Un ciel écarlate surplombe des carcasses de voitures brûlées, à Redding, en Californie, le 27 juillet 2018. (Photo: Justin Sullivan / Getty Images / AFP)

Incendies en Californie : « Vivre ici a un prix »

Depuis le mois de juillet, une quinzaine de feux ravagent la Californie. Huit personnes ont perdu la vie et des milliers d'hectares ont été détruits, à travers l'Etat, malgré la présence de 12 000 pompiers. Sur place, un Français expatrié raconte son quotidien, fait de feu et de fumée.

Arbres décimés, voitures calcinées, maisons incendiées... En Californie, les flammes, parfois incontrôlables, détruisent tout et laissent, sur leur passage, des villes fantômes. Arnaud Hubert, 47 ans, est un habitué des incendies. Ce Français vit à Kelseyville, à 200 kilomètres au nord de San Francisco. Depuis plus d'une semaine, son domicile est menacé par l'incendie River Fire. Malgré l'ordre d'évacuation, Arnaud Hubert a décidé de rester dans sa maison. "Le feu est situé à huit kilomètres de chez moi mais je vis à côté de vignobles. Par expérience, ils créent des barrières assez efficaces", explique le producteur web.

Arnaud Hubert vit en Californie depuis 1999. Photo : DR

Installé en Californie depuis 1999, Arnaud Hubert vit au rythme des catastrophes naturelles. "A mon arrivée, j'étais conscient du risque de tremblements de terre, pas vraiment d'incendies, se souvient-il. Mais il suffit de se promener pour comprendre qu'ici, ça brûle facilement. Il y a beaucoup d'herbe sèche." En 2007, le Français, un peu plus aguerri, a immédiatement éliminé certains quartiers quand il a cherché une maison dans le Comté de Lake. Car chaque année, des incendies ravagent cette région. "Malheureusement, c'est un style de vie. Vivre en Californie a un prix", commente-t-il.

« Personne n'est à l'abri »

Cette année, les feux se sont déclenchés bien plus tôt. "C'est le pire été de loin", assure Arnaud Hubert. A l'extérieur, l'air est difficilement respirable. "Je porte un masque alors que normalement, nous avons le meilleur air de Californie. Nous pouvons même voir la Voie lactée"poursuit-il.

C'est tout un quotidien qui se trouve bouleversé. "En cas de coupure de courant, il faut s'assurer d'avoir un portable qui reste chargé, de l'éclairage, etc. Le groupe électrogène devient essentiel", détaille Arnaud Hubert. Pour la première fois, le Californien d'adoption a chargé un véhicule et évacué, par précaution, ses affaires personnelles. "Je suis prêt à partir", indique-t-il. Sa famille, qui s'est absentée avant que les feux sévissent, est restée éloignée de Kelseyville. Reste les voisins, avec qui il s'informe régulièrement.

Feux de forêt actifs au 30 juillet. Infographie: AFP

Quand Arnaud Hubert entend les habitants du Comté de Lake évoquer l'idée de déménager, il se montre sceptique. "Pour aller où ? s'interroge-t-il. Personne en Californie, ni même aux Etats-Unis, n'est à l'abri." Si sa maison était détruite, il la reconstruirait, dans le même quartier, avec des matériaux plus résistants.

Avant tout, le Français fait confiance aux autorités locales : "Le Comté est relativement bien organisé. Malheureusement, il est habitué... Il y a plusieurs abris et une équipe de volontaires travaille même avec la fourrière afin d'évacuer le bétail."

Dans l'ensemble du pays, d'après le centre national de coordination des incendies (NIFC), quarante-deux incendies d'envergure sévissaient, lundi 30 juillet, avec près de 100 000 hectares partis en fumée.

C.L

Les deux ourses californiennes brûlées par l’incendie Thomas ont retrouvé leur habitat naturel

Les autorités californiennes ont donné aujourd’hui des nouvelles rassurantes sur la santé des deux ourses, symbole de la Californie, grièvement blessées lors du plus grand incendie qu’a connu le Golden State en décembre dernier.

Entre le 4 décembre 2017 et le 12 janvier 2018, un immense feu de forêt, Thomas, a affecté les comtés de Ventura et de Santa Barbara en Californie et a brûlé près de 115 000 hectares, devenant le plus grand incendie de l'histoire de la Californie.

