Comment la psychologie peut-elle se mettre au service de la protection de l’environnement ?

Shafiu Hussain

Pour comprendre comment la psychologie pourrait aider à vous responsabiliser sur la question de l’environnement, il faut tout d’abord comprendre quelques principes de bases qui gouvernent vos comportements.

Vos comportements sont sensibles à leurs conséquences

En psychologie, et plus particulièrement en science du comportement, nous savons que les comportements sont sélectionnés par leurs conséquences : la relation entre vos comportements et leurs conséquences va déterminer la façon dont ces comportements vont se maintenir… ou pas.

Prenons 2 exemples simples : 

1. Si vous garez votre voiture sur une place et qu’à votre retour, votre voiture n’est plus là car elle a été enlevée par la fourrière, alors il y a de fortes chances pour que vous ne vous gariez plus à cette place à l’avenir.  

2. Vous êtes invité pour la première fois à dîner chez un collègue avec lequel vous vous entendez bien. Si vous aimez la bonne nourriture et que votre collègue vous a préparé un festin, alors il y a de fortes chances pour que vous acceptiez plus facilement une prochaine invitation à dîner chez ce collègue.

En résumé :

L’être humain apprend des conséquences de ses comportements : vous agissez sur votre environnement qui en retour façonne vos comportements futurs.

Ce principe de base de l’apprentissage concerne tous les êtres humains, sans exception.

Ce principe est assez simple à comprendre. Mais en réalité, la science du comportement est un champ de recherche bien plus complexe. Il est impossible de rentrer dans les détails ici, mais pour compliquer un peu les choses, on peut dire que plus les conséquences apparaissent rapidement après vos comportements, mieux vous apprendrez de ces conséquences. Par exemple, les contraventions reçues par courrier plusieurs jours après l’infraction ont beaucoup moins d’impacts sur vos comportements que si la sanction tombe dans les 3 secondes qui suivent l’infraction. D’ailleurs, des expérimentations sont actuellement en cours pour évaluer les effets d’alertes envoyées instantanément par sms sur les smartphones des contrevenants.

En résumé : conséquences différées = perte d’efficacité sur les apprentissages.

L’impact des conséquences immédiates de vos comportements sur la protection de l’environnement

Pour illustrer la façon dont on pourrait mettre à profit ces principes pour mieux protéger l’environnement, voici un premier exemple simple :

Dans cette vidéo, on voit bien comment on peut vous amener à moins jeter vos déchets par terre simplement en manipulant les conséquences de vos comportements. Ironie du sort, cette vidéo qui promeut des comportements responsables en matière d’écologie, a été produite par… Volkswagen.

Prenons maintenant un exemple d’application de plus grande envergure et qui permettrait de vous aider à réduire l’émission de gaz à effet de serre :

Aujourd’hui, nombreux sont vos comportements qui ont un effet sur l’environnement (utiliser votre voiture, prendre l’avion, utiliser des sacs plastiques à la sortie d’un supermarché, faire une recherche sur google, etc.). La plupart d’entre vous le savent. Pourtant, il n’est pas facile de changer vos habitudes, et cela pour au moins une raison : vous ne vous rendez pas compte que vous êtes en train de consommer de l’énergie, celle-ci étant invisible. L’idée est donc de faire en sorte que chacun d’entre vous puisse voir combien d’énergie il utilise en temps réel. Vos comportements étant suivis d’un retour d’information immédiat sur leurs effets sur l’environnement, vous verriez alors vos habitudes changer de façon beaucoup plus significative : « L’étiquetage peut énormément contribuer à relever les défis environnementaux, précisément parce que les concepts sous-jacents sont terriblement abstraits et énigmatiques pour la plupart d’entre nous » (H. Thaler et R. Sunstein, 2010, p.324).

C’est ainsi que pour aider ses clients à économiser de l’énergie, une entreprise américaine a imaginé un système permettant d’informer ses clients sur leur consommation d’énergie en temps réel : l’Ambient Orb est une petite sphère lumineuse qui rougit quand la personne consomme beaucoup d’énergie, et qui verdit lorsque sa consommation diminue. En très peu de temps, les utilisateurs de cet outil ont réduit leur consommation de près de 40%. Par un retour d’information, cet outil permet donc de concrétiser les conséquences de vos comportements sur l’environnement. Vous voyez en effet immédiatement les effets de vos comportements, cela a donc un impact beaucoup plus efficace sur vos comportements futurs.

Une autre société a récemment mis au point un appareil du même genre qui affiche la consommation d’énergie. Les données sont transmises à un site web qui permet de faire des comparaisons avec les autres utilisateurs de l’appareil. Cet appareil a montré des résultas significatifs, non seulement parce qu’il permettait un retour d’information immédiat sur vos comportements, mais aussi parce qu’il est bien connu que vos comportements sont motivés par les normes sociales. Les expériences en psychologie sociale montrent en effet que :

les gens ont tendance à se conformer aux comportements de la majorité.

La pression des pairs, le désir de conformité, ne pas être l’objet de la désapprobation du groupe sont des moyens efficaces pour motiver les changements comportementaux.

le jugement du groupe s’internalise : les individus finissent par penser comme le groupe.

Donc : les groupes unanimes fournissent des modèles puissants pour modifier les comportements.

En résumé, « si l’on trouve des moyens de rendre visible la consommation d’énergie, cela poussera les gens à la réduire sans pour autant les y contraindre » (H. Thaler et R. Sunstein, 2010, p.329). Ce genre de stratégie a été expérimenté et donne de bons résultats car les principes comportementaux qui les sous-tendent (l’effet des conséquences sur les comportements) sont universels.

Autre exemple : jeter moins de détritus

Expérimentation au Texas pour réduire la quantité de détritus au bord des autoroutes (population ciblée : jeunes hommes 18/24 ans) :

1ère stratégie : campagnes couteuses pour convaincre la cible de cesser de jeter leurs ordures >> échec (résultats non significatifs)

2ème stratégie : utiliser la motivation des jeunes (patriotisme important envers l’équipe de football « Dallas Cowboy ») : spot TV des joueurs de l’équipe ramassants eux-mêmes les ordures et grondant « don’t mess with Texas ! »

Résultat : baisse de 29% des déchets la 1ère année, 72% après 6 ans : résultats significatifs et surtout les comportements civiques se maintiennent à long terme.

Autre exemple  : gaspiller moins d’eau dans les hôtels

Un hôtel s’est servi de la motivation de l’être humain à se conformer au groupe pour diminuer le lavage des serviettes de bain et donc mieux respecter l’environnement : l’hôtel a  expérimenté l’affichage dans ses chambres du message suivant : « 75 % des personnes ayant occupé cette chambre avant vous ont utilisé leurs serviettes de toilette plusieurs fois ».

Résultat : l’établissement a réussi à convaincre entre 35 % et 75 % de clients en plus d'utiliser leurs serviettes plusieurs jours de suite.

Pour aller plus loin

Pour celles et ceux qui souhaiteraient en savoir plus sur comment la science du comportement pourrait nous aider à « sauver la planète », je vous invite à lire l'ouvrage d'Eric Singler, "Green Nudge" (Pearson, 2015) qui grouille d'idées pratiques.  

Sources :

Thaler, R. H. et Sunstein T. R. (2010). Nudge. Paris : Vuibert.

Schneider, M. S. (2012). The Science of Consequences. How They Affect Genes, Change the Brain, and Impact Our World. Prometheus Books.