Quelques détails que vous ignoriez peut-être sur '1984'

Alors que la loi sur le renseignement est débattue en procédure accélérée à l’Assemblée nationale, le débat fait rage sur le caractère liberticide du texte. Parmi les références fréquemment évoquées à chaque fois qu’un État tend à renforcer ses processus de surveillance, le chef d’œuvre de George Orwell est sans doute la fiction la plus souvent citée – preuve de la profondeur du dernier roman de l’écrivain britannique, infiniment marquant. L’occasion de quelques anecdotes sur un livre dont je ne peux que recommander la lecture ces temps-ci.

  • George Orwell (Éric Arthur Blair, de son vrai nom) a écrit 1984 seul sur l’île écossaise de Jura, dans une maison dépourvue d’électricité. Veuf depuis deux ans, il était déjà sévèrement touché par la tuberculose qui allait l’emporter en 1950. Ses médecins lui ayant interdit de taper à la machine (rigolez pas, c’est physique, la machine à écrire version 1948), Orwell aurait corrigé une partie des épreuves du livre au stylo-bille, en cachette sous ses draps. De son propre aveu, l'ambiance crépusculaire du livre découle en partie de son état de santé.
  • Orwell avait envisagé plusieurs titres pour son roman, dont The Last Man In Europe (Le dernier homme d’Europe) avant de passer aux dates : 1948, 1980, 1982. Le titre final est une référence à un livre écrit par Jack London, Le Talon de Fer. Ce livre, considéré comme la première dystopie [1] moderne, décrit des États-Unis qui ont viré à la dictature fasciste. La ville réservée à l’oligarchie (Asgard, du nom de la demeure des dieux nordiques chère à la mythologie nordique et à Natalie Portman) y voit le jour en 1984. Autre clin d’œil, le livre, s’il a été publié en 1949, a été écrit en 1948 : Orwell se serait amusé à inverser les deux derniers chiffres.
  • Tout le monde a pris l’habitude de l’écrire en chiffre, mais le titre exact du roman est bien Nineeteen Eighty-Four, en toutes lettres.
  • En choisissant le nom du héros (antihéros, plutôt…) du livre, Winston Smith, Orwell a volontairement réuni le prénom de l’Anglais le plus célèbre du 20e siècle, Winston Churchill, et le nom de famille le plus commun d’Angleterre, Smith. Sans doute pour traduire l'attitude rare de cet homme ordinaire - au début du livre du moins.
  • Le même Winston Churchill a lu 1984 – deux fois. Et a confié à son médecin l’avoir adoré.
  • David Bowie a écrit une chanson baptisée 1984. Et même tout un album Diamond Dogs. La référence était assumée puisque Bowie voulait au départ réaliser l’adaptation musicale du roman. Les héritiers d’Orwell lui ont refusé les droits et Bowie a revu le principe, tout en gardant le thème général d'un futur totalitaire. Quant à savoir s’il a eu raison, c’est une autre affaire dont je vous laisse juge :
  • Radiohead aussi s’est fendu de sa chanson-référence : 2+2=5 est une référence directe à un passage du roman dans lequel le héros se fait expliquer le principe de la double pensée : tandis qu’on inculque au peuple que 2 plus 2 peuvent parfois faire 5, les scientifiques, les gouvernants et les militaires, eux, basent leur action sur la réalité mathématique. Orwell pointant ainsi la fragilité des vérités officielles. Et fait référence à l’URSS de Staline et à ses plans quinquennaux : un des slogans soviétiques se faisait fort de mener ces programmes de 5 ans et quatre années seulement…
  • Dans le roman, les séances de lavages de cerveau subies par le héros se déroulent dans la chambre 101, où Winston Smith doit faire face à ce qui l’effraie le plus au monde. Beaucoup d’hôtels britanniques refusent encore de donner le numéro 101 à leurs chambres.
  • Big Brother était le nom original du Loft, la première émission de téléréalité diffusée en France.
  • La promotion 2015-2016 de l’ENA portera le nom de George Orwell. Ironie des ironies ?

1984-poster-1 (2)

L'un des trois slogans du régime totalitaire décrit dans 1984.

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[1] Le terme désigne une utopie inversée, une anti-utopie, bref, un monde imaginaire, souvent futuriste. Où tout a généralement merdé, quelque chose de bien.

Publié par jcpiot / Catégories : Actu