Gollnisch – Soral : même combat ?

Ce dimanche 24 février, Bruno Gollnisch se trouvait à Onzain. Le député (non inscrit) au Parlement Européen était invité par les élus FN du Loir-et-Cher à l'occasion de la galette des rois et des voeux de 2016. Trois jours plus tôt, il était accueilli à Reims. L’ancien numéro 2 du FN y donnait une conférence « privée » sur le thème : l’« Occident, Orient, craintes et espoirs » dans le cadre de l’association d’Alain Soral, Égalité&Réconciliation.

Aujourd’hui, peut-on être un membre notoire du FN - et même un cadre historique du parti d’extrême droite - et accepter l’invitation d’un homme, qualifié d'antisémite par nombre d'observateurs ? Autrement dit - et malgré ses justifications - Bruno Gollnisch ne cherchait-il pas, à Reims, à provoquer Marine Le Pen ?

Car, au FN et ailleurs, tout le monde le sait. Ces deux hommes se sont exprimés, à plusieurs reprises, sur le négationnisme... ne laissant planer pas vraiment d'ambiguité sur leurs positions.

« Je ne suis pas d’extrême droite, je suis national-socialiste »

« Je ne suis pas antisémite, je suis judéophobe ». Quelques propos d'Alain Soral, co-fondateur et président d’Égalité&Réconciliation, un proche de Jean-Marie Le Pen jusqu’à gérer, pour une bonne part, sa campagne électorale de 2007 et être nommé « conseiller spécial » du président du FN. Comme le dit Louis Aliot à propos de la présidentielle de 2007, « Soral, on le voit peu mais il arrive à convaincre Le Pen que les banlieues allaient voter pour lui, pour remplacer l’électorat qui vote pour Sarkozy ». Une stratégie politique qui se révèle négative pour le FN ; le parti faisant son plus mauvais résultat à cette présidentielle (10,44 % des voix).

Au Congrès de Bordeaux (novembre 2007), Alain Soral est nommé au Comité central par le président du FN. Il sera pressenti pour conduire la liste FN, en Île-de-France, aux élections européennes de 2009. Son désir de se rapprocher des musulmans compromet cette hypothèse, Marine Le Pen n’étant pas « sur cette ligne-là ». Il quitte le FN cette année-là et se retrouve sur la liste « antisioniste » de Dieudonné M'Bala M'Bala.... avec qui il créé d'ailleurs, cet été, le parti Réconciliation nationale. Sa devise ? être « contre l'importation en France du choc des civilisations » . Dans son programme, le parti se dissocie « totalement » du FN... désapprouvant les prises de position « pro-israéliennes » du conseiller international de Marine Le Pen, Aymeric Chauprade.

Récemment, Alain Soral a été condamné à une amende de 10 000 euros (il demande une relaxe en appel de sa condamnation) pour avoir publié une photo le montrant au Mémorial de l'Holocauste, à Berlin, en train de faire une « quenelle » ; un geste popularisé par Dieudonné M'Bala M'Bala. À plusieurs reprises, les noms Soral et Gollnisch figurent côte à côte dans l'histoire de l'extrême droite française, notamment lors d'un spectacle du même Dieudonné, le 18 décembre 2006 auquel ils assistent. Ce dernier, proche de Jean-Marie Le Pen, ne fait plus mystère de son adhésion au négationnisme tout comme Alain Soral, un des fidèles soutiens de Bruno Gollnisch et.... de Robert Faurisson.

Un lepéniste historique

Une carrière et une évolution politiques quasi-exemplaires pour ce fidèle, l'héritier politique de Jean-Marie Le Pen : l'ancien professeur de langue et civilisation japonaises à Lyon III a été, entre autres, élu député aux législatives de mars 1986, secrétaire et délégué général du FN et son vice-président. Bruno Gollnisch est conseiller régional de Rhône-Alpes depuis 1986, député européen depuis 1989, membre du Bureau politique et du Comité central du FN. Son accession à la présidence du parti, lors du Congrès de Tours, aurait signifié la promotion de la ligne dure du FN. Son idéologie est celle de l’extrême droite radicale traditionnelle. Bruno Gollnisch n'a de cesse de critiquer la « dédiabolisation » du FN.

En octobre 2004, Bruno Gollnisch, alors numéro deux du FN, fait plusieurs déclarations légitimant le négationnisme, tenues lors d’une conférence de presse consécutive à la sortie du rapport Rousso, sur le négationnisme à l’université Lyon III. Des propos - qui, selon lui, ne sont pas négationnistes - pour lesquels il sera suspendu de ses fonctions de professeur d’université en 2005. Le 18 janvier 2007, Bruno Gollnisch est condamné par le tribunal correctionnel de Lyon à trois mois de prison avec sursis et 5 000 euros d’amende pour contestation de crimes contre l’humanité (Le 28 février 2008, la cour d’appel de Lyon confirme le jugement. Bruno Gollnisch se pourvoit en cassation. En juin 2009, la Cour de cassation annule la condamnation).

Depuis le début des années 2010, Marine Le Pen affirme sa volonté de se couper définitivement des groupuscules radicaux et de l’obédience Gollnisch. Récemment, Aymeric Chauprade (qui a quitté le FN en novembre 2015) expliquait que « l’influence d’Alain Soral sur une partie du Front National a été l’une des raisons de fond qui (l)’ont poussé à quitter ce mouvement ». Tandis que Gilbert Collard dénonçait, il y a quelques jours, la présence de Bruno Gollnisch à Reims ; un déplacement qualifié d'« idiot, absurde et déplacé ». Le député RBM continuait ainsi : « les vieilles branches du Front national, le temps les rend vermoulues et d'elles-mêmes, un peu, elles tombent, comme dit le poète. (…) Mais laissons faire l'hiver du temps, hein. Il y a aussi (...) des bourgeons, des jeunes bourgeons. Il y a toute une jeunesse et Dieu sait que la jeunesse est près de nous ».

Bruno Gollnisch est-il, comme Jean-Marie Le Pen, trop antisémite pour le « nouveau » FN ? La réponse ne devrait pas tarder.