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Le mouvement des gilets jaunes vu et décrypté par la presse américaine

Ce samedi 8 décembre, les gilets jaunes passaient à l'Acte 4. Un quatrième week-end de contestation que la presse américaine a suivi de très près. Pour les États-Unis, le rassemblement initialement engendré par la hausse des taxes sur le carburant, est plus largement devenu un mouvement anti-gouvernement.

Le Boston Globe retient la violence, les barricades et les gaz lacrymogènes utilisés par la police pour « contrôler la foule ». « La tactique policière, cette fois plus agressive, a montré un changement de stratégie par rapport aux semaines précédentes ». Vu d'outre-Atlantique, l'ambience qui règne à Paris s'apparente bien à une guerre civile : « Nombreux sont les habitants de quartiers aisés à avoir quitté quitté la capitale par précaution ».

Pour The New-York TimesParis brûle et se souvient des violentes manifestations de mai 1968. D'après le quotidien, « Emmanuel Macron, affublé du surnom de "Président des riches", et son gouvernement, doivent accorder une plus grande attention à la France périphérique, celle qui ne vient ni de Paris ni des grandes villes ». 

Stephane Mahe/REUTERS

Le journal s'attarde ensuite sur le rôle des réseaux sociaux à l'heure des grands rassemblements : « Le pouvoir qu'ont les réseaux sociaux de faire monter rapidement une colère généralisée, sans aucun mécanisme de dialogue ou de retenue, constitue un danger auquel une démocratie libérale ne doit pas céder. (...) Emmanuel Macron et le Parlement ont été élus démocratiquement. Les réformes qu’ils poursuivent, tant en France que dans l’Union européenne, étaient ce qu’ils avaient ouvertement promis lors de ces élections et c'est ce dont la France avait besoin », conclue le New-York Times.

Cette analyse rejoint en partie celle du Boston Globe : « Le mouvement du gilet jaune ne suivant aucune direction claire, personne ne savait réellement ce qu'il allait se passer samedi. Des milliers de personnes discutaient de leurs opinions sur une myriade de pages Facebook. Les vidéos de la police attaquée par les manifestants d'un côté, et celles des violences policières contre les manifestants de l'autre, ont alimenté de nouvelles tensions ». 

Une crise nationale 

Dans un article de Penn Live, média basé dans l'État de Pennsylvanie, on s'interroge sur comment le mouvement social a pu se transformer en une grande crise nationale. La genèse du mouvement trouverait sa source dans l'Histoire des mouvements protestataires français : « En France, la révolte de travailleurs a une longue histoire. Les révolutions de 1830 et 1848, la Commune de Paris en 1871, la grève générale d’août 1944 qui a contribué à libérer Paris des Nazis, mai 1968... : En France comme nulle part en Europe, descendre dans la rue pour protester est une tradition (...)  Quand les casseurs incendient des voitures et cassent des pavés dans les rues, ils imitent  l'occupation « soixante-soixante-huitarde » de la Sorbonne ». 

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Mais même si le mouvement social a conduit à une crise nationale d'envergure, Penn Live ne prédit aucune amélioration avant une meilleure organisation du mouvement des gilets jaunes : « Macron et son gouvernement sont certainement en grande partie responsables de la crise politique actuelle. Mais le slogan fédérateur des gilets jaunes, « Macron démission », ne propose qu'une solution simpliste à l'ensemble complexe des défis d’autant plus urgents que le réchauffement climatique ». 

Révolte de la classe ouvrière 

« Pourquoi les gilets jaunes continuent-ils de manifester en France ? Son nom est Macron » titre le Washington Post« Ce qui a commencé par une opposition à une taxe sur le carburant destinée à freiner le changement climatique est devenu une révolte de la classe ouvrière contre Macron, dont la côte de popularité atteint des bas sans précédent », relate le journal, avant de dresser un parallèle avec l'Amérique : « Contrairement aux États-Unis, la France fournit à ses citoyens une quantité généreuse de services sociaux. Le salaire national médian y est d'environ 20 520 euros (23 350 dollars). Certes, le citoyen moyen ne bénéficie pas d’un niveau élevé de revenus disponibles. Aux États-Unis, le revenu personnel médian est légèrement plus élevé, mais sans les vastes avantages offerts par l’État ». 

