Bon anniversaire, Charlot

 

Le 7 février 1914 sortait aux Etats-Unis un petit film de 7 minutes produit par Keystone, Kid Auto Races in Venice. Un court-métrage burlesque de plus, comme il s’en produit au kilomètre dans les studios de l’époque – à un détail près : le héros. Il porte un chapeau melon trop petit, de vieilles godasses trop grandes, une redingote élimée et sa démarche en canard fera le tour du monde. Le « Tramp », Charlot pour les francophones, est né. Derrière la moustache en croc, un jeune acteur anglais de 25 ans, Charles Spencer Chaplin – dont vous ne savez peut-être pas tout.

Chaplin, premier acteur en Une du Time

9 ans après sa première apparition, Charlot est devenu un phénomène du cinéma mondial. C’est ce succès international qui amène le magazine Time à consacrer la célèbre photo pleine page de sa Une à Charlie Chaplin – ou plus exactement à Charlot.

Chaplin Time

 

Un choix qui n’est pas neutre : aucun acteur peut-être ne fut et ne reste confondu à ce point avec un personnage. Au point que le visage du jeune Chaplin est bien moins connu que celui du Vagabond – c’est celui-ci.

Chaplin 2

Charlot n’aimait pas parler…

A la fin des années 20, l’apparition du parlant révolutionne l’industrie du cinéma. Si certains acteurs voient leur carrière brisée par une voix qui passe mal à l’écran, ce n’est pas le cas de Chaplin. Pourtant, il refusera sciemment et longtemps de franchir le pas  : ce mime de formation, acrobate émérite, restait convaincu de la supériorité d’un jeu purement corporel. Pire, il redoute que donner une voix à Charlot ne « tue » le personnage et ne compromette son succès international. Alors que les films muets semblent déjà ridiculement surannés dès le début des années 30, Chaplin attendra 1936 pour franchir enfin le pas. Ce sera dans Les Temps Modernes – encore Charlot ne parle-t-il pas réellement : il chante, dans un parfait charabia d’italien et de français, à la toute fin du film, juste après que Paulette Goddard l’y invite, par carton interposé : « « Chante ! Tant pis pour les paroles ! » (à 2’06)

.. Et il ne ressemblait pas assez à Charlot

En 1915, à San Francisco, Charlie Chaplin apprit dans le journal qu'un concours de sosies de Charlot était organisé dans le quartier de son hôtel. Il s'y rendit anonymement… Et finit 27ème.

chaplin sosie

Un seul Oscar, pour... la musique

Chaplin ne fut jamais récompensé d’un Oscar pour son don de comédien ou son sens de la réalisation. Au cours de sa carrière inouïe, Chaplin en reçut certes trois en tout – mais deux d’entre eux, remis en 1929 et en 1971, furent honorifiques. Ce n’est qu’en 1972 que Chaplin reçut un Oscar pour un film en particulier. Pas comme acteur ou comme réalisateur, mais comme compositeur pour la bande originale des Lumières de la Ville, musique qu’il avait en effet composé lui-même. Comme celles de la plupart de ses films d’ailleurs.

Il était toujours temps, Les Lumières de la Ville n’étant jamais sorti que… 21 ans plus tôt. Soit en 1952, l’année où, soupçonné de sympathies communistes par une Amérique paranoïaque et maccarthyste, Chaplin avait vu son visa révoqué et avait choisi de venir vivre en Europe. Mieux vaut tard que jamais – au demeurant, Chaplin n’en avait manifestement pas grand-chose à faire : d’après son fils, l’un des Oscars en question lui servit longtemps de cale-porte.

Condamné à verser une pension alimentaire à un enfant qui n’était pas le sien

L’histoire des mœurs controversées de Chaplin – son goût pour les jeunes femmes comme ses quatre mariages successifs furent largement utilisés par ses ennemis – mériterait un billet à elle toute seule, mais l’une des affaires vaut son pesant de moustache : dans les années 40, Chaplin eut une brève relation avec l’actrice Joan Barry. Quelques mois après leur rupture, cette dernière affirma que Chaplin était le père de l’enfant à qui elle venait de donner naissance et porta l’affaire devant les tribunaux. Chaplin fut condamné à lui verser 75 £ par semaine, une jolie somme pour l’époque, par le tribunal. Et tant pis pour les tests sanguins qui prouvaient de façon parfaitement incontestable que Chaplin ne pouvait pas être le père de l’enfant. Le juge refusa de les prendre en compte…

Kidnappé post-mortem

Trois mois après la mort de Chaplin en 1977, le soir de Noël, une belle bande d’andouilles crut sans doute réaliser le coup du siècle en volant son cadavre, dans l’idée de réclamer une rançon à la famille. Le kidnapping marchant moins bien quand la personne enlevée est décédée, l’affaire se résolut d’elle-même trois mois plus tard quand l’ensemble de la bande fut arrêtée et mise sous les verrous. Le cercueil lui-même fut retrouvé au milieu d’un champ de blé, intact. Chaplin a depuis retrouvé le calme de sa tombe. Calme désormais protégé par deux bons mètres de béton.

Une star et un astéroïde

Quatre ans après sa mort, une astronome ukrainienne , Lyudmila Karachkina  désigna l’un des 131 astéroïdes qu’elle découvrit du nom du créateur de Charlot. 3623 Chaplin, de son petit nom, vagabonde quelque part entre entre Mars et Jupiter. Il paraît qu’il est assez gros pour qu’on puisse partir à sa recherche avec un bon télescope mais je n’ai pas essayé personnellement. Cherchez une canne et une petite moustache.

Publié par jcpiot / Catégories : Actu