L’incendie, qui a fait deux victimes (un pompier qui a succombé à ses blessures et une femme morte dans un accident de voiture en tentant de fuir les flammes), a détruit plus d’un millier d’habitations, déplacé des centaines de personnes et grandement affecté la faune et la flore locale, blessant plusieurs dizaines d’animaux.

Des nouvelles rassurantes

Aujourd’hui, les responsables qui surveillent deux ourses gravement brûlées dans l’incendie ont déclaré à la chaine de télévision locale KABC-TV que les animaux se réinstallaient bien dans leur habitat naturel après avoir reçu un traitement inhabituel pour leurs pattes blessées. Des photos récentes et des données GPS montrent que les femelles semblent en bonne santé lorsqu'elles se déplacent dans la forêt nationale de Los Padres au nord-ouest de Los Angeles.

Les ourses adultes ont été libérées dans la forêt le mois dernier après avoir reçu des soins pour leurs brûlures au troisième degré. Un puma a également été traité pour des brûlures aux pattes. Une des deux ourses était alors enceinte mais les responsables ne savent pas avec certitude si le bébé était déjà né.

Un traitement original

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(Département de la pêche et de la faune de la Californie / Associated Press)

Les vétérinaires qui ont traité les animaux ont cousu des peaux de poisson à leurs pattes brûlées, puis les ont enveloppées avec des bandelettes de feuilles de riz et de maïs.  Ce traitement a été choisi après que les soigneurs aient lu que des médecins brésiliens avaient placé des peaux traitées de tilapia, une espèce de poisson très répandue, sur les blessures d’hommes et de femmes brûlés pour apaiser leur douleur et favoriser leur guérison.

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(Département de la pêche et de la faune de la Californie / Associated Press)

Début janvier, Jamie Peyton, chef du service de médecine intégrative (qui réunit plusieurs approches médicales complémentaires) à l'école vétérinaire de l'Université de Californie à Davis, a déclaré qu’avant l’intervention, une des ourses restait couchée en permanence pour épargner ses pattes brûlées. Après le traitement et la pose de peau de poisson, l'ourse s’est relevée et a recommencé à se déplacer.

Jules Béraud

Incendies en Californie : "Le feu était à un kilomètre de notre maison. C'était impressionnant !"

Depuis le dimanche 8 octobre, 17 incendies ravagent le nord-ouest de la Californie. Lise et Jules Marquis,  un couple originaire de l'est de la France, ont posé leurs valises à Santa Rosa en mars dernier, l'une des agglomérations les plus touchées par les flammes. Récit de la nuit où la ville s'est embrasée.

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Il est 3h30, lundi matin, lorsque Jules et Lise entendent frapper à la porte de leur chambre. Leur colocataire Matt les informe qu'ils doivent évacuer le secteur au plus vite. Les yeux encore mi-clos, les deux Français peinent à comprendre l'urgence de la situation. "Lorsque qu'on est descendus dans le salon, on a vu les affaires de nos colocs. Là, on a compris qu'il se passait quelque chose", raconte le jeune homme de 25 ans, originaire des Vosges.

Dans la précipitation, chaque occupant de la maison emporte à la hâte ses objets les plus précieux. Tandis que Matt et Krista sauvent leur arme à feu ainsi que leurs deux chats - enroulés dans des draps faute de caisse de transport -, Jacob empoigne ses trois fusils de chasse, sa canne à pêche et son chien. "Je regrette de ne pas avoir pris une photo de la scène. On a tellement ri avec ma femme, se remémore Jules encore amusé. Le décalage culturel avec les Américains était visible. C'est bizarre les réactions qu'on peut avoir dans ce genre de situations". 

À leur tour, les deux expatriés jettent dans un sac, au hasard, un livre, une couverture, de l'eau et des céréales. Dans le quartier, les voisins chargent les voitures en vitesse avant de prendre la route en direction de l'est et du sud de Santa Rosa. Sacramento (à l'est) et San Francisco (au sud) se situent respectivement à 2h00 et 1h30 de conduite. Avant d'abandonner leur foyer, certains habitants arrosent les pelouses et les façades des maisons, en espérant que cela sera suffisant pour repousser les flammes.

Le feu à 1 kilomètre

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Les flammes ont épargné la maison du couple.

