Marine Le Pen, la candidate des "oubliés"

Marine Le Pen à Versailles 15 mai 2013 lors de son Tour de France des oubliés

Nous sommes en 2013. La présidente du FN entend devenir la porte-parole de "tous ces Français qui n'intéressent personne" et leur proposer une "espérance". Les "oubliés", explique-t-elle, ce sont les ouvriers, les paysans, les agriculteurs, les pêcheurs, les personnes âgées, etc. Depuis son accession à la présidence du FN, Marine Le Pen s'engage à faire de la politique pour le peuple.

2014 et 2015 sont des années stratégiques pour le FN. En s'appuyant sur les résultats des diverses élections - municipales, européennes, sénatoriales, départementales, régionales (décembre 2015) et les législatives et présidentielles en 2017 -  Marine Le Pen veut atteindre un objectif : implanter le FN dans quasiment tous les territoires français, affirmer une crédibilité politique dans un ensemble de domaines et montrer sa normalisation. Bref, construire le FN mariniste. Depuis le Congrès de Tours, plusieurs collectifs sont apparus : Racine (enseignants), Audace (jeunes actifs), Marianne (étudiants), Nouvelle écologie (écologistes). Un des derniers en date : France ruralité (agriculteurs) qui annonce "Une France libre dans une Europe des Nations", représenté par deux députés européens FN "au service de la ruralité" : Édouard Ferrand et Philippe Loiseau.

La fédération FN de Vendée s'en fait le porte-voix : les agriculteurs "rançais se rendent compte au fil des années que le Front National est le SEUL parti a (sic) s'intéresser à la Vie Rurale. Le Front National est le seul parti qui a dédié un site exclusif aux agriculteurs, et pécheurs. Ah pour faire de la politique politicienne, l'UMP et le PS sont fort (sic), mais a (sic) force de berner les gens, la réalité est là : Marine Le Pen est la seule qui s'interesse (sic) vraiment aux problèmes ruraux et cela c'est (sic) vu à l'acceuil (sic) enthousiaste qu'elle a reçue (sic) au salon de l'agiculture (sic)".

Les années Marine Le Pen annoncent le "retour du FN dans les villes et les campagnes", assure Louis Aliot, député européen et vice-président chargé de la formation et des manifestations. Le parti s'adapte à une donnée électorale des dix dernières années : sa forte progression dans les zones rurales, repérable à partir de 2002. Les agriculteurs se mettent à voter FN... Dix ans après le premier tour de la présidentielle d'avril 2002, le vote FN atteint près de 20 % dans les communes de moins de 500 habitants. En même temps, il progresse dans le périurbain.

Nous sommes à quelques mois des élections municipales. Lors d'une séance de formation politique, donnée au siège du Front national à Nanterre en novembre 2013, les cadres du FN mettent en évidence cette thématique et les enjeux qui en découlent pour le FN de demain. Ils insistent sur cette "France des invisibles", celle que les élus FN doivent représenter en priorité et avec laquelle ils doivent garder un lien direct et fort.

Un parti qui s'implante à toutes les échelles du territoire

Il faut "rendre des services" à ces hommes et femmes que le "système ne leur rend pas". Devant son auditoire composé de futurs élus, Michel Guiniot délivre un message clair, inscrit dans un registre anxiogène, tout en réactivant les fondamentaux frontistes. Le secrétaire départemental du FN dans l'Oise (conseiller général de Picardie et conseiller municipal de Noyon) explique bien l'importance de la présence et de la représentation du FN à toutes les échelles du territoire. C'est un des principaux objectifs – et enjeu stratégique - du FN pour la "compétition électorale à venir" : "Il y a une grande dimension nationale dans ces élections locales, une sérieuse chance d'avoir un résultat exceptionnel. C'est une belle fenêtre de tir. À nous de créer les bonnes conditions afin d'en profiter pleinement. Plus nous avons des conseillers municipaux, plus nous pouvons faire du poids sur les prochaines élections (…). Les enjeux locaux sont entachés de la politique et des problématiques nationales. On ne peut pas tenir qu'un langage local. (…) Marine Le Pen est arrivée en tête dans 6043 communes. Je n'ai plus à vous prouver que le vote FN est hyper ancré dans la ruralité. Les déplacements de la population font exploser le trafic de drogue dans les zones rurales. Il n'y a plus de gendarmerie, plus de tournée le soir. La problématique de la ruralité vous concerne. Vous êtes les champions de cette ruralité et ses défenseurs. (…) Vous devenez le visage du FN, l'incarnation physique des 20, 25, 30% d'électeurs qui ont voté Marine Le Pen dans votre commune. Nous avons des devoirs pour nos électeurs. Rien ne remplacera le contact humain. Répondre avec le cœur. Nous ne devons pas changer notre ligne de conduite. Nous devons l'améliorer encore. Il faut vivre avec les gens là où ils vivent. (…) 'Il nous ont pris nos droits pour les donner à d'autres ' est une formule excellente que j'entends tous les jours".

Pour le FN, chaque élection anticipe la prochaine et représente donc un palier supplémentaire, en vue de la présidentielle de 2017. La dimension nationale recouvre la stratégie locale. Il s'agit d’améliorer l’implantation du parti pour asseoir son assise électorale, notamment dans les zones rurales.

Pour les départementales de 2015, le Front national se situe en tête des intentions de vote dans les zones rurales. Au Salon de l'agriculture, le FN entend, une nouvelle fois, montrer sa préoccupation pour le monde rural et son attachement à l'identité locale. Chaque catégorie d'électeurs représente une cible... qu'il faut conquérir. Le FN s'y emploie depuis plusieurs années.

Valérie Igounet