Ni droite, ni gauche : FN !

Affiche FN 2013

Robert Ménard en rêvait : endosser le rôle de rassembleur des droites françaises. Mais il ne l'a pas fait. Son « rendez-vous de Béziers » de fin mai devait voir la « vraie droite » - à savoir les droites françaises se réunir pour qu'elles « se parlent ». Environ 2000 personnes... et quelques péripéties qui se sont glissées durant ces trois jours, comme le départ bruyant de Marion Maréchal-Le Pen.

Un rendez-vous manqué ? Certainement. Mais à cette occasion, le maire de Béziers a inauguré  « Oz ta droite ! » . Selon lui, les propositions de son mouvement permettent, notamment, de distinguer la droite de la gauche. Et justement, un des désaccords de taille dans les positions respectives de Robert Ménard et du FN s’inscrit dans cette distinction jugée fondamentale pour les deux camps.

Comme il l’a répété à plusieurs reprises, le co-fondateur de Reporters sans frontières considère que le parti « de droite » de Marine Le Pen a des « positions qu’on pourrait attendre (…) sur bien des sujets ». Mais ce ni à droite ni à gauche du FN sur certaines questions, essentiellement d'ordre économique et sociétale, pose problème. La ligne Ménard crie fort sa revendication première : « être tout à droite »… et rejette, en passant, un des positionnements et slogan phares du FN : « Ni droite, ni gauche ».

« Ni droite, ni gauche : Français ! »

C’est lors de l’université d’été du Front national de la jeunesse (FNJ), en juillet 1995, que ce slogan apparaît. Son concepteur ? Samuel Maréchal. Certes, son « Ni droite, ni gauche » met du temps à trouver sa place et réactive de vieilles querelles idéologiques au FN. Et si Samuel Maréchal n'a plus de fonction aujourd'hui au sein du parti, il y a laissé son empreinte politique. Entré au FN en 1985, le père de Marion Maréchal-Le Pen est « major » de l’université du FNJ cinq ans plus tard. Directeur de campagne de Bruno Mégret et de Jean-Marie Le Pen en 1991, il devient secrétaire régional du FNJ PACA en mars 1992. C'est, en partie, avec son « Ni droite, ni gauche : Français ! » qu'il impose sa marque au FN.

fnj ni droite ni gauche

Ces quelques mots, empruntés au collaborationniste Jacques Doriot, sont censés s’adapter au contexte de 1995 – celui du mouvement social de décembre – et contrer la vision politique de Bruno Mégret sur la recomposition des droites. Désaccord profond entre le numéro deux de l’époque et une partie du FN, dont celle qui ne va pas tarder à s’imposer et représenter le FN une quinzaine d'années plus tard : Marine Le Pen. À plusieurs reprises, l’actuelle présidente du FN a souligné une des différences fondamentales entre sa vision politique et celle de Bruno Mégret : si ce dernier désirait s’allier avec le RPR et multiplier les alliances, Marine Le Pen est partisane de la ligne « Ni droite ni gauche », prémices de sa stratégie de « dédiabolisation » qu'elle commence à mettre en place au début des années 2000. Elle explique, d'ailleurs, avoir toujours « soupçonné Mégret de vouloir devenir l’UDF du RPR », précisant que cet objectif est « très éloigné » du sien.

Selon Robert Ménard, « une bonne partie de l'électorat des Républicains pense la même chose que l'électorat FN ». Ce qui signifie que le FN doit s'allier avec d'autres pour l'emporter. En d’autres termes, Robert Ménard veut rallier les droites françaises ; une vision stratégique totalement opposée à celle exposée officiellement par le FN. Marine Le Pen refuse toute alliance avec la droite.... droite quelle entend faire exploser pour voir le FN s’imposer comme le parti principal.

C'est donc assez logique. Du côté du Front national, les quelques jours de Béziers sont considérés comme un échec, un « flop ». Dans un tweet du 28 mai, Florian Philippot qualifie d'ailleurs les agissements de Robert Ménard et la création de son mouvement de « petite mouvance d'extrême droite (...) instrumentalisée contre le FN ». Échanges d'amabilités entre les deux hommes... qui montrent, une nouvelle fois, la contestation de la ligne du numéro deux du FN et par-delà, une querelle sémantique pérenne traversant l'histoire du Front national : le qualificatif d'extrême droite qu'aujourd'hui chacun refuse, combat et emploie pour disqualifier son adversaire politique.