La petite tuerie du dimanche : légumes et fruits pré-printaniers, premières asperges du Perthuis, suc de carottes au sirop d’érable

Légumes de saison, asperges vertes, suc de carottes jaunes, sirop d'érable.

L’intersaison hiverno/printanière n’est pas la période préférée des chefs. Le panier de mars et du début avril n’est pas le plus profus. Les jeunes pousses sortent à peine de terre, petits pois, fèves et navets nouveaux, haricots verts sont encore à la nursery, ne parlons pas des courgettes ou des tomates qui n’arriveront qu’au début de l’été. En attendant des jours de cocagne, voilà, pour nous, une assiette juste calée dans l’air du temps, signée Alain Lamaison !

Bien sûr, on peut trouver de tout hors saison, mais je parle ici des chefs qui attendent scrupuleusement les offrandes du rythme saisonnier, et mieux encore de ceux qui louent la proximité de l’approvisionnement. Car il n’aura échappé à personne que l’avril de Nice n’est point celui de Dunkerque, ni celui de Laguiole ou de Val d’Isère. Il y existe donc, en cette France de printemps naissant, de grandes disparités : nos marchés régionaux ne sont pas nés égaux. Cela fait-il du transport rapide des marchandises un élément du lien social ? Un ciment du creuset républicain ? Ou, au contraire, une source d’anéantissement de notre diversité locale ? Ah, décidément, rien n’est simple dans cet hexagone qui hésite devant son destin incertain… Le printemps est une révolution, dans les cuisines, pour le moins, c’est certain.
Mais revenons à nos carottes. Comment faire swinguer une assiette de légumes quand les stars des claquettes sont encore au berceau ? C’est ce que nous propose de réaliser Alain Lamaison, dont les fidèles de ces colonnes connaissent déjà une partie de parcours par un récent article posté la semaine passée.

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Le chef des restaurants de l’hôtel “Les barmes de l’ours” à Val d’Isère est un pragmatique. Plus de trente années de cuisine lui ont donné bien des sagesses, notamment celle de ne pas chercher midi à quatorze heures. Alain Lamaison avance ses recettes comme on pousse ses pions au début d’une partie d’échec : avec expérience et logique. Il part du produit, car nul théorie ne vaut mieux que la rencontre avec la matière. Une fois son panier, sa marée, ses arrivages inventoriés, il commence la construction des associations de saveurs. Pragmatique certes, mais jamais blasé, Alain Lamaison garde une spontanéité inaltérée face aux éléments épars sur son plan de travail. L’émotion est intacte devant ses agneaux venus de la vallée de la Tarentaise : “Il me faut les carcasses entières, précise-t-il.” Parce que, croyez-le ou non, une part de sensualité disparaît quand on reçoit les morceaux déjà détaillés. L’agneau en kit, style Ikea, n’est pas son genre de beauté.

Les légumes de la recette épluchés.

Les légumes de la recette épluchés.

Chef sans ego, c’est lui qui l’affirme, il n’est pas pour autant un chef sans caractère, ni convictions. Sa force tient dans sa capacité à pouvoir surmonter tous les aléas, tous les coups de Trafalgar que ce métier réserve. Alain Lamaison en a vu d’autres… Et c’est avec une main ferme et assurée, qu’il dirige les trois tables de l’hôtel “Les Barmes de l’Ours”. Car, en plus de la table gastronomique étoilée, “La rôtisserie” accueille chaque jour les résidents et les visiteurs de l’hôtel. Chaque jour, sur la broche tournent de belles volailles de l’Ain, des agneaux de Cèze, des cochons de lait de Bigorre, des plats du jour proposent poissons ou Saint-Jacques ; à cela s’ajoute un buffet d’une exceptionnel diversité, où l’on trouve huîtres N°3 de chez Yvon Madec, langoustines, parfois homard, cœurs de saumon frais marinés, tartares de poisson, une multitude de salades de légumes, tomates multicolores et burrata, et de céréales, foie gras des landes, pâtés en croûte, terrines maisons, jambons, des charcuteries de montagne, tous de qualité supérieure. Pour finir, un autre buffet, de desserts cette fois, où l’on peut, au bas mot, choisir parmi une cinquantaine de propositions différentes les pâtisseries du jour, les entremets, les glaces… Un travail immense est réalisé en cuisine pour fournir ce fastueux tableau, digne des dîners baroques.
Enfin, pour que le séjour montagnard soit sans faille, “Le coin savoyard” classiquement mitonne ses raclettes, tartiflettes et fondues, dont une étonnante fondue dite des “Barmes” parfumée au Xérès.
Alain Lamaison aime cet hôtel “Les Barmes de l’Ours”, il y a conquis une étoile, il en a fait sa demeure, il s’y sent bien et nous le fait largement partager, car plus que tout cet homme est un généreux. Sachons recevoir et laissons la neige tomber sur la face de Belvarde qui domine le panorama… Nous aussi, nous nous sentons bien aux “Barmes de l’ours.”

L’adresse : Les Barmes de l’ours*****, hôtel & spa – Chemin des carats – 73150 Val d’Isère – Tél : 04 79 41 37 00 – www.hotellesbarmes.com

leg cuisiné

La recette
Légumes et fruits pré-printaniers, premières asperges du Perthuis, suc de carottes au sirop d’érable

Ingrédients pour 4 personnes
2 navets jaunes
4 salsifis
4 feuilles de chou vert
2 poires
12 asperges vertes
½ potimarron
1 patate douce
5 carottes jaunes
50 gr de beurre
40 gr de raisins secs
½ litre de jus de carottes
5 cl d’huile d’olive
5 cl de sirop d’érable
¼ de litre de bouillon de volaille

Aromates
Baies roses
Coriandre
Anis étoilé
Cannelle

Réalisation

Etape 1 : les légumes.
La veille, faire gonfler les raisins sec à l’eau froide toute la nuit. Eplucher tous les légumes. Cuire les asperges à l’eau bouillante salée, puis refroidir à l’eau glacée. Cuire les carottes jaunes et la patate douce. En faire une purée. Découper les autres légumes en formes géométriques. Les faire suer à l’huile d’olive. Mouiller avec le bouillon de volaille et ajouter les raisins hydratés. Cuire pendante 20 minutes. Faire rôtir dans du beurre les poires coupées en quartiers.

Etape 2 : le jus.
Mettre à réduire le jus de carottes avec les épices, ajouter le sirop d’érable. Passer à l’étamine et réserver.

Etape 3 : le dressage
Déposer deux cuillères de purée au centre de l’assiette, ranger les légumes harmonieusement, ajouter les quartiers de po