Sur la colline adjacente à la ville se dresse un mur de feu. Le ciel, ordinairement sombre à cette heure matinale, est devenu orange et opaque sous l'effet de la fumée. "Le feu était à un kilomètre de notre maison. C'était impressionnant. Beau, mais impressionnant" confie Jules. On entendait même les craquements des arbres qui tombaient sous le poids des flammes. Mais on ne se sentait pas menacés car les incendies partaient dans la direction opposée".

Sur les conseils de sa tante, expatriée à Washington DC, Jules et son épouse regagnent leur domicile pour faire leurs valises. Arrivé aux États-Unis en mars dernier, le couple n'a que très peu d'affaires : "Appareil photo, ordinateur, passeports, vêtements et raquettes de badminton. Ça va vite de rassembler tout ce qu'on a. Et comme on vit en colocation, on n'a pas de meubles. Tout tient dans deux valises." 

La circulation paralysée

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Devant Lise, les voitures sont au point mort.

Les deux Français mettent les bagages dans le coffre de la voiture et prennent eux-aussi la route. Mais ils sont rapidement bloqués dans les embouteillages, à une centaine de mètres à peine de leur logement. Au terme de trente minutes d'immobilité, le couple décide de rebrousser chemin, et rejoint la poignée de voisins encore présents. Parmi eux, Ted, est interloqué par la situation. N'ayant reçu aucun ordre d'évacuation, le quinquagénaire s'est réveillé au son strident des sirènes de pompiers.

Lise et Jules veillent jusqu'au petit matin. Vers 7h00, ils s'accordent enfin un peu de repos, en prenant soin, tout de même, de programmer une alarme. "Même si on ne se sentait pas en danger, on voulait s'assurer que les flammes s'étaient bien éloignées", détaille le Vosgien. Faute d'électricité dans le quartier, le couple trouve refuge chez un collègue de Lise durant l'après-midi. Ils y rechargent les téléphones portables pour rassurer leurs familles inquiètes en France.

Depuis lundi soir et jusqu'à aujourd'hui (mercredi), à la nuit tombée, les deux Français campent dans leur maison à l'aide de lampes torche et d'un réchaud. Au menu : des pâtes et du pain frais, directement rapporté de la boulangerie dans laquelle travaille Jules. "Avec Lise, on adore le camping et surtout on préfère rire de la situation" ironise-t-il. Le couple se tient prêt à partir à tout moment. Le vent doit s'intensifier en fin de semaine et pourrait attiser les foyers incandescents.

Yelen Bonhomme-Allard 

Incendies en Californie : les clichés avant/après le passage des flammes

Depuis dimanche soir, une douzaine d'incendies ravagent les terres viticoles du nord de la Californie. Des milliers d'habitations ont été réduites en cendres, et 25 000 personnes ont été contraintes de fuir le nord-ouest de l'État.

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La quartier de Coffey Park, dans la ville de Santa Rosa est méconnaissable. © The New York Times/Reuters.

Huit comtés américains ont été traversés par les flammes, notamment les régions de Napa et Sonoma, à peine trois fois plus grandes que la ville de Washington DC, comme le souligne CNN. Pour l'heure, le Département des forêts et de la protection des incendies recense 1500 logements et commerces brûlés, mais ce bilan matériel n'est que provisoire et pourrait s'alourdir d'heure en heure.

Depuis dimanche dernier, plus de 50 000 hectares - notamment des parcelles de terres viticoles - sont partis en fumée. La sécheresse de la végétation et du sol favorise la progression des flammes. Les pompiers ont profité des températures plus fraîches et de la baisse des vents ce mardi matin pour se frayer un chemin parmi les brasiers.

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Cette grange construite en 1899 à Santa Rosa n'est plus qu'un amas de cendres. © The New York Times/Kent Porter/The Press Democrat.

À ce jour, 15 personnes ont perdu la vie dans les incendies. Les autorités craignent de retrouver des corps pris au piège dans les maisons. En trois jours, 25 000 habitants ont dû fuir vers l'est et le sud de la Californie. Certains ont tout perdu. Deux hôpitaux de Sonoma County ont également été évacués.

Le gouverneur, Jerry Brown, a déclaré l'état d'urgence pour les régions de Napa et Sonoma, ainsi que cinq autres comtés. Il a aussi demandé au président Donald Trump de déclencher l'état de catastrophe naturelle, afin de débloquer des aides fédérales.

Yelen Bonhomme-Allard