"Ma transsexualité n'a pas déterminé mon choix de carrière"

Darla Lannert, transsexuelle de 64 ans, a porté son ancien prénom d'homme durant 49 années, dont 3 pendant son service dans la marine américaine. Depuis l'annonce de Donald Trump, mercredi, interdisant l'accès aux personnes transgenres dans l'armée, l'ancienne militaire du Wisconsin ne décolère pas. 

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Lors de son entrée dans la marine en 1970, Darla portait encore son nom de garçon, Rick.

Comment avez-vous reçu l'annonce de Donald Trump ? 

J'étais sous le choc car cette déclaration n'est rien de plus qu'un acte discriminatoire contre une population déjà marginalisée.

Etre transgenre n'a aucun rapport avec notre travail. Si je me suis engagée dans la marine, c'était par amour pour mon pays. Je voulais me rendre utile en le protégeant. Ma transsexualité n'a pas déterminé mon choix de carrière.

Publier ce dossier sur Twitter était-il un acte approprié ?

Outre l'annonce elle-même, c'est la façon dont le président l'a communiquée qui me scandalise le plus. Trois tweets sur internet... j'ai l'impression de voir mon petit-fils de 8 ans derrière son ordinateur en train d'écrire des sottises, sans même penser aux conséquences de ses actes. Le comportement insensé de Donald Trump donne l'impression qu'il s'est réveillé un matin en se disant : "Je vais twitter quelque chose de stupide et on verra bien les réactions que cela va susciter". C'est le président des Etats-Unis tout de même ! Son attitude est vraiment irrespectueuse envers le peuple américain et, en particulier, la communauté transsexuelle.

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En 2002, Darla a jeté ses affaires d'homme et assumé au grand jour son identité de femme.

Le principal motif évoqué par Donald Trump est le coût financier, cela vous semble justifié ? 

Mon dieu, non ! Officiellement, il y aurait actuellement environ 15 000 personnes transgenres en service dans l'armée. Le coût de leurs traitements hormonaux s'élève à 8 millions de dollars par an. Cette somme ne représente qu'un faible pourcentage du budget de l'armée.

Chacun vit différemment sa transition. La plupart des transgenres n'ont pas recours au changement de sexe, possible grâce à une opération chirurgicale. Il faut compter entre 25 000 et 30 000 dollars (21 000 à 25 000 euros) sans prise en charge de la part des assurances. Un tel montant freine forcément les petits porte-monnaie.

La Marine est un monde réputé viril, comment y avez-vous vécu votre transsexualité ? 

J'ai servi mon pays dans le silence et le secret. Je me suis engagée à 17 ans, en janvier 1970, pendant trois ans dont 20 mois au Vietnam. Je n'ai jamais parlé de ma transsexualité à qui que ce soit jusqu'en 2002. J'avais peur pour ma vie, d'être tuée, mais également d'être exclue de la Marine sans ménagement. J'ai aussi été victime de maltraitance et d'abus sexuels en exercice.

De mon temps, le sujet était tabou et méconnu. Je n'avais pas les mots pour décrire ce que je ressentais. J'avais ce sentiment d'être la seule personne dans ce cas et que personne ne pouvait me comprendre. J'ai peut-être rencontré des personnes transgenres pendant mon service. Je ne sais pas. Elles ont gardé le silence, comme moi.

Yelen BONHOMME-ALLARD