Economie française: 5 graphiques qui vont vous étonner

Chaque année, aux USA, le Council of Economic Advisors (dont la version française est le Conseil d'Analyse Economique) publie un rapport sur l'état de l'économie américaine. L'édition 2015 comporte une section consacrée à la situation économique de la classe moyenne américaine. On y trouve des graphiques comparant l'économie américaine à celle des principaux pays développés. Si le rapport se concentre sur l'économie américaine, ce que ces graphiques montrent de l'économie française casse bien des idées reçues. Jugez plutôt:

Evolution du revenu moyen

 

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Ce premier graphique indique l'évolution du revenu moyen des 90% les moins riches (donc, en excluant les 10% les plus riches). On y constate que la France est dans le groupe des pays dans lesquels celui-ci a le plus augmenté. On voit aussi que les classes moyennes ont plutôt bien résisté à la crise de 2007, contrairement à la baisse sensible observée aux Etats-Unis. Qu'est-ce qui détermine ce revenu moyen?

Croissance de la productivité du travail

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La productivité du travail augmentait à un rythme élevé dans les années 60 et 70, mais elle ralentit depuis, expliquant la chute de la croissance en France depuis les années 70. On peut noter de ce point de vue que la France ne se distingue guère des autres pays: elle ne semble faire ni mieux, ni significativement pire que l'essentiel des autres. A noter, la stagnation spectaculaire de la productivité en Grande-Bretagne. Au cours de la période récente, les USA font un peu mieux que les autres; mais qui en a bénéficié?

Part du revenu des 1% les plus riches

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Ce n'est pas une surprise, mais l'essentiel des gains de revenus de la période récente, aux USA, a été captée par les 1% les plus riches. Vous constaterez que cette part est en France la plus faible des pays considérés. Vous noterez aussi la tendance depuis 2005, en comparant avec l'Allemagne; la part a baissé en France et considérablement augmenté en Allemagne.

Taux de participation

Mais la vraie surprise porte sur le marché du travail. Ce n'est pas une découverte: le taux de chômage français est très élevé, l'un des plus élevés des pays considérés: 10.8%, contre 5.5% aux USA, 7% au Canada, 12.4% en Italie, 4.5% en Allemagne, 5.6% au Royaume-Uni, 3.3% au Japon. Mais le taux de chômage n'est pas un indicateur idéal du sous-emploi; rappelons qu'il représente la proportion de chômeurs parmi les actifs, les actifs étant les travailleurs plus les chômeurs. De ce fait, il exclut les chômeurs découragés : les gens qui renoncent à chercher du travail (et donc, cessent d'être considérés comme chômeurs).

Pour prendre en compte ces derniers, on utilisera plutôt le taux de participation, c'est à dire la proportion des gens économiquement actifs - soient ils travaillent, soient ils cherchent activement du travail - parmi la population en âge de travailler. Pour les hommes, le graphique est le suivant:

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La tendance est pour l'essentiel à la baisse du taux de participation masculin dans ces différents pays. Mais on peut noter que celui-ci est élevé en France, dépassée seulement par le Japon, et très bas aux USA. Il s'est même effondré depuis la crise, atteignant le niveau de l'Italie. Et cela ne se fait pas au détriment de l'emploi féminin, au contraire:

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Le taux de participation des femmes au marché du travail est en France le plus élevé des pays étudiés. En cumulant ces deux taux d'activité, et leur faible niveau aux USA, on peut noter que les 5% de différence de chômage sont en bonne partie expliqués par les gens qui sont sortis du marché du travail aux USA. En d'autres termes, en France, les chômeurs restent chômeurs parce qu'ils ont l'espoir de retrouver du travail et cherchent encore; aux USA, les mêmes personnes ne cherchent même plus.

Le faible taux de participation féminin aux USA s'explique par le faible développement des systèmes de garde d'enfants, principal déterminant dans tous les pays de l'activité féminine. Pour les hommes, on peut citer l'importance aux USA de la population carcérale, et le fait qu'avoir subi une peine de prison rend extrêmement difficile le retour à l'emploi et à une vie sociale normale, un fait bien documenté par la sociologue Alice Goffman.

On l'a déjà dit ici: la France ne se sort pas si mal de la crise. Au lieu d'être systématiquement catastrophiste, pour légitimer des agendas politiques en les camouflant sous le redressement national, on ferait mieux d'être un peu lucide; ce n'est guère mieux ailleurs.

Et il y a des pays dans lesquels c'est nettement pire. Regardez juste où se situe l'Italie sur ces graphiques...