Le juge Brett Kavanaugh fait face à deux accusations d'inconduite sexuelle. Photo AFP

Brett Kavanaugh, un magistrat dans la tourmente

Sur le point d'accéder à la Cour suprême, le juge conservateur Brett Kavanaugh voit sa nomination plus que jamais mise en danger. Cinq réponses à vos questions.

Qu'est-ce que la Cour suprême ?

C'est la plus haute autorité judiciaire aux Etats-Unis. Elle examine des décisions, des textes de loi ou des décrets présidentiels, le plus souvent en dernier recours. Ses jugements sont sans appel. Neuf juges y sont nommés à vie. Ils modèlent donc la société américaine à long terme.

Qui est Brett Kavanaugh ?

Brett Kavanaugh, 53 ans, est un juge aux valeurs profondément conservatrices. Donald Trump l'a nommé à la Cour suprême, en juillet dernier, après l'annonce du départ d'Anthony Kennedy. Ce choix doit encore être confirmé par le Sénat.

Pourquoi le calendrier du vote inquiète-t-il les deux partis ?

Le vote doit avoir lieu avant les élections de mi-mandat, qui pourraient bouleverser le paysage politique. Si les Républicains perdent leur majorité au Congrès, ils auraient des difficultés à faire confirmer la nomination de Brett Kavanaugh. Ils espèrent ainsi que le vote ait bien lieu avant le 6 novembre prochain. Au contraire, les Démocrates, qui redoutent l'arrivée de ce juge conservateur et catholique, veulent ralentir la procédure.

Pourquoi les médias américains s'enflamment-ils ?

Depuis le mois de septembre, Brett Kavanaugh fait face à deux accusations d'inconduite sexuelle, qu'il dément vigoureusement. Dans un témoignage paru dans le Washington Post, Christine Blasey Ford, universitaire de 51 ans, explique que, dans les années 1980, Brett Kavanaugh et un ami, ivres, l'ont plaquée sur un lit et cherché à la déshabiller, avant qu'elle ne parvienne à s'enfuir. Elle avait 15 ans, Brett Kavanaugh 17. L'enseignante sera auditionnée jeudi 27 septembre par le Sénat.

Deborah Ramirez, 53 ans, s'est de son côté exprimée dans le New Yorker. Elle raconte que le magistrat, alors étudiant à Yale, a sorti son sexe devant elle, la contraignant à le toucher. "Les gens qui me connaissaient alors savent que cela ne s'est pas produit et l'ont dit. Ceci est du dénigrement pur et simple", a réagi Brett Kavanaugh dans un communiqué.

Et Trump alors ?

Pour le Président, les accusations contre Brett Kavanaugh son "totalement politiques". Sur Twitter, Donald Trump affirme son soutien au juge avant de s'attaquer à Christine Blasey Ford.

"Le juge Brett Kavanaugh est un homme bien, à la réputation impeccable, qui est agressé par les politiciens de l'extrême gauche qui ne veulent pas de réponses, ils veulent juste détruire et retarder. Les faits ne comptent pas. Je vis ça avec eux chaque jour à Washington D.C."

"Je n'ai aucun doute que, si l'agression du Dr Ford avait été aussi grave qu'elle le dit, une plainte aurait immédiatement été déposée auprès des Forces de l'Ordre Locales par elle ou ses parents aimants. Je demande à ce qu'elle présente ces documents pour que nous puissions avoir une date, une heure, et un lieu!"

En réaction, l'actrice Alyssa Milano a lancé le hashtag #WhyIDidntReport (Pourquoi je n'ai pas porté plainte), repris des milliers de fois. Les internautes détaillent les raisons qui les ont poussées à se taire alors qu'elles ont été victimes de violences sexuelles.

C.L

Donald Trump a nommé Brett Kavanaugh juge de la Cour suprême lundi 9 juillet. Photo : Saul Loeb/AFP

Brett Kavanaugh, un nouveau juge conservateur à la Cour suprême

C'est la plus haute juridiction des Etats-Unis. Au cœur de la Cour suprême, neuf sages veillent à la conformité des lois. Alors qu'Anthony Kennedy libère son siège le 31 juillet, Donald Trump vient de nommer un nouveau juge conservateur, Brett Kavanaugh.

Qui est Brett Kavanaugh ?

Brett Kavanaugh, 53 ans, siège à la Cour d'appel du District de Columbia depuis 2006. Diplômé de Yale, il a commencé sa carrière comme assistant d'Anthony Kennedy. Dans les années 1990, il a collaboré avec Kenneth Star, procureur charger d'enquêter sur le président Bill Clinton. A partir de 2001, il a occupé plusieurs postes à la Maison Blanche, sous la présidence de George W. Bush. C'est ce dernier qui l'a nommé à la Cour d'appel.

