Quels sont les bénéfices d’une bonne claque ?

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Mars 1979 : le Parlement suédois vote presque à l’unanimité une loi interdisant tout châtiment corporel entraînant une souffrance morale ou physique, même légère, chez un enfant.

Mars 2015 : selon le Conseil de l’Europe, la législation française devrait être plus contraignante à l’égard des châtiments corporels infligés aux enfants. Autrement dit, ce que préconise l’organisme européen de défense des droits de l’homme, c’est une interdiction de la gifle et de la fessée.

Ce débat est interminable. Pour mieux définir la valeur morale des gifles et des fessées, et se questionner sur leur législation, voici un petit rappel des principes comportementaux de base en jeu dans les châtiments corporels. Comment apparaissent-ils ? Comment se maintiennent-ils ? Par quoi les remplacer ? Bref, quelle analyse fonctionnelle peut-on en faire ?

Illustration :

Notre fils n’avait pas encore 3 ans lorsque nous avons commencé à le fesser. Nous sommes rapidement passé aux gifles, plus douloureuses et donc bien plus efficaces. Avec un peu de recul, j’admets d’ailleurs prendre un certain plaisir à entendre le son de ma main fouettant sa petite joue. 

Mon mari et moi avons pourtant essayé de faire preuve d’auto contrôle, de modérer nos sanctions et bannir tout châtiment corporel de notre répertoire d’outils éducatifs. Il restait alors à notre disposition la menace, les cris ou encore le chantage. Mon mari a même essayé le harcèlement moral et l’humiliation.

En vain. Rien ne nous soulage plus rapidement qu’une bonne claque.

Les fonctions de la fessée

Cette fiction n'est pas si éloignée de la réalité. Car la fonction première de la gifle ou de la fessée est bien souvent de soulager le parent. Le bénéfice d’une claque profite en premier à son auteur. En neurosciences, on connaît bien les mécanismes neurobiologiques qui sous-tendent ce « soulagement » : empêcher son enfant de lécher son assiette ou de mettre ses doigts dans la prise par exemple déclenche une libération de dopamine chez le parent du fait d'un meilleur ajustement social ou d'une optimisation de la survie de son enfant. Sans ce mécanisme neurologique, pas de transmission chez l'enfant des comportements nécessaires à sa meilleure adaptation.

Le bénéfice pour le parent est directement lié à l’idée qu'il se fait d’une « mauvaise éducation » pour son enfant. Celle-ci dépend notamment de sa propre culture et de son milieu social. Un enfant qui mange avec ses doigts par exemple ne fera pas réagir un parent de la même façon selon son milieu social et culturel.

Bien sûr, la claque ou la fessée ne sont pas les seuls moyens à disposition du parent pour arrêter un comportement qu'il estime inadapté chez son enfant. Il peut aussi lui dire "NON" ou élever le ton de sa voix par exemple. En général, la fessée ou la gifle sont souvent utilisées après que d'autres sanctions non corporelles aient été d'abord essayées sans succès. Mais ce n’est pas toujours le cas : certains enfants ne changeront pas leurs comportements même après une gifle ou une fessée et seront plus sensibles à d’autres procédures éducatives.

Quelle que soit la méthode utilisée par le parent, on parle donc de punition seulement si elle entraîne à l'avenir une diminution du comportement jugé inapproprié et ainsi soulage le parent.

Les effets de la punition

En science du comportement, cela fait environ un demi-siècle que l’on étudie les effets de la punition. Quelle que soit la sanction utilisée pour punir le comportement de son enfant, il s'agit d'une procédure d’apprentissage : l’enfant apprend à ne plus mettre ses doigts dans la prise par exemple. D’un point de vue scientifique, on a démontré que les effets de la punition sont limités par rapport à un apprentissage utilisant des procédures visant au contraire à faire apparaître et favoriser des comportements appropriés. Et cela pour une raison simple : même si la punition permet à un enfant d'apprendre à ne pas agir de façon inadaptée, il n’est pas évident qu'elle lui enseignera des comportements alternatifs plus convenables. Il est donc souvent nécessaire de coupler la punition avec un apprentissage et un encouragement des « bons » comportements.

Une des principales raison de l'efficacité d'une punition est qu'elle entraîne chez l’enfant des sensations physiologiques désagréables, sensations que l’enfant cherchera à éviter par la suite en n'adoptant plus le mauvais comportement. Ces conséquences émotionnelles désagréables doivent être prises en compte lorsqu'une punition est appliquée car elles peuvent avoir des conséquences sur le comportement de l’enfant bien différentes de celles attendues par le parent, comme des réactions agressives par exemple.

Les enjeux d’une législation

En connaissant les mécanismes comportementaux de la claque et de la punition, le problème ne devient donc plus vraiment de savoir s’il est moral ou non de taper son enfant. La question serait plutôt de savoir comment, en fonction de chaque enfant, nous pourrions lui apprendre ce qui nous paraît être juste.

Car il ne suffit pas d'interdire aux parents l'utilisation des châtiments corporels pour qu'ils arrêtent de lever la main sur leurs enfants. Une réponse alternative à la claque ne va pas de soi. Si les parents lèvent la main sur leurs enfants, c’est qu’à ce moment-là, il s'agit de la sanction la plus efficace, celle qui permet d’obtenir rapidement un bénéfice. La claque n'est pas une sanction "choisit" par le parent, elle lui est "imposée" par le contexte. C'est en quelque sorte la sanction la plus "économique" qui s’appliquera.

Interdire les châtiments corporels c'est donc lancer un nouveau défi à certains parents : ils devront trouver des réponses alternatives à la fessée, mais tout aussi efficaces, ou encore apprendre à mieux gérer leur frustration face à des comportements qu’ils jugent inadaptés.