Stephane Mahe/REUTERS

Un article du New York Times explique enfin pourquoi le mouvement des gilets jaunes est différents des autres mouvements populistes. «La révolte française n’a pas suivi les règles du jeu populiste habituel. Elle n'est attachée à aucun parti politique, et encore moins à un parti de droite. Elle ne se concentre pas sur la race ou la migration, et ces questions ne figurent même pas sur la liste des revendications des Gilets Jaunes. Elle n'est dirigé par aucun leader. Le soulèvement est spontané et autodéterminé. Il s'agit là de l'impossibilité de payer les factures », avant de souligner qu'à Paris, les lieux touchés par les manifestations n'ont pas choisis au hasard : « Ce sont dans les rues commerçantes de luxe, l’avenue Kléber et la rue de Rivoli - symboles insolents du privilège urbain en opposition aux provinces ternes d'où émergent les Gilets jaunes - que les vitres ont été brisées samedi. Les Gilets jaunes repoussent les politiciens et rejettent les socialistes, l’extrême droite, le mouvement politique du président Emmanuel Macron, et tous les autres ». 

[ Revue de presse ] Débat du deuxième tour: des attaques dignes de la présidentielle américaine ?

En octobre dernier, Politico qualifiait le deuxième débat présidentiel américain de débat "le plus atroce de l'histoire". Ce matin, la presse américaine se demande si la France a voulu marcher dans les pas de l'Oncle Sam.

Un débat vicieux, brutal et grossier 

"Le Pen et Macron s'affrontent lors d'un débat présidentiel vicieux". C'est le titre de l'article publié par le New York Times à la suite du débat d'hier.

Le prestigieux quotidien américain relève l'impression d'une dispute de salle de classe: "Elle l'a coupé et lui a dit de ne pas lui faire la leçon. Il a tristement secoué sa tête, elle a ri sarcastiquement". Politico, de son côté, déplore un débat "laid, long et grossier". 

Comme une impression de déjà-vu

Une ambiance qui n'est pas sans rappeler la virulence des débats politiques américains, comme le souligne le New York Times: "Le débat s'apparentait davantage à un festival d'insultes télévisé à l'américaine plutôt qu'à une discussion raisonnée du fond à laquelle les français sont habitués (...), laissant les modérateurs impuissants".

Cet impression amère de déjà-vu a également frappé d'autres médias, comme le Washington Post, pour qui "les insultes ont volé": 

"Malgré les enjeux, l'événement a rarement atteint le niveau de discussion précise des propositions qui caractérise habituellement le discours politique français. Dans un spectacle reflétant les interactions entre Donald Trump et Hillary Clinton durant la campagne électorale américaine à l'automne dernier, Macron et Le Pen se sont pris à la gorge." 

"Oeil pour oeil, dent pour dent" 

Le Wall Street Journal, quant à lui, souligne le fait que les deux candidats "se sont vite abaissés à une bataille oeil pour oeil, dent pour dent, durant laquelle ils ont lutté pour parvenir à se mettre K.O".  

Pour le New York Times, ce dernier affrontement était "une vive démonstration de deux visions de la France radicalement différentes entre lesquelles les électeurs auront à choisir dimanche". Politico, de son côté, note que, malgré son intensité, le débat "n'a que peu de chances d'influencer la décision des citoyens à quatre jours de l'élection".

Regarder le débat sans comprendre la langue... et en tirer (presque) les mêmes conclusions

Ryan Broderick, journaliste pour BuzzFeed à Paris, a tenté d'analyser le débat malgré son petit niveau de français. Il avait aussi regardé le débat à onze et en tire une première leçon: "ce n'est pas aussi drôle sans le grand-père gauchiste énervé et le communiste qui s'ennuie".

Tout comme le New York Times, Broderick a remarqué les gestes des candidats, qui sont peut-être le seul élément qui les démarque encore de leurs homologues américains.

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"C'est ça. La politique française en une photo", écrit Ryan Broderick pour Buzzfeed.

À part le fait que "Le Pen adore en faire des tonnes", il a remarqué Nathalie Saint-Cricq, et pense qu'elle devrait "être présidente": "elle maîtrise le truc comme une championne".

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À l'image de l'ensemble du débat, le journaliste note que sa fin a été "quelque peu floue". "Tout ce que je sais c'est que Macron a répété "Madame Le Pen" encore et encore alors que Le Pen lui a crié dessus pendant un bon moment", conclut-il.

Victoria David