La petite tuerie du dimanche de Maguey : magret de canard, ganache chocolat noir acidulée, céleri, poivrades

Maguey, je vous en ai parlé il y a quelques semaines : pas de menus, mais des mots qui décident de votre dégustation. Quatre adjectifs, que l’on associe deux à deux pour quatre menus surprises. Nous avions découvert la première carte et, derrière le concept séduisant, on sentait une cuisine encore en gestation, les promesses étaient là, comme une adolescence à épanouir.

Pour en avoir le cœur net, nous sommes retournés chez Maguey, voir si le temps faisait son effet. La première fois, c’était il y a quelques mois, Maguey venait juste d’ouvrir et le principe d’un menu surprise juste piloté par deux adjectifs avait excité notre curiosité. L’idée de Shu Zhang, la propriétaire créatrice des lieux, fonctionnait vraiment bien, sous des propositions comme “percutant & malicieux” se cachaient notamment des Saint-Jacques marinées à la noix de coco et citron, noix et menthe ; puis suivait un encornet grillé, variation de courges, mousse d’avocat et concombre, combava ; un mi-cuit chocolat noir, cœur de citron vert concluait le tout…
L’ensemble des menus tenait la route, mais on percevait ça et là un peu de timidité dans les assaisonnements, quelques raccourcis, des intentions dévoilées mais pas totalement affirmées. Il y avait une certaine verdeur, quelques associations plus démonstratives que pertinentes. Oui, comme une adolescence au caractère parfois trop exubérant et, aussi, parfois trop indécis. Mais du charme, indéniablement ! Un rodage, comme on dit…
Trois mois plus tard, nouvelle carte, nouvelles propositions. Cette fois, “arrogant ou aimable”, “chaleureux ou rusé”, guident notre choix. A nous de les combiner à notre guise “arrogant & chaleureux”, “aimable & rusé”, ou encore “arrogant & rusé”, “aimable & chaleureux”.
De nouveau, ces duos ouvrent sur des menus étonnants, sur des rencontres surprenantes. Autant le dire sans plus tarder, les petits écarts de jeunesse sont de lointains souvenirs. Cette nouvelle carte est une réussite, un vrai sans faute. Une des propositions, dont je ne dévoilerai pas les deux clés, offre en préambule des ravioles de crevettes, associées au kimchi (un chou fermenté et pimenté, d’origine coréenne) tempérées d’une émulsion de coquillages. Un magnifique équilibre entre la gourmandise ouatée de la raviole et la chaude tonicité du kimchi, une sensation marine sous un plein soleil rouge.
Le temps de revenir sur terre, et un magret de canard déboule, princier, “bijouté” de deux grenats taillés dans une ganache de chocolat noir, acidulée d’un trait de vinaigre de Banyuls : brillant cortège, tendu et drapé de velours… Pas de répit, le dessert est de la même veine. La mousse de yaourt, caramel d’olives noires, kumquats pochés au safran est une damnation.
Un plaisir de bout en bout et Shu Zhang assure que la troisième carte, en cours de finition, lui a permis de corriger encore les quelques défauts notés sur le deuxième opus. Pour notre part, ils nous ont échappés…

Adresse : Maguey - 99, rue de Charenton - 75012 Paris - Tél : 09 81 09 48 92. Menu sensations (le soir uniquement) : 38€.

Recette
Magret de canard, ganache au chocolat noir acidulée, mousse de céleri et poivrades au vinaigre

Ingrédients pour quatre personnes

2 magrets

Ganache au chocolat
17,5 cl de vinaigre de Banyuls
50g de beurre doux
50g de chocolat noir

Mousse de céleri
200g de céleri rave
50 cl de lait entier
100g de beurre

Artichauts poivrades au vinaigre
4 poivrades
1 c à c de grain de coriandre
1 c à c de poivre blanc
1 feuille de laurier
5 cl de vinaigre blanc
10 cl de vin blanc moelleux
15 cl d’eau

Réalisation
Ganache chocolat
Réduire le vinaigre jusqu'à 5 cl, et mettre au bain-marie. Incorporer le beurre en fouettant. Incorporer le chocolat. Refroidir sur de la glace en fouettant.

Mousse de céleri
Emincer le céleri. Faire suer dans le beurre. Ajouter le lait et faire cuire 20 minutes. Mixer pour obtenir une mousse très fine.

Artichauts poivrades au vinaigre
Tourner les artichauts, c’est-à-dire retirer les feuilles vertes pour ne garder que le cœur. Les faire suer dans une sauteuse avec un peu d'huile pour colorer. Ajouter les graines de coriandre, le poivre blanc, le laurier. Arroser avec le vinaigre de vin blanc et faire réduire. Ajouter l'eau, porter à ébullition, assaisonner. Laisser frémir 5 minutes, puis laisser refroidir. Au moment de servir, les tailler en chips et les colorer dans une poêle.

Magrets

Griller les magrets côté peau (5/6 minutes) jusqu'à obtention d’une peau grillée et croquante, retourner coté chair pour colorer (1 minute), finir la cuisson au four à 95° pendant cinq minutes (plus ou moins si vous aimez très rosé ou à point).

Dressage

Poser une bonne cuillère de mousseline sur le fond de l’assiette, parsemer de chips de poivrades, disposer un demi magret coupé en trois portions, puis ajouter deux petites quenelles de ganache.