"Rock’ n Roll", une dose de bon cinéma

Rock'n Roll (Guillaume Canet)

Je vais essayer de vous parler de ce film sans vous révéler toutes ses bonnes surprises...

Rock'n Roll est une très audacieuse comédie ! D'ailleurs, rares sont les longs métrages français avec autant de liberté de ton. Le film m'a procuré aussi une sensation étrange, pas facile à décrire et qui appelle à une sérieuse réflexion sur la différence : comment assumer sa marginalité lorsque les autres ne nous acceptent pas ?

L’histoire…

Rock'n Roll raconte l'histoire d'un type préoccupé par son apparence physique. Il peut nous arriver à tous, à un moment donné et pour une période plus ou moins longue d'être complexé par son corps. Qui ne s'est jamais trouvé trop petit, trop gros, trop ridé, avec un grand nez, pas assez de cheveux, trop peu de muscles, etc.? Mais lorsque ces complexes deviennent envahissants, ils peuvent être considérés comme relevant d'un trouble mental appelé dysmorphie corporelle.

La dysmorphie corporelle, c'est quoi ?

La recherche médicale en psychiatrie a défini de façon plus ou moins arbitraire les critères diagnostiques pour lesquels on ne dira plus qu’une personne est complexée par son physique, mais qu'elle est atteinte d'un trouble de dysmorphie corporelle. Ces critères, choisis pour leur commodité de diagnostic, mais aussi pour faciliter la recherche scientifique, sont les suivants :

  • Une préoccupation concernant une imperfection de son apparence physique, au niveau de n’importe quelle partie du corps. La plainte peut concerner par exemple la forme du nez, de la bouche, les fesses, les jambes, ou de façon générale la taille du corps, la carrure ou même la masse musculaire (pour ce dernier cas, il existe d’ailleurs une terminologie spécifique du trouble : la dysmorphie musculaire).
  • Cette préoccupation est démesurée par rapport à la réalité : la perception que la personne a de son atypie physique est souvent exagérée, voire même délirante si le défaut physique est imaginaire. Dans ce dernier cas, la personne est la seule à percevoir cette variante de son aspect physique, malgré les démentis de son entourage.
  • La personne a des comportements répétitifs en réponse à ses préoccupations concernant les défauts perçus de son apparence. Ces comportements ont pour fonction d’échapper à l'inconfort engendré par ces préoccupations (la personne peut par exemple cacher la partie du corps qu’elle n’aime pas, trouver des stratagèmes pour modifier la façon dont elle peut être perçue, voire même avoir recours à une chirurgie esthétique). Ces comportements peuvent également avoir pour fonction de retrouver des bénéfices perdus à la suite d’une évolution de l’apparence physique (par exemple, la chute de cheveux chez un homme peut être vécu comme une diminution de son potentiel de séduction et le conduire à faire des implants).
  • La personne présente un degré de souffrance significatif lié à cette préoccupation et les comportements répétitifs impactent sa qualité de vie.

Encore une fois, la frontière entre le « normal » et le « pathologique » n'est qu'arbitraire, car en réalité l'évolution des signes cliniques se fait sur un continuum sans véritable césure nette. D'ailleurs, les critères de diagnostic d’un trouble évoluent avec le temps et les avancées de la recherche (à titre d'exemple, l’homosexualité n’est définitivement supprimée du manuel de classification des maladies mentales aux Etats-Unis qu’en 1987).

Pour résumer, si l'on perçoit son apparence physique de manière négative au point d’en souffrir de façon importante, et que les comportements que l'on met en place pour tenter de modifier cette perception deviennent envahissant ou incompatibles avec une vie sociale satisfaisante, alors on parlera de dysmorphie.

La dysmorphie corporelle dans le film

Le film illustre très bien comment une personne peut progressivement basculer dans l’obsession vis-à-vis de son apparence physique et comment elle façonne petit à petit ses comportements pour satisfaire cette obsession. Une des forces du film est aussi que le personnage assume jusqu’au bout sa transformation, malgré l’incompréhension de son entourage. Se pose alors cette question « psy » : si le personnage est heureux malgré ses obsessions pour son apparence, doit-on alors considérer que ses comportements relèvent d’un trouble mental ?

Je n’en dis pas plus et vous invite à aller voir le film…