Cocaïne, crack ou méthamphétamine : l’addiction en question

AZRainman

Le premier plan gouvernemental de lutte contre la drogue et les conduites addictives vient d’être adopté. C’est l’occasion de s’intéresser à une publication récente et tout à fait originale sur l’addiction : « High Price » de Carl Hart, mélange entre travail de recherche scientifique et autobiographie.

Une partie de la communauté scientifique admet que l’addiction aux drogues est principalement due à l’action de la dopamine stimulant une zone particulière du cerveau, le système de récompense. Cette stimulation est telle qu’elle pousserait de façon irrépressible les consommateurs à reprendre une dose, les rendant alors esclaves du produit. C’est la fameuse expérience du rat dans une cage à qui l’on donne l’opportunité de s’autoadminister de la cocaïne en actionnant un levier : après la première dose, on observe une augmentation vertigineuse du nombre de fois où le rat actionne le levier.

Dans son livre, Carl Hart, professeur à l'université Columbia de New York, propose une théorie différente en émettant l’hypothèse que les drogues ne seraient pas si irrésistibles qu’on pourrait le penser. Après tout, 80 à 90% des personnes qui essaient le crack ou la méthamphétamine ne deviennent pas dépendants. Pour tester son hypothèse, Carl Hart recrute des consommateurs de crack pour une expérience de plusieurs semaines dans une clinique. Au début de chaque journée, les participants se voient offrir une dose de crack. Ils ont les yeux bandés, de façon à ce qu’ils ne puissent pas voir la quantité de produit qu’ils s’administrent. Ensuite, chaque participant a l’opportunité de consommer à plusieurs reprises au cours de la journée la même dose de drogue que celle du matin. Mais à chaque fois qu’on leur propose une nouvelle dose, les expérimentateurs leur offrent aussi la possibilité de choisir une option alternative à la drogue : un billet de 5 dollars ou des bons d’achat. Les jours où les doses de crack sont suffisamment importantes, les participants choisissent de continuer à fumer du crack toute la journée. Par contre, lorsque les doses sont plus faibles, les participants choisissent l’alternative financière.

L’auteur a obtenu des résultats similaires avec la méthamphétamine. Il a observé également que lorsqu’on proposait une récompense alternative de 20 dollars au lieu de 5, tous les consommateurs de crack ou de méthamphétamine choisissaient l’argent à la place de la drogue, quelle que soit la quantité de substance absorbée en début de journée.

samantharachael

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Selon Carl Hart, les participants de son étude « ne correspondent pas à cette caricature de l’addict qui ne plus peut s’arrêter après avoir expérimenté le produit […]. Dès qu’ils rencontrent une alternative à la drogue plus motivante, ils prennent des décisions rationnelles ».

Loin de dire que les drogues sont sans danger, l’auteur tente plutôt de suggérer que dans de nombreux cas de dépendance, la substance addictive jouerait un rôle plus faible que l’environnement dans lequel elle est consommée. Crack et méthamphétamine séviraient particulièrement dans les quartiers défavorisés, non par à cause du pouvoir addictogène de la substance en elle-même, mais plus parce que de tels environnements ne fourniraient pas assez de motivations alternatives. Ainsi, si vous vivez dans un environnement déprivé d’alternatives motivantes, il devient donc « rationnel » de choisir une substance dont les effets pharmacologiques vous procureront beaucoup de plaisir.

Selon l’auteur, le consommateur « esclave » de sa drogue serait donc une interprétation erronée des expériences réalisées sur les rats de laboratoire : les rats qui s’autoadministrent sans modération de la cocaïne n’ont le plus souvent aucune option de comportement alternatif. Par contre, dès que l’on enrichit leur environnement en leur donnant accès par exemple à de la nourriture attrayante ou en leur offrant la possibilité d’interagir avec d’autres rats, ils arrêtent d’actionner le levier.

Pour l’auteur, le facteur clé dans le phénomène d’addiction serait donc l’environnement social, qu’il s’agisse de rats ou d’êtres humains.