Where is Bryan ? Portrait d’un Dreamer

Bryan Torres Rosa est arrivé aux Etats-Unis à l’âge de 12 ans, en 2006. Originaire du Salvador, il bénéficiait du programme Daca, institué en 2012 par Barack Obama. Cette mesure permettait à quelque 800 000 jeunes immigrés – appelés les Dreamers –, arrivés enfants aux Etats-Unis, d’obtenir un permis de travail. Aujourd’hui, le jeune homme âgé de 23 ans est très en colère contre la décision de Donald Trump d’enterrer cette mesure.

La semaine dernière, Bryan a relayé cette vidéo sur son profil Facebook :

Bryan vit actuellement à Northampton, dans le Massachusetts. C'est en 2006, après avoir voyagé trois semaines avec d'autres immigrants, qu'il arrive aux Etats-Unis pour la première fois, dans le petit village texan d'Eagle Pass. Il s'y installe provisoirement avec son oncle et sa grand-mère, avant de pouvoir rejoindre sa mère et le reste de sa famille, déjà installés dans le Massachusetts.

« Je n’étais pas avec ma famille parce que ma mère a dû aller aux Etats-Unis seule quand j’avais 17 mois, pour ramener de l’argent pour que nous ayons un meilleur avenir », explique Bryan. « Quant à mon frère et ma soeur, ils ont immigrés six ans avant moi. » Quand il arrive à Northampton quelques mois après son arrivée aux Etats-Unis, Bryan fait sa rentrée au collège John Fitzgerald Kennedy, une épreuve pour ce jeune homme qui découvre un nouveau pays. « Je ne parlais pas un mot d’anglais, et c’était très dur de m’habituer à cette culture. Et c’était même difficile de m’habituer à ma famille, parce que je n’avais pas vraiment de souvenir de ma mère, non plus de mon frère et de ma sœur que je n'avais plus vus depuis six ans. »

« Je me sentais comme un Américain, plus comme un alien »  

Après le lycée, le jeune salvadorien se retrouve dos au mur. Il rêve de faire des études supérieures mais comme de nombreux autres jeunes sans-papiers, il ne peut s'inscrire à l'université publique. « À 18 ans, je ne savais pas trop quoi faire de ma vie, parce que je n’avais pas de papiers mais je voulais vraiment aller à l’université », se remémore Bryan. Une seule solution s’offre alors au jeune homme : aller dans une université privée et payer les frais de scolarité –  5000 dollars –, en tant qu’étudiant étranger. « Toutes mes économies y sont passées, raconte-t-il, et en plus c’était très dur, parce que j’enchaînais avec trois petits boulots après les cours. » Il étudie les arts au Holyoke Community College, dont il sort diplômé en 2014.

Entre temps, Barack Obama instaure le programme Daca, qui lui permet d’obtenir son permis de conduire et de faire une demande de bourse pour ses études. « C’était un soulagement, parce qu’en plus d’avoir un permis de travail, je pouvais enfin ne plus vivre avec la peur d’être déporté à n’importe quel moment. Pour la première fois, je me sentais comme un Américain et plus comme un alien. »

Le jeune homme quitte son université d’Holyoke avec une licence en poche, et les félicitations du jury. Une distinction qui lui permet de postuler pour un master dans une université très réputée, Amherst College (Massachusetts), classée troisième meilleure université des Etats-Unis par le magazine Forbes, en 2010. Il y étudie la sociologie et la communication, et part même étudier six mois à la Sorbonne à Paris.

Bryan a passé 6 mois à Paris en 2016. Crédits : Bryan Torres Rosa / Facebook

Bryan a passé 6 mois à Paris en 2016. Crédits : Bryan Torres Rosa / Facebook

« Je continuerai à me battre pour mes droits »

« J’étais drôlement sous le choc quand j’ai appris que le programme Daca allait être arrêté », explique Bryan. C’était le 5 septembre dernier, Donald Trump et le congrès américain déclarent la fin de ce programme. « Nous ne pouvons accepter tous ceux qui aimeraient venir ici. Les Dreamers [les jeunes qui bénéficient du programme] prennent les emplois des Américains » déclarait Jeff Sessions, le ministre de la Justice américain.

« Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement s’acharne contre les étudiants, s’interroge Bryan. Les gens qui comme moi sont arrivés aux Etats-Unis enfants, sont comme des Américains normaux, qui vont à l’école et ne commettent pas de crimes. » Le jeune homme n’a cependant pas peur d’être renvoyé dans son pays. « Je continuerai à me battre pour mes droits, et pour ceux des gens dans mon cas. Et si jamais je dois être expulsé des Etats-Unis, je ferai tout mon possible pour aller en France. » Depuis la fermeture de Daca, les Dreamers comme Bryan ne pourront plus bénéficier d'un numéro de sécurité sociale, qui aux Etats-Unis, est nécessaire pour effectuer tout un tas de démarches administratives (ouvrir un compte en banque, se faire soigner, payer ses impôts, passer son permis de conduire...) « Pour moi, comme pour tous les autres qui sont dans mon cas, notre avenir est incertain. »

Emmanuelle Rouillon 

"Les extrémistes ont promis qu'ils reviendraient. Ils le feront j'en suis sûr"

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© Photo : Laurent Cerino / ADE 

Vincent Michelot est spécialiste des institutions américaines et ancien directeur de l'Institut d'études politiques de Lyon. Il partage son temps entre l'université de Virginie à Charlottesville et la France, où il enseigne la politique et les relations France/États-Unis. Il nous donne son ressenti à la suite des récentes manifestations qui ont opposé des suprémacistes blancs à des protestants antiracistes à Charlottesville.

Au moment des manifestations à Charlottesville, vous étiez en France. Avez-vous été surpris par la tournure des événements ?

M. V. : Ce n'est pas la première fois que le campus connaît des mouvements d'opposition, mais d'ordinaire ils sont beaucoup plus pacifiques. Le niveau de violence démontré le 12 aout dernier est sans précédent.

La venue de Tom Garrett (représentant républicain de la 5ème circonscription de Virginie), le 31 mars dernier, avait entraîné une grande mobilisation de la part des étudiants. Des membres de Black Lives Matter et autres organisations antiracistes ou progressistes du campus avaient fait irruption pendant le discours du politique, en déployant une banderole sur laquelle on pouvait lire : "No Dialogue With White Supremacy" ("Pas de dialogue avec la suprématie blanche" en français). Face à eux, il y avait des miliciens habillés en treillis militaire et munis d'armes de poing. C'était frappant une telle démonstration sur un campus universitaire.

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Des étudiants antiracistes interrompent le discours de Tom Garrett. © Photo : Vincent Michelot

La dernière manifestation de Charlottesville m'a laissé une forme de blessure profonde et un traumatisme. J'ai des valeurs qui sont à l'opposé de cette haine mise en scène les 12 et 13 août derniers. Tout ceci est une forme d'insulte à tout ce que je pense être essentiel à la démocratie américaine. Lorsque que l'on voit apparaître les prémices de l'Allemagne nazie dans un lieu qui nous est cher, on se sent sali. Cela a fait naître un désir de mobilisation pour protéger ce lieu auquel je suis humainement très attaché.

Le choix de Charlottesville comme point de rassemblement des idées extrémistes n'est donc pas surprenant ?

M. V. : Charlottesville n'a pas été choisie au hasard. Plusieurs leaders d'extrême droite tels que Richard Spencer et Jason Kessler ont été diplômés de la faculté de Virginie. Cet État incarne la contradiction de ce sud qui change à vitesse croissante. Jusque dans les années 60, cette université était seulement réservée aux étudiants blancs et masculins. C'était le bastion des élites. Peu à peu, l'État est devenu plus progressiste et donc par conséquent moins conservateur.

Le changement de nom du jardin public Emancipation park, anciennement baptisé Lee Park, et plus récemment le déboulonnement de la statue de Robert E Lee étaient des occasions parfaites pour les groupuscules racistes d'attirer l'attention. En organisant la manifestation à Charlottesville, ils savaient qu'ils auraient de nombreux opposants et que les médias seraient présents. Ils cherchaient l'affrontement. Ils l'ont eu.

L'intervention de la police a renforcé le discours des groupes d'extrême droite selon lequel leur liberté d'expression a été atteinte. Celle-ci est protégée par le premier amendement de la Constitution américaine mise en place en 1789. Thomas Jefferson, troisième président des États-Unis, est l'auteur de la Déclaration d'indépendance des États-Unis en 1776, mais également le fondateur de l'université de Virginie en 1819. Manifester sur le campus de la liberté d'expression a donc une dimension hautement symbolique. Malmenés, les extrémistes ont promis qu'ils reviendraient. Ils le feront j'en suis sûr.

Quelle est la différence entre les conceptions françaises et américaines de la liberté d'expression au sein de l'espace public ? 

