Avant les hérissons archéologues, d'autres heureuses trouvailles historiques

Plus fort qu’Indiana Jones, les hérissons archéologues : des chercheurs israéliens viennent de retrouver une lampe de céramique vieille de 14 siècles, intacte, au fond d’un terrier creusé par leur camarade à aiguilles. Un heureux hasard qui n’est pas le seul : beaucoup de découvertes archéologiques sont dues à ce qu’on a coutume de désigner scientifiquement sous le nom de « pur coup de bol ». Et pas des moindres : la preuve par cinq.

La Vénus de Milo, dégagée d’un coup de pelle

Nous sommes le 8 avril 1820, à Milos, une petite île des Cyclades en pleine mer Egée. Yorgos Kentrotas est en plein travail : ce paysan de métier cherche des pierres dans le sol pour construire un mur autour de son terrain. Et donne soudain un coup de pioche un peu plus important que les autres : sous l’outil vient d’apparaître le buste d’une statue de bien deux mètres de haut. Et disons que ledit buste laisse assez peu de doutes sur le fait qu’il s’agit de toute évidence d’une femme. Les bras lui en tombent, mais la statue l'a précédé : la belle jeune femme de marbre a déjà perdu les siens.

Au hasard s’ajoute un coup de chance : un officier de marine français, Olivier Voutier, est présent dans les parages. Mieux : le jeune homme se pique d’archéologie, science encore neuve en ce début de 19e siècle, et suffisamment pour comprendre qu’il y a là quelque chose d’intéressant. Les deux hommes creusent ensemble et mettent au jour d’autres parties d'un corps rapidement identifié comme celui d’Aphrodite[1].

S’ensuit un imbroglio compliqué pour savoir qui peut s’attribuer la découverte ; l’ile de Milos fait partie de l’Empire ottoman mais les autorités françaises cherchent rapidement à acheter la statue. Ils entrent en contact avec l’ambassade ottomane et réussissent in extremis à empêcher le départ de la statue pour Constantinople : l’ambassadeur de France en Turquie, le marquis de Rivière, l’achète en bonne et due forme pour son compte personnel, avant de l’offrir à Louis XVIII, qui en fait à son tour immédiatement don au Musée du Louvre.

Lequel fera le choix de ne pas restaurer les bras de la célébrissime Vénus de Milo, aussi emblématique du Louvre que la Joconde… Les restaurateurs lui feront tout de même une petite manucure sur le gros orteil droit.

La grotte de Lascaux, trouvée par un Robot

 8 septembre 1940 : la France vient de se prendre une mémorable tatouille contre la Wehrmacht : le feu des événements doit pourtant sembler bien lointain à Marcel Ravidat, un adolescent de 17 ans qui randonne avec son chien en cette fin d’été, en Dordogne, du côté de Montignac. Lequel chien, Robot, s’en donne à cœur joie et poursuit de lapins dans tous les sens. Et c’est l’une de ces malheureuses bêtes qui va permettre la découverte indirecte d’une des plus belles trouvailles du siècle.

L’animal, dans sa fuite, se planque dans un trou laissé là par un arbre déraciné. Et au fond de ce trou s’en ouvre un autre, d’une vingtaine de centimètres de diamètre. Alors qu’il cherche à emmerder ce pauvre lapin en y jetant des cailloux dans l’espoir de le faire sortir, Marcel réalise que les cailloux mettent du temps à toucher quelque chose. Persuadé qu’il vient de mettre la main sur un couloir souterrain connecté au château voisin, Marcel repart avec une idée en tête.

Quatre jours plus tard, équipé d’un couteau, d’une corde et d’une petit lampe à huile, Marcel revient avec Robot et quelques copains, Georges Agniel, Simon Coëncas et Jacques Marsal. Les quatre amis creusent un brin – et tombent sur les premières peintures de la grotte de Lascaux… Excités comme des puces, les explorateurs en herbe viendront explorer quelques jours la grotte avant de prévenir leur instituteur, qui saisit rapidement l’importance de la découverte : les préhistoriens peuvent prendre le relais…

Marcel Ravidat est mort en 1995, après avoir consacré une large part de sa vie à la grotte oubliée qu’il a longtemps fait découvrir aux touristes, avant que l’actuelle réplique ne soit construite pour permettre des visites reconstituées sans abimer le site.

Les manuscrits de la Mer Morte doivent beaucoup aux chèvres

 À vous dégoûter des études d’archéologie : les célébrissimes manuscrits de la mer Morte ont été retrouvés dans une grotte de Palestine grâce à… une chèvre.

Printemps 1947 : un jeune berger bédouin, Muhammed edh-Dhib Hassan, cherche désespérément une de ses bêtes, parti faire l’andouille dans les falaises calcaires qui surplombent la Mer Morte. Il s’assied un instant pour se reposer et par jeu, s’amuse à lancer des cailloux dans l’un des multiples trous qui s’ouvrent dans le sol accidenté. Jusqu’au moment où ça ne fait pas clac, mais cling : un bruit de poterie cassée…

Curieux, le pâtre revient le lendemain, accompagné d’un cousin mais sans son troupeau. Les deux jeunes gens parviennent à s’encorder pour descendre dans une grotte difficile d’accès – et tombent sur huit grandes jarres de terre cuite, hermétiquement fermées. Seule l’une d’entre elles est ouverte, ou plus exactement brisée par le caillou lancé la veille. Dedans, soigneusement enveloppés dans du lin, de vieux rouleaux de parchemin.