Résolument conservateur, Brett Kavanaugh est notamment opposé à la loi Obamacare. En 2012, il a également fait partie d'un panel ayant annulé une mesure de l'EPA, l'agence fédérale de protection de l'environnement, visant à réduire la pollution de l'air entre les États. Catholique pratiquant, le magistrat est bénévole au sein de sa communauté religieuse.

"C'est un juriste brillant aux écrits clairs et ciselés, considéré partout comme l'un des esprits juridiques les plus fins et les plus vifs de notre époque", a déclaré Donald Trump. Brett Kavanaugh, quinquagénaire nommé à vie, peut envisager de siéger pendant près de trois décennies. Si le choix est confirmé par le Sénat, cinq juges sur neuf seront conservateurs. Début 2017, le Président avait déjà promu un juge conservateur, Neil Gorsuch.

Le droit à l'avortement est-il en danger ?

Si Anthony Kennedy était progressiste sur des sujets comme l'avortement, Brett Kavanaugh se montre beaucoup plus conservateur. Cette année, il s'est prononcé contre l'autorisation donnée à une adolescente, entrée clandestinement aux Etats-Unis, de se faire avorter.

Contrairement à la France, le droit à l'avortement aux Etats-Unis ne repose pas sur une loi mais sur une décision de la Cour suprême de 1973, l'arrêt Roe v.Wade. Avec l'arrivée de Brett Kavanaugh, la Cour suprême pourrait se montrer beaucoup plus clémente envers les Etats qui veulent instaurer des lois restrictives contre l'avortement. Pire: la juridiction pourrait annuler l'arrêt Roe v.Wade.

Que peuvent faire les démocrates contre cette nomination ?

Cette nomination doit encore être validée par le Sénat. Pour l'heure, les Républicains y détiennent une courte majorité. Chuck Schumer, sénateur démocrate de New York, a rapidement réagi : "Je m'opposerai à la nomination du juge Kavanaugh par tous les moyens."  Les Démocrates vont sans doute tenter de retarder le vote jusqu'aux élections de mi-mandat (midterms), en novembre prochain. Et pour cause, le parti représenté à la Maison-Blanche a presque toujours perdu des élus au Congrès à mi-mandat.

En 2016, les Républicains avaient réussi à annuler la nomination du juge Merrick B. Garland, par Barack Obama. Le chef de la majorité sénatoriale, Mitch McConnell, avait alors fait savoir que le Président était trop proche de la fin de son mandat et que le peuple américain devait "avoir son mot à dire dans la sélection du prochain juge". Depuis, les Démocrates restent amers.

C.L

US President Donald Trump signs a confirmation for John Kelly as US Secretary of Homeland Security, as Vice President Mike Pence (L) and White House Chief of Staff Reince Priebus (R) look on, in the Oval Office of the White House in Washington, DC, January 20, 2017. / AFP PHOTO / JIM WATSON

Victoire de Trump : le décret migratoire remis partiellement en vigueur

La Cour suprême des États-Unis a décidé, aujourd'hui, d'écouter les arguments de Donald Trump quant à son décret anti-immigration. Ce dernier interdisait aux ressortissants de 6 pays musulmans l'accès sur le sol américain. Le décret sera examiné en audience à l'automne prochain. 

Cette annonce est une belle revanche, somme toute relative, pour le locataire de la Maison Blanche. Aujourd'hui, la Cour suprême américaine a remis partiellement en vigueur le décret migratoire interdisant l'accès aux États-Unis pour 6 pays principalement musulmans : Libye, Iran, Somalie, Soudan, Syrie et Yémen.

L'ordonnance s'applique vis-à-vis des individus "n'ayant pas établi de relation de bonne foi avec une personne ou une entité aux États-Unis". Concrètement, les personnes n'ayant aucun membre de leur famille vivant sur le sol américain se verront refuser l'accès.

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Des manifestants opposés au décret signé par Trump s'était rassemblés l'aéroport international Dallas-Fort Worth. Photo G. Morty Ortega

En janvier dernier, la déclaration très controversée de Donald Trump avait suscité la consternation et la colère au quatre coins du monde. Plusieurs manifestations avaient éclaté à travers les États-Unis, bloquant notamment l'accès aux aéroports.

Yelen BONHOMME-ALLARD

Qui est Neil Gorsuch, le nouveau juge de la Cour suprême?

