Quand l’Etat n’honore pas ses dettes

 

Dans une interview récente, François Fillon évoquait le risque d’un « accident financier grave » susceptible de toucher la France. Si on peut s’amuser qu’un ancien Premier ministre donne des leçons de bonne gestion alors que la dette publique augmenta de 600 milliards d’euros au cours des cinq années qu'il passa à Matignon, il reste que François Fillon a raison sur un point : un Etat n’honore pas toujours ses dettes.  Retour arrière sur trois cas mémorables.

Louis IX : saint tant qu’on voudra, mais mauvais payeur

Au hitparade des rois doués d’une bonne réputation, Louis IX, son chêne et ses glands font toujours fureur. En sortant un brin du cliché, force est de constater que le souverain, quand il n’était pas occupé à taper sur les Juifs en inventant l’ancêtre de l’étoile jaune, avait une façon toute personnelle de tenir ses engagements financiers. En se lançant dans la 7e Croisade en 1248, le cher homme va tout bonnement ruiner le pays – un mouvement que la 8e croisade ne fera qu’aggraver tout en ayant sa peau.

Pourquoi ? Parce qu’une croisade, ça coûte cher. La 7e ira chercher dans les 1,5 million de livres, l’équivalent de… 6 années de recettes fiscales. Aucun problème : le cher homme se procure auprès des Leccacorvo, des banquiers italiens, les sommes colossales qui lui manquent pour financer 1/ l’expédition elle même 2/ l’achat de reliques destinées à rejoindre la collection de la Sainte-Chapelle. 40 000 livres, rien que pour une couronne d’épines du Christ. Une spécialité médiévale, la sainte relique : avec le nombre d’authentiques morceaux de la Sainte Croix plus ou moins bouffés aux vers vendues à l’époque, on peut rebâtir l’Arche de Noé….

Le hic ? La 7e croisade est un bide relatif qui n’apporte aucun profit concret. Aucun problème : à son retour de Terre Sainte en avril 1254, Saint Louis… refuse tout bonnement de rembourser. Et fait banqueroute, comme on dit alors. On ne peut plus se fier ni à Dieu ni à ses saints, décidément.

Et encore, d’autres feront pire, tel Philippe le Bel qui… truquera sa propre monnaie avant de démolir les Templiers pour faire main basse sur leurs richesses.

Deux-tiers de la dette oubliés d’un trait de plume

En 1797, huit ans de crises, de troubles révolutionnaires, de guerres successives et de mauvaise gestion ont fini d’enfoncer le dernier clou dans le cercueil de finances publiques méchamment mise à mal par le régime monarchique.On ne dévalue pas, mais l'étalon-or ne sert plus de référence unique. On invente un étalon-terre vite noyé dans une inflation entretenue à coups d'assignats, ce célèbre papier-monnaie fondé sur les biens confisqués à la noblesse et au clergé et qui bien vite, ne sont plus garantis par rien. Irrattrapable. Face à cette situation, le Directoire va inventer l’euphémisme du siècle : le tiers consolidé.

En votant le 30 septembre cette loi qui établit que l’Etat ne garantit qu’un tiers de ses créances, la France est tout bonnement en train d’expliquer à ses prêteurs qu’ils peuvent s’asseoir sans douceur sur les deux autres tiers, pas consolidés du tout. Concrètement, les deux tiers de la dette publique sont purement et simplement annulés. Le Directoire, décidément inventif, créera peu de temps après - entr autres - le très célèbre impôt sur les portes et fenêtres pour se refaire la cerise, avec un succès relatif. Mais la France n'obtiendra plus le moindre prêt auprès des marchés financiers pendant des décennies.

Les emprunts russes

Sale année que l’année 1917. En pleine Première guerre mondiale, les Etats vivent des situations plus que délicates sur le plan politique, militaire et bien sûr économique. La Russie du tsar Nicolas II ne fait pas exception et la situation intérieure explose avec la Révolution d’octobre, qui amène les Bolcheviques au pouvoir. Face à la situation financière désastreuse du pays, ceux-ci n’ont rien de plus pressé que d’expliquer à leurs créanciers qu’ils ne les paieront pas : c’est la fameuse répudiation des emprunts russes.Et ça fait d’autant plus mal que les prêteurs ne sont pas des organismes financiers, mais des particulier, fort nombreux à avoir fait confiance à l’Etat russe, garant des sommes prêtées.

Particulièrement en France. Alliés avec la Russie depuis 1882, les Français ont été fortement invités à investir dans ces emprunts. Par ses dirigeants d’abord, et par un enfumage à grande échelle dans des journaux corrompus dans des proportions sidérantes par un certain Arthur Raffalovitch, ressortissant russe qui arrosait toutes les rédactions pour obtenir des présentations favorables des emprunts de l’Etat Russe.

Bilan des courses : les 1,5 million de Français qui avaient cassé leur tirelire pour prêter un foutu tiers de l'ensemble de l'épargne nationale à la Russie n’ont plus que leurs yeux pour pleurer : depuis près d'un siècle, la Russie soviétique comme la fédération de Russie estiment qu'il ne voient pas le problème.

Publié par jcpiot / Catégories : Actu