M. V. : Au États-Unis, il existe depuis sa ratification en 1791, un débat passionnant sur la signification du Premier amendement et le type de discours qu'il protège. De manière très simple, il faut faire la distinction entre discours et incitation à la haine ou à la violence. On peut dire ouvertement son mépris pour tel groupe de personnes, telle religion ou culture, mais l'appel au meurtre ou à la violence n'est évidemment pas protégé. Tout n'est donc pas permis, mais il y a une plus grande tolérance qu'en France. Aux États-Unis, nos lois mémorielles, antinégationnistes seraient frappées d'inconstitutionnalité car elles seraient contraires au Premier amendement.

La police française dispose d'une marge de manoeuvre beaucoup plus forte pour interdire ce genre de manifestations (comme celles de Charlottesville, ndlr) et réprimer des actes violents. Dans l'état actuel du droit français, on n'entendra jamais des manifestants d'extrême droite scander ouvertement des slogans antisémites ou racistes.

Comment imaginez-vous l'avenir sur le campus après le passage des suprémacistes ?

M. V. : À l'université de Virginie, on a longtemps eu le sentiment de vivre dans une espèce de bulle protégée des agressions les plus violentes de la société, ce qui était normal dans une communauté universitaire très fortement éduquée. Les 12-13 août représentent donc l'irruption dans cette communauté de tout ce qu'elle abhorre et combat.

Paradoxalement, les événements sont plutôt rassembleurs pour la communauté. Avant les 12-13 août, celle-ci était divisée sur le fait de savoir si la manifestation aurait dû être interdite, si la municipalité avait fait assez pour l'empêcher ou en limiter le danger. Aujourd'hui ces débats continuent avec plus d'acuité entre tenants de l'absolutisme du Premier Amendement et ceux qui estiment que la protection de la liberté d'expression ne s’applique pas aux groupes violents.

Les heurts ont sans aucun doute provoqué ou accentué une prise de conscience sur plusieurs questions politiques. Depuis l'élection de Donald Trump, le campus est devenu en partie un lieu de résistance où la nécessité de transmettre les valeurs démocratiques ou de les inculquer s'avère être vitale et urgente. On le voit en particulier dans la protection des minorités (raciales, religieuses, sexuelles, nationales...) qui semblent particulièrement menacées.

Yelen Bonhomme-Allard

En 1991, Vincent Michelot a obtenu la bourse Fulbright lui permettant de réaliser sa thèse sur les nominations à la Cour suprême des États-Unis, et ce, sur le campus de l'université de Virginie à Charlottesville.

Tinder met fin à un "match" vieux de 2014 en réunissant les prétendants

Deux adolescents américains "matchent" sur Tinder en 2014, mais ne se rencontrent jamais. Tinder leur donne 24 heures pour trouver une destination où ils pourront enfin se voir physiquement. Un voyage tous frais payés par l'application à la flamme rouge.

Trois ans. C'est le temps nécessaire qu'il aura fallu à ces deux Américains, Josh Avsec et Michelle Arendas pour se rencontrer. En novembre 2014, les deux étudiants de l'Université d'Etat du Kent (Ohio) utilisent Tinder, l'application de rencontres pour les célibataires, disponible sur smartphone. L'attraction est réciproque, de sorte que l'application les met en relation. Une histoire somme toute ordinaire pour des millions d'utilisateurs.

Leur conversation débute le 20 novembre 2014, mais devient vite très décousue, laissant plusieurs mois d'intervalle entre les réponses. Chaque nouveau message s'accompagne d'excuses de part et d'autre : "Je suis désolée mon téléphone n'avait plus de batterie" (Michelle - 26/11/2014), "Je suis désolé, j'étais sous la douche" (Josh - 19/01/2015) ou encore "Vraiment navrée, j'ai eu une semaine chargée" (Michelle - 20/12/2015).

Amusé par la situation, Josh partage sur son compte Twitter une capture d'écran des "dialogues" quasi inexistants, à laquelle il ajoute : "Un jour, je vais rencontrer cette fille et ça va être épique. Regardez les dates des messages envoyés". Toujours sur le ton de l'humour, Michelle répond naturellement au commentaire : "Désolée, j'aimerais bien te répondre mais je vais avoir besoin de quelques mois".

La blague entre les deux inconnus aurait pu en rester là si Tinder ne s'était pas emparé de l'histoire. Le coup de com' est assuré. L'application leur propose de franchir le pas et de se voir. Enfin. Au terme d'une journée, les deux étudiants se sont mis d'accord sur le lieu de leur future rencontre : Hawaï. Un voyage tout frais payé par l'application.

Cette hypothétique idylle a été relayée plus de 27 000 fois sur le réseau social Twitter, nourrissant au passage, la jalousie de bien des internautes.

Yelen BONHOMME-ALLARD