La petite tuerie du dimanche du Saint-Joseph : marbré de boudin noir, foie gras, golden

La gastronomie française est-elle en déclin ? Question récurrente à laquelle chacun, selon son désir de faire de la mousse, répondra différemment. Pour ma part, je préfère aller dîner dans un de ces lieux sentinelles, où l’on peut venir prendre le pouls de la cuisine tricolore aussi sûrement que Louis Jouvet au chevet des malades de Saint-Maurice. A la Garenne-Colombes,le Saint-Joseph est un de ceux-là.

Les gens bien portants sont des malades qui s’ignorent”, vous vous souvenez de cette sentence signée Knock ? Certains, aujourd’hui, rejouent la pièce avec pour patient la gastronomie française. Est-ce que ça nous chatouille ? Honnêtement, cela nous chauffe les oreilles…
L’élection des 50 meilleurs restaurants du monde, où la France brille peu, serait un symptôme ? Rien ne désigne mieux la maladie (à un hypocondriaque) qu’un thermomètre cassé… Mais le piège est tendu. Si vous ne vous penchez pas sur la courbe de température, on vous taxera d’inconscience, d’angélisme naïf, de patriotisme borné. Il est vrai que l’herbe est toujours plus verte dans le champ du voisin… Mais est-elle meilleure ? Nous avons payé pour savoir qu’il faut se méfier des “colorants”, souvenons-nous de certaines cuisines “so trendy” qui ont envoyé leurs clients à l’hôpital, par dizaine ! Allô docteur Knock ?
Bref, comment allons-nous ? Quand la question me taraude, je vais, stéthoscope en main, dans un de ces bistrots où le patron s’applique, chaque jour, à sortir des plats d’une sincérité d’airain, cuirassés de produits authentiques, signés des meilleurs fournisseurs.

Bonne âme

J’aime ainsi aller à la Garenne-Colombes. Le nom déjà est une proposition gourmande, la Garenne-Colombes, cela chante à l’oreille, et peu importe que la ville soit aujourd’hui à l’ombre des tours de la Défense... La poésie des mots s’en moque.
On ira donc au Saint-Joseph l’âme réjouie, car là-bas, dans cet ouest parisien, Denis Jublan concocte une cuisine qui vous va droit au cœur. Elle est simple, généreuse, précise, elle vous fait, midi et soir, comme une parade des meilleurs producteurs et fournisseurs : viandes du fameux Hugo Desnoyer, légumes de la non moins fameuse Annie Bertin, beurre Bordier, pain Poujauran, et boudin noir de Christian Parra. La crème des crèmes…
Rien de bien compliqué, mais comment ne pas se régaler d’un simple pavé de veau de lait, cuit à la perfection, moelleux, juteux, caramélisé dans ses sucs et bardé d’une ribambelle de petits légumes printaniers al dente ? Comment ne plus se retenir de plonger son bout de pain dans une cassolette d’escargots de Bourgogne, chorizo et champignons, dont la sauce vous rend dingo ? Et ces frites ! Des frites taillées à la main, des petites, des grandes, des maigres, des grosses, rien de calibré, de la diversité. De la frite républicaine et démocratique !
Et la bonne musique de Denis Jublan pourrait vous séduire également avec une fricassée de volaille des landes à la crème, ou encore un dos de bar rôti au beurre vanillée… Et que dire de son pain d’épices perdu (de la maison dijonnaise Mulot Petitjean) crème glacée, sinon qu’il vous plonge dans un bonheur régressif si puissant que vous n’attendez plus que l'on vous prenne par la main pour aller jouer à la marelle.
De saison en saison, Denis Jublan décline son calendrier savoureux, sachant alterner les plats les plus canailles, pressé de joue de bœuf en pot au feu, ou marbré de boudin noir, foie gras, golden, avec les plus sages, carpaccio de betteraves colorées, huile de pistache, ou rémoulade de céleri, pomme granny, chair de crabe.
Vous ressortez du Saint-Joseph l’âme fraîche comme un Jésus, le bon dieu n’a toujours pas rendu son rond de serviette, et la cuisine française se porte bien, merci.

L’adresse : Le Saint-Joseph - 100 bd de la République - 92250 La Garenne-Colombes - Tél : 01 42 42 64 49.

La recette
Marbré de boudin noir, foie gras, golden

Ingrédients
1 boîte de 800 gr de boudin de Christian Parra (en vente sur le site d’Anne Rozès www.anne-rozes.com)
350 gr de foie gras mi-cuit
2 à 3 pommes golden selon les goûts

Réalisation
Tailler une brunoise dans la chair des goldens. Faites revenir dans un peu de beurre les cubes de pomme, puis ajouter le boudin noir et laisser fondre en l’émiettant avec une fourchette. Tailler des cubes d’un centimètres et demi de côté dans la terrine de foie gras mi-cuit.
Dans une terrine, poser une couche de boudin noir, puis placer des cubes de foie gras, recommencer l’opération jusqu’au bord de la terrine. Placer un poids sur le dessus et laisser au froid pendant 24 heures. Servir avec un chutney et une salade de mesclun.