France-Suisse : un plateau télé en bleu blanc rouge

Laurent Pichaureaux aurait voulu devenir footballeur, mais sa maman institutrice lui opposa un veto franc et massif. Elle lui intima de chercher un travail susceptible de le nourrir et c’est ainsi qu’il devînt cuisinier. Chef de son propre établissement, “Esens’all”, Laurent Pichaureaux invente chaque jour une cuisine élégante et stylée, tout en gardant intacte sa ferveur pour le ballon rond, comme en témoigne son patriotique fraisier !

Il jouait en Division d’Honneur Régionale (DHR) à Parthenay, ne souriez pas, c’est déjà un joli niveau, et il comptait bien faire carrière. “J’avais un copain qui avait intégré le sport études de Niort, et je voyais les progrès énormes qu’il faisait, se souvient, rêveur, Laurent Pichaureaux. J’avais très envie de suivre le même chemin.” Evidemment, une maman institutrice ne comprend pas toujours les fulgurances de la demi-volée, les arabesques du grand pont, l’ivresse d’une aile de pigeon. Alors, ce fut niet !
Pas du genre premier de la classe, Laurent décide de passer un CAP de cuisine, maman, toujours, le dirige vers un bac pro, qu’il empoche aussi facilement que Benzema tire un péno.
Ensuite, il bourlinguera de brigade en brigade comme le font, de club en club, les footeux. Il jouera notamment en “première division” à Lyon dans les cuisines de la très belle “Villa Florentine”, étoilée sous le règne de Stéphane Gaborieau, un entraineur de caractère ! Puis, il ira “muscler son jeu” à Londres, comme le font beaucoup de jeunes talents, cuisiniers comme footballeurs.
De retour en France, il y a quatre ans, Laurent Pichaureaux crée son restaurant, qu’il baptise “Esens’all”, petite réminiscence de son séjour british et indication d’un esprit : Laurent exprime une réelle sensibilité qui le conduit à l’essentiel. Sa cuisine est épurée, lisible, élégante, ses assiettes marquent un sens de l’esthétique très assuré. Laurent a lui-même réalisé la décoration de la salle et la réussite est totale. Avec une économie de moyens et de matériaux, il signe un espace lumineux où la pureté des lignes n’est jamais froide. Un superbe mur intérieur végétalisé, tout à fait fascinant par les matières et les couleurs des plantes utilisées, rappelle le vœux de Laurent de cuisiner des produits d’une fraîcheur native. “Je n’annonce pas de menu, explique-t-il. Cela peut parfois troubler, mais je ne voulais pas être prisonnier d’un approvisionnement, je veux que tous mes produits soient parfaits, or il se peut qu’un arrivage ne soit pas à la hauteur.” Cette exigence n’a pas aidé à faire connaître son établissement : pas de menu détaillé en façade, difficile donc de se faire une idée du style de cuisine… “Oui, cela a pris sans doute plus de temps, reconnaît Laurent Pichaureaux, mais petit à petit, le bouche-à-oreille a bien fonctionné, quelques articles m’ont également aidé. ”
Désormais, une clientèle fidèle se presse rue Dulong, dans le XVIIème arrondissement parisien. Elle découvre chaque fois une créativité maîtrisée sans cesse en mouvement.
En ce moment, vous pourrez (peut-être) vous régaler d’une gelée de concombre, relevée d’une “chapelure” de saumon fumé, séché, réduit en poudre, assortie d’œufs de saumon sauvage. Joli travail sur les textures, comme sur les couleurs : vert tendre et lumineux de la gelée, orangé du saumon. Superbe contraste de couleurs encore avec des mini betteraves (rouge pourpre) très habilement accompagnées d’une crème de pistaches grillées (vert profond), le tout judicieusement uni par une trait d’huile d’argan. Le filet d’agneau, cuit à la perfection, est entouré d’une feuille de nori. Ce “maki des Cévennes”, si l’on peut dire, est escorté de petits pois et d’une purée de patate douce.
Le plateau télé de Laurent est à son image, on y retrouve la fraîcheur de ses plats avec le simplissime melon Bellota (tant mieux, c’est pas compliqué), son inventivité avec le “sushi“ de volaille (fastoche, également) et son humour avec ce fraisier tricolore (là, c’est un peu plus délicat, mais vive la France, que diable !).

Adresse : Esens’all - 12 rue Dulong, 75017 Paris – Tél : 01 42 27 66 71. http://www.esensall.com

Recettes

Melon et Bellota

Compter un demi melon par personne, le couper en deux puis à l’aide d’une cuillère parisienne, former des billes et les réserver au frais. Au moment de la dégustation, les disposer dans un bol avec, sur le dessus, de fines tranches de Bellota à température ambiante.

Sushi de volaille

Prendre un filet de volaille (140/160g) et le découper en portefeuille, l'assaisonner puis le rouler avec une feuille d’algue nori, l’envelopper à l’aide d’un papier film bien fermement et le cuire soit dans un bouillon d’algues, soit dans une eau salée, à très léger frémissement pendant 6 à 8 minutes, suivant le diamètre du rouleau de volaille. Pour une saveur d’algues plus prononcée, le rouleau (non cuit) peut être préparé la veille.

L'accompagner de chips maison de légumes (panais, betterave, céleri), tailler les légumes à la mandoline à cru, puis les faire frire dans une huile à 180°c, jusqu’à coloration. Bien égoutter sur un papier absorbant et saler légèrement aussitôt.

Fraisier “made in France”

Réaliser une génoise
- 4 œufs moyens
- 120 g de sucre semoule
- 115 g de farine
- 1/4 sachet de levure chimique
- Préchauffer le four à 180°C (th 6).

Mélangez la levure à la farine. Séparez les blancs des jaunes d'oeufs et montez les blancs en neige avec une pincée de sel. Quand ils sont très fermes, ajoutez le sucre et battre encore. Baissez la vitesse du robot et ajoutez d'un coup les 4 jaunes, puis tout de suite la farine et la levure en pluie.
Arrêtez très rapidement le robot pour que la préparation n'ait pas le temps de retomber, versez dans le moule, lissez la surface et enfournez immédiatement pour 20 min. Démoulez tiède et attendez que le gâteau soit refroidi pour le trancher dans l'épaisseur.

Réaliser une Crème au beurre vanille
- 4 jaunes d'œufs
- 140 g de sucre
- 30ml d’eau
- 1 gousse de Vanille
- 200 g de beurre pommade.

Dans une casserole placez le sucre mouillé avec l’eau et cuire jusqu’à 117 degrés, si vous n’avez pas de thermomètre à sucre, laissez cuire le sirop jusqu’à l’apparition de grosses bulles.
Fouettez les jaunes d’œufs et ajoutez progressivement le sirop encore chaud en filet, puis fouettez à vitesse moyenne pour éviter la projection du sirop chaud, continuez à fouetter, cette fois, à grande vitesse jusqu’à refroidissement du mélange, incorporez alors le beurre en morceau tout doucement, le batteur doit être à vitesse moyenne, grattez la gousse de vanille et incorporez au mélange, remettre le batteur à vitesse rapide jusqu’à complet refroidissement.
Ensuite garnir la génoise tranchée avec la crème au beurre en parsemant quelques fraises découpées, puis terminer avec une seconde tranche de génoise et couvrir avec de la pâte d’amande nature ou colorée de bleu, de blanc et de rouge (colorants alimentaires disponibles dans le commerce).