Du nouveau à propos des fessées données à vos enfants

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Le 22 décembre 2016, l’Assemblée nationale a adopté un texte interdisant la fessée. Ce texte ne prévoit pas de sanctions pénales pour les parents, cette nouvelle disposition étant « simplement intégrée au code civil et lue lors de la célébration des mariages » (dixit Judge Marie).

Néanmoins, la loi française prévoit déjà une sanction pénale des fessées et/ou des claques données à un mineur de moins de 15 ans : « Les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail sont punies de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende lorsqu'elles sont commises (...) Sur un mineur de quinze ans » (article 222-13 du code pénal).

En réalité, c’est actuellement la jurisprudence qui adapte la répression au cas par cas (pour en savoir plus au sujet de la législation, je vous invite à parcourir le blog de Judge Marie).

Considérations psychologiques des fessées données à ses enfants

Au-delà de ces quelques considérations juridiques sur les fessées et les claques, voyons maintenant ce qui pourrait permettre (ou pas) de diminuer les « châtiments » physiques infligés aux enfants par leurs parents. Pour cela, il est nécessaire de faire un rappel des principes comportementaux de base en jeu dans les fessées : Comment apparaissent-elles ? Comment se maintiennent-elles ? Par quoi les remplacer ?

Les fonctions d’une fessée donnée à son enfant lorsqu'il lèche son assiette

  1. Un bénéfice pour le parent

La première fonction d’une bonne fessée est bien souvent de soulager les parents. Elle leur permet en effet de stopper rapidement un comportement qu’ils jugent inapproprié. Car l’être humain est ainsi fait : il cherche à échapper aux situations qu’il juge désagréables de la façon la plus économique qui soit. Ainsi, s’il est intolérable de voir son enfant lécher son assiette à dessert, le parent va agir de façon à se soustraire le plus vite possible de cette vision qui lui hérisse le poil. Bien sûr, la fessée n’est pas le seul moyen à la disposition des parents pour arrêter un comportement qu'ils estiment inadapté chez leur enfant. Ils peuvent aussi leur dire "NON" ou élever le ton de la voix par exemple. En général, la fessée ou la gifle sont souvent utilisées après que d'autres réprimandes non corporelles aient été d'abord essayées sans succès.

  1. Un apprentissage pour son enfant (mais pas toujours !)

Parfois, la fessée a valeur d’apprentissage pour l’enfant. Elle peut en effet suffire pour que son enfant ne lèche plus jamais son assiette. Dans ce cas, la fessée est donc efficace en terme d’apprentissage (elle entraîne chez l’enfant des sensations physiologiques désagréables, sensations que l’enfant cherchera à éviter par la suite en ne léchant plus jamais son assiette). Mais là où les choses se compliquent, c’est lorsque la fessée donnée à son enfant n’a pas valeur d’apprentissage. Parfois, il arrive en effet que son enfant recommence régulièrement à lécher son assiette, même après avoir reçu une torgnole. L’enfant se prend donc régulièrement une bonne raclée (le parent est soulagé à court terme), mais il n’apprend rien à long terme. Pire encore, les sensations émotionnelles désagréables ressenties par son enfant peuvent avoir des conséquences sur son comportement opposées à celles attendues par le parent, comme des réactions agressives par exemple.

Si parfois les fessées n’ont pas une valeur d’apprentissage, c’est principalement parce qu’elles n’enseignent pas aux enfants un comportement alternatif plus « convenable ». En science du comportement on dit d’ailleurs qu’un apprentissage se maintient mieux lorsque les réprimandes sont couplées avec des encouragements pour les « bons » comportements (ceux qui sont attendus par les parents). Pour se maintenir, les « bons » comportements de l’enfant doivent en effet être suivis de bénéfices au moins aussi importants que ceux qui suivent ses comportements inadaptés (le plaisir éprouvé à ne pas laisser une miette de dessert dans son assiette, pour reprendre mon exemple).

Les enjeux de la législation : parents et enfants sont soumis aux mêmes principes d’apprentissage

La législation prévoit donc une réprimande pour les parents qui donnent des claques à leurs enfants, au même titre que les parents réprimandent leurs enfants lorsqu’ils lèchent leurs assiettes. Parfois, la législation a valeur d’apprentissage. Elle peut en effet suffire pour que les parents ne claquent plus leur enfant. Dans ce cas, la législation est donc efficace en terme d’apprentissage (elle entraîne chez les parents des sensations physiologiques désagréables, sensations que les parents chercheront à éviter par la suite en ne frappant plus jamais leur enfant). Mais là où les choses se compliquent, c’est lorsque la répression prévue par la loi n’a pas valeur d’apprentissage. Parfois, il arrive en effet que les parents recommencent régulièrement à frapper leur enfant, même après avoir été sanctionnés par la justice. Les parents se voient donc à chaque fois ramenés à l’ordre (le législateur est soulagé à court terme), mais ils n’apprennent rien à long terme. Pire encore, les sensations émotionnelles désagréables ressenties par les parents peuvent avoir des conséquences sur leur comportement opposées à celles attendues par le législateur, comme des réactions agressives à l’égard de la société par exemple.

Si parfois la répression prévue par la loi n’a pas une valeur d’apprentissage, c’est principalement parce qu’elle n’enseigne pas aux parents un comportement alternatif plus « convenable ».

Des alternatives aux claques et aux fessées ?

Une réponse alternative à la fessée de la part des parents ne va pas de soi, au même titre qu’une réponse alternative au léchage d’assiette ne va pas de soi pour leur enfant. Si les parents lèvent la main sur leur enfant, c’est qu’à ce moment-là, il s'agit de la sanction la plus efficace, celle qui permet d’obtenir rapidement un bénéfice pour les parents. La fessée n'est pas une sanction « choisie » par les parents, elle leur est « imposée » par le contexte. C'est en quelque sorte la sanction la plus « économique » qui s’applique.

Pour se maintenir, les « bons » comportements des parents à l’égard de leur enfant doivent, eux aussi, être suivis de bénéfices au moins aussi importants que ceux qu’ils obtiennent en frappant leur enfant (échapper rapidement à cette vision intolérable de leur enfant qui lèche son assiette, pour reprendre mon exemple). Interdire les châtiments corporels c'est donc lancer un défi d’apprentissage à certains parents : ils devront soit apprendre à mieux gérer leur frustration face aux comportements de leur enfant qu’ils jugent inadaptés, soit trouver des réponses alternatives à la fessée, mais tout aussi efficaces pour apprendre à leur enfant à ne plus lécher leur assiette.

Malheureusement, il n’existe pas une seule et même recette éducative miracle applicable à tous les enfants pour leur apprendre à ne plus lécher leur assiette et, de manière générale, pour leur apprendre à diminuer leurs comportements inappropriés. Certains enfants ne changeront pas leurs comportements, même après avoir reçu une fessée, mais seront plus sensibles à d’autres stratégies éducatives.

Cela peut justement être le rôle d’une science du comportement que de nous aider à trouver comment, en fonction de chaque situation familiale, nous pourrions apprendre à nos enfants les comportements qui nous paraissent être les plus justes.