C’est un antiquaire de Bethléem qui comprendra le premier l’importance des rouleaux et les présentera à un archéologue israélien, Eleazar Sukenik. Lequel convainc Israël d’acheter aussitôt les premiers rouleaux mis en vente et d’étendre la zone des fouilles.

Bonne pioche, si l’on peut dire : entre 1947 et 1956, on met au jour d’autres jarres, dans onze grottes. 870 rouleaux en tout, dont le plus spectaculaire est le rouleau d’Isaïe A, qui reste à ce jour le plus ancien manuscrit hébreu connu d'un livre biblique entier, le Livre d'Isaïe. 54 colonnes de texte, sur 17 feuilles de cuir cousues ensemble bout à bout, d'une longueur de plus de 7 mètres, qui racontent la déportation du peuple juif à Babylone, son retour et la reconstruction du Temple de Jérusalem…

Le mausolée au fond du puit

Mars 1974, dans la province chinoise du Shaanxi, au beau milieu de l’Empire du même nom. Une province à la longue histoire : c’est là que fut retrouvé l’Homme de Lantian, un Homo Erectus qui atteindra ses 600 000 ans aux fraises et qui reste le plus vieil « ancêtre » des Chinois. En l’occurrence, ce n’est pas un vieux vieux vieux vieux pépé que trouve Yang Zhifa, un paysan du village de Xiyang, mais des bouts de poterie et des pointes de flèche. Le tout à deux mètres de profondeur, tandis qu’il creuse un puit avec deux autres cultivateurs. Et Yang Shifa n’en a positivement rien à secouer : lui, il a un puit à construire. Il se contente donc de balancer les poteries dans un coin et de vendre les pointes de flèche (2 yuans la livre) avant de creuser de plus belle.

Mais au bout d’un moment, la rumeur circule et les officiels s’en mêlent. Et on découvre que les bouts de poterie dégotés par Yang Zhifa sont un tout petit peu importants. Ce sont des morceaux de ça :

armée terre cuite

Eh oui : l’armée de terre cuite de l’Empereur Qin, soit 7 000 statues de de guerriers et de chevaux rassemblées dans plusieurs fosses pour protéger le tumulus du tombeau de l'empereur Shihuangdi, heureux rejeton de la dynastie des Qin. Toute une armée aujourd’hui visible par les touristes et qui figure au patrimoine de l’humanité de l’Unesco…

La gourmette de Saint-Exupéry

Ah, Saint-Exupéry… L’écrivain-aviateur, mort en plein ciel à l’été 44[2], avait disparu en pleine mer sans qu’on ne retrouve l’épave de son avion et encore moins sa dépouille ou des objets lui appartenant. Jusqu’en 1988, avec une histoire de fou qui relève presque du conte…

Le 7 septembre 1988, un pêcheur marseillais, Jean-Louis Bianco, remonte une nouvelle fois ses filets pas très loin de l’île de Riou. Entre quelques poissons, il tombe sur une sorte de bloc de calcaire accumulé autour d’un bijou : une gourmette. Cette gourmette :

Gourmette_de_Saint_Exupery

De quoi tomber aussitôt de l’armoire : sur l’argent qu’il nettoie grossièrement du pouce, il lit d’abord un prénom, Antoine puis un nom : Saint Exupéry. Et entre parenthèses, le nom de la femme de l’auteur du Petit Prince… Suivent deux autres lignes qui mentionnent le nom et l’adresse de ses éditeurs américains. Bianco, un temps sidéré, décide de montrer sa trouvaille à Henri-Germain Delauze, patron emblématique de la société d’ingénierie maritime marseillaise Comex. Lequel n’est pas tombé de la dernière pluie et demande au pêcheur de rester discret, tandis qu’il lance des recherches sous-marines à grande échelle sur la zone de la découverte[3]. Pendant un mois et demi, alors que les autorités auraient dû être prévenues dans les 48 heures…

Oh, ça, ils vont trouver des trucs : 7 épaves de bateaux, dont un très beau navire romain – mais pas le P-38 piloté par Saint-Ex. L’histoire vire en eau de boudin quand la rueur se répand : la famille de l’écrivain est furieuse de ne pas avoir été prévenue, comme les autorités.

Pourtant, le bruit médiatique aura un mérite : relancer les recherches de l’épave de l’avion, qui sera finalement retrouvé en avril 1999 et authentifié un peu plus tard.

 _______________

[1] Et pas Vénus : nous sommes bien et en Grèce, la statue date de la fin de l’époque hellénistique. Si quelqu’un sait pourquoi le nom romain de la déesse est restée attaché à la statue, je suis preneur.

[2] Pour l’anecdote, les dernières lignes de sa main, écrites la veille de sa disparition, se terminent par ces mots : « moi, j’aurais dû être jardinier. »

[3] Ah oui oui, c’est illégal dans les grandes largeurs, oui.

Publié par jcpiot / Catégories : Actu