Les élèves stigmatisés réussissent-ils moins bien à l’école ?

vintagevonnie

« Les attentes positives ou négatives des enseignants concernant les capacités de leurs élèves pourraient avoir un impact sur leurs performances ».

C’est à partir de cette hypothèse que deux psychologues américains ont mis au point dans les années 60 une expérience bien connue en psychologie sociale. Il y a plus de 40 ans, Rosenthal et Jacobson supposent en effet que si des enseignants croient leurs élèves plus intelligents qu'ils ne le sont réellement, ces derniers pourraient vraiment devenir plus performants. C’est ce que l’on appelle en psychologie sociale « l’effet Pygmalion », ou prophétie auto-réalisatrice.

L’expérience est la suivante : les deux psychologues font passer un test intellectuel aux élèves d’une classe de primaire. Les instituteurs sont informés des résultats des tests et on leur dit que ces résultats permettent de prédire le développement intellectuel à venir des enfants. En réalité, ce test est bidon. Il est un prétexte pour répartir de façon aléatoire les élèves en 2 groupes : un groupe dit « d’enfants à potentiel » et un groupe « d’enfants sans potentiel ». L’idée étant de créer chez les enseignants des attentes positives envers le groupe « à potentiel ». Pour mesurer l’effet de ces attentes sur les comportements, les auteurs ont fait passer un vrai test de QI aux enfants avant et après l’expérience. Ils ont recueilli également les évaluations des enfants par les instituteurs.

Les résultats de l’expérience confirment l’hypothèse de départ puisque les attentes positives des instituteurs vis-à-vis de certains élèves se traduisent par des notes plus élevées chez ces élèves. Mais le plus surprenant, c’est que les élèves à « haut potentiel » ont vu leur QI augmenter de façon plus significative que l’autre groupe.

Voici comment les psychologues interprètent ces résultats : d’une part, les attentes des instituteurs peuvent biaiser leurs évaluations et faire augmenter les notes. Mais surtout, les instituteurs émettent sans s’en rendre compte des comportements qui développent la confiance et surtout la motivation à apprendre chez les élèves pour lesquels ils ont des a priori positifs. Ces derniers sont traités différemment par les enseignants qui ont tendance, de façon involontaire, à plus les encourager, à faire preuve de plus de patience et à leur donner plus de retours sur leur travail.

Autrement dit, les a priori positifs font augmenter l’attention sociale donnée aux bons comportements des élèves supposés meilleurs. C’est cette attention sociale qui est en grande partie responsable d’une augmentation de leur motivation pour les apprentissages.

Une telle théorie permettrait notamment d’expliquer que des élèves stigmatisés réussissent moins bien à l’école. C’est le cas par exemple des élèves d’origine sociale modeste, les élèves d’origine étrangère ou encore les élèves filles dans les matières scientifiques qui ont la réputation d’être scolairement moins performants. Par « l’effet Pygmalion », les attentes de l’enseignant concernant ces élèves ont tendance à se confirmer. L’enseignant se retrouve alors conforté dans ses a priori, entretenant de façon circulaire la stigmatisation.