C’est la foire au vin : mangeons chez notre caviste !

De la bouteille à l’assiette. Le phénomène est fréquent… Depuis une grosse dizaine d’années, il va même en s’accélérant : les cavistes se muent peu ou prou en restaurateurs. L’inverse est moins observé.
Cela commence par des assiettes de charcuterie, un plateau d’huîtres, peut-être même des tapas maison, histoire d’honorer la venue d’un pote vigneron, d’accompagner de façon gracieuse une dégustation spéciale ou encore de présenter sous son meilleur jour une appellation mise en vedette. La clientèle apprécie et, peu à peu, l’impromptu devient rendez-vous régulier. L’habitude s’installe et l’on franchit le pas presque sans s’en apercevoir.
Si le caviste a la fibre cuisinière, il peut même créer un vrai restaurant, il lui faut pour cela un peu d’espace, mais pas trop. Regardez le célèbre “Verre volé” à Paris, ou encore “La cave est restaurant” à Montreuil, il ne suffit pas de beaucoup de mètres carrés pour additionner liquide et solide. Le principe est simple, le client choisit une bouteille qui va bien parmi toutes celles proposées par le patron (avec sa casquette de caviste), il vous la sert sur la table (avec sa casquette de restaurateur), et entre les deux la bouteille a pris quelques euros. Cela s’appelle le droit de bouchon. Au “Verre volé” il est de 7 euros, et à “La cave est restaurant” de 10 euros.
Ce qui finalement met la bouteille légèrement moins chère que dans un restaurant classique. Mais c’est toujours mieux que les vins servis au verre. « Il faut compter une marge de 7 à 6 en moyenne sur le prix d’achat pour les entrées de gamme, explique Gérard Antoine, le président de la Fédération Nationale des Cavistes Indépendants. Voilà pourquoi de nombreux cavistes ont franchit le pas, ils peuvent appliquer des coefficients multiplicateurs beaucoup plus importants dans leur bar à vin que dans leur cave. Financièrement c’est simple, une bouteille écoulée dans le bar à vin rapporte environ 4 à 5 fois plus de trésorerie que celle vendue dans la cave… » CQFD !
Bon, on l’aura compris, l’objectif ne sera pas de réaliser l’affaire du siècle en mangeant chez votre caviste. Mais il reste de très bonnes raisons de pousser leurs portes. La première, c’est le choix très large des vins. La carte, c’est le stock de la boutique ! Ou, si le caviste n’ouvre pas toutes ses références à la dégustation, il en fait une sélection qui rassemble les bouteilles bonnes à boire sur le moment. Deuxième bonne raison, une grande partie de ces cavistes-restaurateurs sont souvent des partisans farouches de la cause nature. Entendez par là qu’ils privilégient le travail de vignerons cultivant en biodynamie, qui utilisent le minimum de souffre possible lors de la vinification. Bref des faiseurs de vins digestibles et vivants. C’est ainsi le cas de l’excellent “Vercoquin” à Lyon qui propose une carte époustouflante des plus célèbres chantres du naturel, avec notamment les vins du pionnier jurassien Pierre Overnoy, aujourd’hui relayé par Emmanuel Houillon. Enfin, troisième bonne raison : il y a de fameuses tables qui vous apportent un vrai plaisir de gastronome.
C’est le cas chez Thierry Petit. Il a ouvert le restaurant à côté de sa cave, il y a dix-neuf ans, à Dourdan. A cette époque, ce n’était pas tout à fait encore la mode. « Oui, reconnaît-il, on n’était pas nombreux, il y avait Jacques Mélac à Paris qui fut sûrement un des initiateurs du phénomène. »Thierry Petit est un homme passionné de vins sincères et authentiques. Ils sont d’ailleurs le plus souvent natures, mais Thierry n’en fait pas pour autant un argument marketing, il vend et sert les vins qu’il aime, c’est tout ! Bouteille, pot ou vin au verre, toutes les déclinaisons sont possibles. Côté cuisine, c’est du solide et du très convaincant. Thierry Petit se fournit chez les meilleurs producteurs de Rungis, charcuterie, volaille, légumes, ses choix sont toujours ceux de la belle qualité. Là aussi, il recherche la sincérité et l’authenticité. Alors, n’hésitez pas, si vos promenades vous entraînent vers Dourdan, face au château vous trouverez un bonhomme à qui parler, des vins qui vous réjouiront et une cuisine qui saura vous séduire par son action directe sur vos points faibles…
Retour sur Paris, et bien dans son époque, un petit nouveau dans le quartier Montparnasse : “Léo Dupont” qui s’est bombardé marchand de vin restaurateur. Restaurateur, je veux bien mais marchand de vin, il y a une marge… Si une simple petite bibliothèque remplis de quelques flacons suffit à se dire marchand de vin, c’est que l’on est soit face à un étrange phénomène de modestie, soit confronté à une sorte de folie des grandeurs, cela dépend du point de vue. L’atmosphère du lieu est agréable, un ancien atelier d’artiste joliment décoré, la table est sans grand défaut et sans grandes émotions, l’éventail des vins judicieux mais restreint, alors si vous aimez vous restaurer d’air du temps, c’est l’endroit !
Plus rigolo : “En vrac” ! Une sympathique cave restaurant du XVIIIème parisien, qui est aussi un joli retournement de situation. Je m’explique. La consommation du vin a complètement basculée à la fin du siècle dernier. La plupart des cavistes avaient une activité importante de vins en vrac. Les clients venaient, généralement dans l’arrière boutique, remplir leurs litres ou leurs cubis directement au sortir d’une grande cuve d’inox. C’était pas cher, c’était pas très bon non plus. Aujourd’hui, la consommation de vin s’est réduite au profit de vins de meilleure qualité, des vins bouchés. C’est ainsi que les cavistes démontèrent progressivement leurs cuves d’inox. Mais pas Thierry Poincin qui prend tout le monde de revers avec son “En vrac”, créé en 2011, où il propose des vins “à la tirette” signés par des vignerons “natures”, ceci à des prix très doux. Du vrac élégant. On peut aussi y casser la croûte, les vins sont vendus au verre.

