Un FN abolitionniste ?

Un marqueur historique du Front national serait-il en train de tomber ? Marine Le Pen vient d’annoncer qu’elle ne proposera pas le rétablissement de la peine de mort dans son projet présidentiel. Jusqu'à aujourd’hui, explique-t-elle, la présidente du FN était favorable « à titre personnel » à cette mesure. Son parti proposait l’organisation d’un référendum pour se prononcer sur une « alternative » : le rétablissement de la peine de mort ou la réclusion à perpétuité, sans aucune possibilité de remise de peine. Au sein du FN, les voix divergent. Florian Philippot tout comme Marion Maréchal-Le Pen et Gilbert Collard se prononcent contre cette mesure.

Interrogée à « Questions d'Info » de LCP, l'AFP, Le Monde et franceinfo le 2 février, la présidente du FN précise qu’elle préfère la « perpétuité réelle »... tout en ne rejetant pas totalement l'idée : avec l'instauration du référendum d'initiative populaire, les citoyens pourraient réclamer un référendum sur la peine de mort si le projet recueillait 500 000 signatures.

Pratiquement depuis qu’il existe, le Front national se prononce pour. Cette revendication reste souvent associée, aux temps du FN de Jean-Marie Le Pen, à une autre : celle de l’abolition de la loi Veil et « du droit à la vie de la famille et de l’enfant ». Schématiquement, le FN réclame « la vie pour l’être innocent, la peine de mort (…) pour les criminels ». Le combat contre l’immigration est inhérent à la revendication frontiste. Car, explique alors le chef de file du courant catholique traditionaliste Bernard Antony, comment peut-on invoquer le « drame de dénatalité pour dire la nécessité de faire venir en Europe dans les quarante ans qui viennent, plus de cinquante millions d’immigrés ? ». Et de poursuivre : « Avortement et immigration sont bien les deux forces de la politique de génocide français et européen que combat le FN. (…) S’il n’admet pas que des centaines de milliers de petits enfants périssent dans les avortoirs, le FN pense par contre qu’il convient de n’avoir aucune indulgence pour des êtres capables de crimes aussi atroces que ceux commis par l’ignoble Thierry Paulin, effroyable tortionnaire de plus de vingt vieilles dames. Pour sanctionner de tels actes, le rétablissement de la peine de mort s’impose comme base même du système judiciaire ».

À partir des années 2010, cette revendication phare du logiciel frontiste évolue. Lors de sa campagne pour la présidence du FN, Marine Le Pen campe sur les fondamentaux du lepénisme dont le « rétablissement de la peine de mort ». Dans le cadre de sa première campagne présidentielle, elle propose un référendum sur le rétablissement de la peine de mort, s'y déclarant favorable pour « ceux qui tuent nos enfants. (…) Il faut rompre avec des décennies de laxisme à l'égard de la délinquance » poursuit la présidente du FN avant de réclamer de « réduire le délai de traitement, notamment des crimes commis par les mineurs ». Elle précise peu après, qu’en cas d’élection à la présidence de la République, elle organiserait un référendum « pour demander aux Français de faire le choix entre la peine de mort et la réclusion criminelle à perpétuité réelle ». Et de rajouter : « Je pense que ceux qui tuent nos enfants doivent risquer leur peau ». Le Programme politique du FN (2012) prend acte noir sur blanc de la proposition mariniste : « rétablissement de la peine de mort ou instauration de la réclusion criminelle à perpétuité réelle ».

Cette thématique parcourt régulièrement l’histoire du Front national dans des contextes précis. Plus que jamais depuis les attentats, elle a été couplée avec celle de l’insécurité. En mars dernier, quelques semaines après les attentats de janvier, Marine Le Pen confirme les positions inscrites dans le programme de son parti. Elle rajoute qu’un système pénal ne peut, selon elle, « pas tenir sans la peine capitale » ; une position relayée par le secrétaire général du FN Nicolas Bay, qui déclare début avril 2016 : « Nous, ce que nous disons, c'est que la peine de mort est la clé de voûte du système judiciaire. Et ce qui est très grave dans l'abolition de la peine de mort (…), ce n'est pas seulement la question de la peine capitale. C'est la question de l'effondrement de l'échelle des peines qui fait qu'aujourd'hui, il n'y a plus de perpétuité réelle dans notre pays. (…) L'abolition de la peine de mort en 1981 a généré ce laxisme dont on fait aujourd'hui lourdement les frais ». Louis Aliot revient à la charge sur un autre plan. Dans un message posté sur sa page personnelle Facebook (31 mars 2016), il considère que le « débat sur le rétablissement, partiel, de la peine de mort, dans l'épreuve, est parfaitement légitime ». Le vice-président du FN s’appuie, notamment, sur les propos de Manuels Valls, réitérés depuis les premiers attentats perpétrés sur le sol français, évoquant la France en « guerre ». Il prend également appui sur cet extrait du discours de Robert Badinter prononcé à la tribune de l’Assemblée nationale le 17 septembre 1981 : « Il est apparu au Gouvernement qu’il était malvenu, au moment où vous décidez enfin de l’abolition dans la France en paix qui est heureusement la nôtre, de débattre du domaine éventuel de la peine de mort en temps de guerre, une guerre que rien heureusement n’annonce. Ce sera au Gouvernement et au législateur du temps de l’épreuve, si elle doit survenir - qu’il appartiendra d’y pourvoir, en même temps qu’aux nombreuses dispositions particulières qu’appelle une législation de guerre ». Et Louis Aliot de conclure qu’une seule solution s’impose pour sortir de cet état de « guerre » dans lequel est plongée la France : le rétablissement de la peine de mort pour les terroristes.

De son côté, Jean-Marie Le Pen se fait entendre. Peu après les attentats de novembre, il précise qu’il faut « affirmer les principes fondamentaux de légitime défense et de préférence nationale, (…) rétablir pour les terroristes la peine de mort avec décapitation comme le fait Daech ».