirer dessus en voulant atteindre le terroriste, mais c’est dans un moment comme celui là que notre entrainement nous est utile car ce risque nous savons le gérer ».

Une balle dans l'aine

« Je vois le regard de Coulibaly, déterminé, sans ambigüité sur ses intentions, » se souvient Antoine. « J’ai foncé à droite à l’opposé des otages que j’avais aperçu à gauche en entrant. Il me tire dessus. Apparemment il craint que je le prenne à revers. Je prends une balle dans mon bouclier, je trébuche sur le corps d’une victime. Je glisse. Je me relève. Je suis touché sur le côté au niveau de l’aine mais je ne sens rien ! C’est l’adrénaline. Une douleur parfois insupportable peut être indolore quand on est dans cet état de tension. »

Y a-t-il un complice ?

Antoine m’explique qu’il a l’impression que l’assaut dure très longtemps : « mon esprit fonctionne à toute vitesse. Il se passe pleins de chose : je fonce, tombe, me relève, je suis blessé, je continue quand même, je fais feu, mon arme s’enraye, très vite j’arrive à régler le problème. Il me regarde mais il est happé par les copains qui lui tirent dessus. Je balaye sur ma droite, ma gauche. On nous a dit qu’il a peut être un complice. Je crains que celui-ci surgisse et me tire dessus. Si bien que lorsque Coulibaly est neutralisé et tombe, je ne le vois pas ! ».

Trente secondes exactement entre le moment où Antoine est entré dans le magasin et où un de ses collègues vient « lui faire la tape ». « La tape », c’est une  pichenette sur l’épaule du collègue pour lui dire  « ça y est, cet action est terminé ! ».    

« En fait à ce moment, même si Coulibaly est au sol, pour nous rien n’est fini. Je ne sens toujours pas ma blessure, je suis sur le qui-vive. La zone n’est pas encore « claire ». On n’est pas certain qu’il n’y a pas un autre terroriste dans les lieux, ou une bombe prête à exploser. Il y a un sous-sol à visiter. Un escalier en colimaçon, c’est pour nous vraiment dangereux car très exposé. Mais on l’empreinte quand même et c’est à ce moment que l’on découvre d’autres otages ».

Sortir de sa bulle

Les lieux sont finalement sécurisés. « Je sors de ma bulle, pendant l’action je me suis mis dans le même état psychologique qu’un sportif de haut niveau. Dans une bulle débarrassée de toutes pensées parasites et d’émotion. Ce n’est qu’une fois l’action terminée que j’en sors. Je regarde alors autour de moi. Je vois les otages qui courent, libres. Je vois un enfant. La mission est terminée».

La blessure d’Antoine s’avère sans gravité. La semaine suivante il est reparti en intervention." 

Publié par Pascal Doucet-Bon / Catégories : Non classé