Élections départementales : où en est-on... à la veille du second tour ?

Photo de Jean-Sébastien Évrard (AFP)

Début octobre 2013, Laurent Lopez remporte la cantonale partielle de Brignoles, dans le Var, après l'annulation des deux scrutins précédents. Jusqu'au soir du 22 mars 2015, il est le seul conseiller général du FN à cette fonction... si l'on ne tient pas compte de Patrick Bassot, élu en 2011 avec l'étiquette FN dans le canton de Carpentras-nord et écarté du parti rapidement.

Pour le premier tour des départementales, 7648 candidats titulaires et suppléants portent les couleurs du FN dans 1912 cantons. Avec une couverture nationale quasi-totale (93% du territoire), le FN confirme son maillage du territoire.

Les sondages annonçaient 30%... On prédisait une abstention record. Les résultats du 22 mars contredisent ces données. Avec une abstention tournant tout de même autour de 49%, le Front national récolte 25,2% des suffrages.

Quatre binômes titulaires et suppléants FN sont élus à Vic-sur-Aisne (Aisne), Eurville-Bienville (Haute-Marne), Le Pontet (Vaucluse) et Fréjus (Var). Certains de ces conseillers départementaux sont des inconnus. D'autres, un peu moins... comme Joris Hébrard - dont l'élection au Pontet a été invalidée fin février - qui totalise avec Danielle Brun un résultat de 53,7%. Nous sommes dans le Vaucluse, un département où le FN affiche sa présence, pour le second tour, dans tous les cantons.

Les résultats du premier tour montrent que le parti de Marine Le Pen s'affirme dans certains départements jusqu'alors étrangers au vote FN. Sa présence se confirme également dans ses « territoires » comme l'Aisne (38,6%) le Gard (35%), le Var (38,9%) et le Vaucluse (37,4%). Ces trois derniers départements abritent des municipalités FN. Autre constatation : dans l'histoire du Front national, jamais un candidat n'avait été élu au premier tour pour ce type d'élection jusqu'à maintenant boudé par l'ensemble de l'électorat, dont celui du FN.

Quelques points essentiels

Les lignes forces qui se dégagent à l'issue du premier tour des départementales du 22 mars 2015 :

- Le FN obtient 8 sièges... la droite 220 et la gauche 56.

- Il progresse de près de onze points par rapport aux cantonales de 2011.

- Il est arrivé en première position dans 43 départements (sur 101).

- Il affiche sa présence dans plus d'un canton sur deux (1107 cantons sur 2054).

- Il est en lice dans 273 triangulaires et 772 duels (sur 1536) dont une majorité UMP-UDI / FN.

- Marine Le Pen tient un unique meeting pendant l'entre deux tours à Hénin-Beaumont, ville qu'elle considère comme l'« avant-garde » de son parti.

- Le FN n'est, en aucun cas, le « premier parti de France ».

Le Front national s'enracine

La présidente du Front national affirme que les résultats de son parti, dans les municipalités frontistes, constituent un « véritable plébiscite pour leur gestion ». La récente enquête sur le premier anniversaire des villes FN lui sert de référence. Les résultats également : l'exemple d'Hayange, gérée par Fabien Engelmann, pourrait bien illustrer ses propos : 24,7% aux municipales et 47,98% au premier tour des départementales. L'enjeu est central. Il s'agit de prouver que le parti est capable de gérer l'échelon supérieur de la municipalité, à savoir le département. La suite de l'histoire est présente dans toutes les têtes des élus frontistes, quelques soient leurs fonctions : ensuite viendra la région (le FN espère entre 300 et 600 élus et se voit décrocher, pourquoi pas, quatre régions) qui annoncera 2017... à savoir la "nation".

Que les candidats FN soient élus conseillers départementaux ou non, explique la présidente du FN, tous travailleront sur le terrain. Renfoncer son ancrage territoriale en s'appuyant sur ses conseillers municipaux et départementaux, poursuivre sa structuration locale... transformer le FN « en profondeur » sachant que chaque élection permet également de cibler, former, mettre en piste des candidats et constater leur compétences. Près de 1200 élus municipaux figuraient parmi les candidats des départementales.

L'histoire récente et les résultats des diverses élections traduisent incontestablement une pousée du FN. Depuis les législatives de 2012, chaque élection révèle une progression en nombre de voix. Marine Le Pen avance le nombre de 360 000 électeurs supplémentaires par rapport aux européennes. Le 22 mars, un électeur sur quatre a voté FN. L'implantation du parti se renforce dans les terres du Nord-Est et du Sud-Est. Le FN s'invite dans des régions où il était absent, à l'Ouest en particulier, dans la Manche, la Sarthe ou l'Ille-et-Vilaine.

Marine Le Pen a beau prétendre que "les menteurs savent chiffrer, mais les chiffres ne mentent pas : le FN était, au soir du premier tour le premier parti de France". La présidente du Front national a vigoureusement tort. Elle et sa formation politique sont loin d'avoir atteint cet objectif. Ce qui n'empêche pas d'insister sur un fait principal : par la spécificité de chacune de ces élections, leurs résultats ne sont, en aucun cas, transposables sur ceux de la présidentielle de 2017. Le pourcentage à mettre en avant est celui du premier tour de la présidentielle de 2012 obtenu par Marine Le Pen : 17,9%.

Le temps est une donnée inhérente à l'histoire. Il en faut pour atteindre l'objectif que le FN s'est fixé, à savoir accéder à la présidence. Avant cette étape, d'autres sont indispensables. Le Front national progresse depuis quelques années. Ne pas rompre cette dynamique, c'est son intérêt.