La recette
La tomate farcie de Thierry Petit

Pour réaliser une dizaine de tomates
Ingrédients
Une dizaine de tomates à chair ferme
1 jarret de veau
½ pied de veau
150 grammes de chair à saucisse
½ litre de bouillon de légume
2 tranches de pain
1 carotte
1 oignon
1 gousse d’ail
3 cuillères à soupe de ras el hanout
2 cuillères à café de cumin
3 cuillères à soupe de soja sauce
4 ou 5 queues de persil
Un verre de vin blanc sec

Préparation
Faire mariner à sec le jarret et le demi pied de veau avec les épices pendant une heure. Faire colorer la viande dans un sautoir avec les légumes coupés en petits dés et les queues de persil, déglacer avec un verre de vin blanc sec, ajouter la sauce soja, arrêter la cuisson quand la viande est dorée et laisser mariner dans les jus de cuisson pendant une nouvelle heure. Mettre le sautoir au four en ajoutant le bouillon de légumes et laisser cuire 6 heures à 130°. Une fois cuite, effilocher les chairs et les hacher, puis les mélanger avec la mie de pain et les 150 grammes de chair à saucisse. Vider les tomates, farcir et assaisonner de bon goût. Enfourner à 160° pour une heure, arroser régulièrement avec le jus de cuisson que vous avez ajouté en début de cuisson. Au bout d’une heure, sortir les tomates les disposer dans des assiettes avec du riz ou une écrasée de pomme de terre. Faite réduire le jus restant dans le sautoir pour le rendre sirupeux. Verser un cordon de jus autour des tomates.

Les adresses
• Le bistrot de la cave – 46 rue de chartre – 91410 Dourdan – Tél : 01 64 59 44 64
• Le verre volé – 67 rue de Lancry - Paris 75010 - Tèl : 01 48 03 17
• Melac – 42 rue Léon Frot – Paris 75011 - Tél : 01 43 70 59 27
• Léo Dupont – 16 rue de la grande chaumière – Paris 75006 – Tèl : 01 43 29 43 31
• Le ver-coquin – 33 rue de la Thibaudière – Lyon 69007 – Tèl : 04 78 69 43 87
• La cave est restaurant – 45 rue de Paris – Montreuil 93100 – Tèl : 01 42 87 09 48
• En vrac - 2 rue de l'olive - Paris 75018 - Tèl : 01 53 26 03 94