Sébastien Chambru : retour au pays tant aimé

Sébastien Chambru @Matthieu Cellard

Sébastien Chambru est heureux comme Ulysse… Après un long voyage qui l’aura conduit jusqu’au Japon, en passant par le Nord (la brasserie Paul Bocuse à Lyon), puis par le Sud, à Mougins exactement (Au Moulin de Mougins ), il vient de poser ses bagages en famille à Fuissé, commune merveilleusement vigneronne, où les rangs de vignes partent à l’assaut de l’église comme le font les marées en baie du Mont Saint-Michel vers l’abbaye.
Meilleur ouvrier de France, étoilé Michelin à Mougins, Sébastien Chambru aurait certainement fait le bonheur de nombreuses tables gastronomiques, hôtels prestigieux, palaces français ou étrangers. Mais non, c’est à Fuissé qu’il souhaitait ouvrir sa maison, tout près d’où il est né, au pied de la roche de Solutré.
Il faut certainement avoir le cœur fidèle et du caractère pour s’établir ici, dans un village qui compte 350 habitants. La région est évidemment splendide… Un cirque naturel où se découpe la silhouette de la célèbre roche, rendez-vous des amateurs de paysages bourguignons. Pays où les amoureux du chardonnay “goulotent” un vin doré, parfois tendu et minéral, parfois gras et profond, selon l’endroit.
Mais le touriste, en hiver… « Je sais, répond Sébastien Chambru quand on évoque ce choix franchement téméraire, et donc certainement bourguignon, de s’installer si loin des grands centres lumineux… C’est le prix de ma liberté. » C’est tout !
L’envie de se retrouver, de mûrir un travail personnel, de livrer aussi ce qu’il a compris du monde parcouru. Du Japon, il a retenu et gardé un profond respect du produit : « Voyez-vous, là-bas, toute chose est précieuse, dit-il. Je me souviens des brins de ciboulette bien alignés dans du papier de soie, lui-même enfermé dans une boîte. Ici, la ciboulette arrive en botte étranglée par un élastique… »
Pour sa cuisine, très biographique, il puise l’inspiration dans ses souvenirs, ses émotions gardées précieusement dans le papier de soie de sa mémoire. Sébastien Chambru est un contemplatif, il aime ce recueillement silencieux qui saisit l’âme. « La justification de mon métier, assure-t-il, c’est le cèpe cueilli le matin même que j’offre quelques instants plus tard. C’est dans l’émotion suscitée par la matière, par son rapport fugace au temps, que se trouve le timing de la création. »
Très intello, Sébastien ? La raison froide n’est pas son orient : « Je ne peux pas m’assoir derrière une table et composer une recette. Impossible. Il faut un contexte émotif et un peu de pression, pour que tout se mette en place. »
Sébastien nous fait voyager, nous aussi. On ira au Japon avec lui et un poulpe grillé, juste laqué de soja et de mirin (un saké doux), quelques légumes marinés, acidulés, jeu de couleurs, subtil rouge de la betterave crue, vert lumineux et tendre des choux nouveaux. On foulera les feuilles d’automne des bois de Solutré en puisant à la cuillère un foie gras poêlé et son jus de veau onctueux, infiniment parfumé de cèpes et de jambon Pata Negra. La saison encore et toujours avec un dos de bar rôti quelques girolles et un carpaccio de courge butternut, magnifique et hardie variation de textures.
La liberté que s’offre Sébastien Chambru est belle à voir et à goûter, l’assiette est d’une totale lisibilité, le propos est direct, franc, poétique et fortement gourmand.
N’hésitons pas à quitter les grands axes et les centres lumineux, le bonheur est à Fuissé. Sébastien Chambru le savait avant nous…

Restaurant : L’O des vignes, rue du Bourg – 71960 Fuissé – Tél : 03 85 38 33 40