Plus d'un an après la mort d’Antonin Scalia, juge conservateur de la Cour suprême américaine, le Sénat américain vient de confirmer la nomination de Neil Gorsuch pour occuper le siège vacant.

Un juge conservateur

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Neil Gorsuch s'exprime après sa nomination, mardi 31 janvier. (CNBC)

À 49 ans, ce juge fédéral à la cour d’appel du Colorado (dixième circuit), avait tous les atouts pour séduire l’establishment républicain.

Nommé en 2006 par le Président George W. Bush, il avait été confirmé sans opposition par le Sénat. Réputé conservateur, le juge s’est notamment fait connaître par son soutien à la décision Burwell v. Hobby Lobby en 2013.

Dans cette décision en appel, la cour avait jugé que les chefs d’entreprise pouvaient utiliser des motifs religieux afin de refuser de fournir des moyens de contraception à leurs employées, comme les y obligeait l’Obamacare. La Cour Suprême avait par la suite validé ce jugement.

Rétablir la majorité conservatrice

Neil Gorsuch restaure la majorité conservatrice de la Cour, avec cinq juges conservateurs contre quatre plus libéraux. Campant des positions similaires à celles de Scalia quant à l’interprétation de la Constitution, Gorsuch serait néanmoins plus ouvert au dialogue avec ses collègues.

Avoir choisi un juge jeune n’est pas anodin pour Donald J. Trump. Gorsuch pourra siéger à la Cour pendant plusieurs décennies. Fidèle aux valeurs républicaines mais moins clivant que le juge défunt, le nominé de Donald Trump semble être un choix sage, qui a été applaudi dans les rangs républicains dès sa nomination.

Une confirmation compliquée 

Les sénateurs démocrates, agacés par le comportement de leurs collègues républicains l’année dernière, ont essayé de faire échouer sa confirmation. 

En mars dernier, les républicains avaient en effet refusé d’examiner la nomination de Merrick Garland par Barack Obama. Une décision controversée qui avait poussé le New York Times à parler, en janvier, de nomination « illégitime » de la part du Président Trump.

En minorité au Sénat – la chambre se composant de 48 sièges démocrates contre 52 sièges républicains –, les démocrates ont utilisé leur unique arme: le filibuster (ou obstruction), consistant à rallonger le débat parlementaire. Il fallait alors 60 sénateurs aux républicains pour passer outre, un nombre presque impossible à atteindre.

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Neil Gorsuch, aux côtés de Mitch McConnell, leader de la majorité républicaine au Sénat qui a enclenché "l'option nucléaire" jeudi 6 avril. (AP Photo/ J. Schott Applewhite) 

 

Recours à "l'option nucléaire"

Ces derniers ont donc décidé jeudi 6 avril de mettre leurs menaces à exécution en ayant recours à "l'option nucléaire", qui consiste à modifier le règlement intérieur du Sénat. Comment? En abaissant le seuil nécessaire pour passer outre l'obstruction de 60 à 50 sénateursIls ont ainsi pu confirmer la nomination de Neil Gorsuch et se passer de l'accord des démocrates ce vendredi 7 avril.

Les démocrates devraient payer cette obstruction au prix fort puisque cette modification aura probablement des conséquences à long terme. Outre faciliter les futures nominations du président dans les années qui viennent, c'est un changement du fonctionnement du Sénat auquel nous devrions assister. Jusqu'ici considéré comme favorisant le travail entre les deux camps, le Sénat pourrait, à l'image de la Chambre des représentants, devenir plus partisan, cela favorisant ainsi "des nominations plus idéologiques," selon Nina Totenberg.

Supreme Court Associate Justices Anthony Kennedy testifies on Capitol Hill in Washington, Monday, March 23, 2015, before a House Committee on Appropriations subcommittee on Financial Services hearing to review the Supreme Court's fiscal 2016 budget request. (AP Photo/Manuel Balce Ceneta)

Le Juge Anthony Kennedy au Capitole le 23 mars 2015. (AP Photo/ Manuel Balce Ceneta)

Neil Gorsuch pourrait ne pas être le seul juge nominé par Donald Trump pendant sa présidence. Anthony Kennedy, juge conservateur de la Cour, avec qui Gorsuch a par ailleurs travaillé, pourrait saisir l’opportunité pour prendre sa retraite, comme le souligne le Washington Post. Il donnerait la possibilité à l’Administration Trump de s’assurer d’un deuxième siège conservateur pour plusieurs années et ainsi de sécuriser la majorité conservatrice de la Cour.

Victoria David