"Les experts disent de Trump qu'il présente des troubles de la personnalité d'ordre narcissique." Photo : Gage Skidmore

"Trump est imprévisible car il n'écoute que ses impulsions"

Après avoir vécu plusieurs années à Washington, Laurence Nardon dirige le programme Amérique du Nord de l'Ifri (Institut français des relations internationales). Dans son livre Les États-Unis de Trump en 100 questions, à paraître le 18 octobre, la chercheuse décrypte les évolutions récentes du pays et la politique du Président. Entretien.

Le nom de Donald Trump revient fréquemment dans la presse, sur les réseaux sociaux ou dans les discussions. Comment l'expliquez-vous ?

L.N : La personnalité de Trump est hors-norme. Les experts disent de lui qu'il présente des troubles de la personnalité d'ordre narcissique. C'est quelqu'un qui n'a pas vraiment dépassé le stade de l'enfance dans lequel on pense que tout tourne autour de soi. Trump est donc extrêmement impulsif et agressif. Il n'a pas de filtres sociaux. Il est aussi susceptible et veut être aimé. C'est pour cette raison qu'il est toujours très séducteur et aimable avec les chefs d'État étrangers qui le rencontrent même si, la veille ou le lendemain, il envoie des tweets insultants à leur égard. Au final, il est fondamentalement imprévisible car il n'écoute que ses impulsions.

Comment, avec cette personnalité, a-t-il pu arriver à la Maison-Blanche ?

L.N : Cela ne l'empêche pas d'être malin et intelligent. Son passé de promoteur immobilier à New York l'a armé pour faire des coups, être tactique et savoir négocier de manière assez brutale. Au-delà de sa personnalité, il y a aussi ses idées politiques. Il ne faut pas se leurrer : en France, on dirait qu'elles sont d'extrême-droite. Trump est pour la fermeture des frontières à l'immigration et au libre-échange. Sa politique étrangère est également un peu musclée.

Des idées politiques qui ont trouvé un écho...

L.N : Entre les élites et les minorités ethniques très pauvres, les classes moyennes se sentent trahies et abandonnées depuis des décennies. Leurs usines ont fermé à causes des accords de libre-échange, la crise de 2007 est passée par là, etc. Quant à la classe moyenne blanche, elle s'inquiète d'une évolution démographique qui va faire d'elle une minorité d'ici 2040. Ces personnes ont donc véritablement vu Trump comme un sauveur.

Après deux ans, son électorat reste-t-il satisfait ?

L.N : À la veille des élections de novembre, Trump s'est montré très efficace vis-à-vis de son électorat. Pour les populistes, il a tenu sa promesse anti-immigration avec le mur en construction à la frontière du Mexique et le Muslim Ban [NDLR: un décret qui suspend l'entrée sur le territoire des citoyens de sept pays à majorité musulmane]. Il a également renégocié les accords de libre-échange avec le Mexique et le Canada. Le Président a aussi tenu ses promesses envers une autre partie de son électorat : les conservateurs chrétiens, extrêmement rétrogrades sur les questions de moeurs. Ces derniers ont voté pour Trump car il s'est engagé à nommer des juges très conservateurs à tous les étages de la pyramide judiciaire. Il a effectivement fait nommer Brett Kavanaugh et Neil Gorsuch à la Cour suprême.

Son électorat pourrait pourtant se détacher de lui à cause de ses impulsions et ses affaires...

L.N : Que Trump soit un monstre, ce n'est pas grave pour les conservateurs tant qu'il tient ses promesses. Les  populistes ont un autre raisonnement. À chaque fois que Trump dit une horreur, cet électorat n'en est que plus persuadé qu'il est de leur côté. Pour eux, ce sont des transgressions des codes. 

Peut-on envisager la réélection de Trump en 2020 ?

L.N : Absolument, d'autant plus que côté démocrates, il ne se passe pas grand chose... Ce parti est divisé entre les centristes modérés — portés par Hillary Clinton en 2016 — qui proposent une politique économique libérale et un autre courant — porté par Bernie Sanders en 2016 — qui propose des réformes beaucoup plus à gauche et très radicales pour les États-Unis. Le parti n'est pas prêt pour porter un seul candidat en 2020.

Quid des élections de mi-mandat ?

L.N : Les démocrates prédissent un raz-de-marrée en leur faveur. Mais je n'en suis pas si sûre... Il est probable qu'ils gagnent la majorité à la Chambre des Représentants; au Sénat, sans doute pas.

Propos recueillis par C.L

En bref

L'arrivée d'un populiste à la Maison-Blanche n'est pas un accident, mais le résultat d'années de creusement des inégalités sociales et de transformations de la société américaine. Républicains et démocrates ont encouragé une libéralisation économique et financière excessive, tandis que les élites progressistes se sont concentrées sur les minorités, négligeant les inquiétudes d'une Amérique blanche vouée à devenir minoritaire. En conséquence, Donald Trump est devenu son champion. Son style imprévisible et transgressif tout comme son projet américano-centré bouleversent les règles des relations internationales. De Paris à Téhéran, en passant par Pyongyang, Moscou et Jérusalem, l'ensemble du monde est affecté par cette présidence hors-norme. Après Trump, une autre Amérique peut-elle émerger ? Laurence Nardon décrypte en 100 clés essentielles les évolutions politiques, sociales et culturelles récentes des États-Unis et interroge le rôle et l'avenir de la puissance américaine.

Les États-Unis de Trump en 100 questions, Tallandier, 16,50 €

Dimanche 12 août, les contre-manifestants ont surpassé en nombre les militants d’extrême droite, réunis devant la Maison-Blanche. Photo : Hugues Garnier

Rassemblement à Washington : quatre questions sur la déroute de l’extrême droite

L’affrontement entre les suprémacistes blancs et les groupes antifascistes, que la ville de Washington redoutait depuis deux semaines, n’a pas eu lieu. Alors que 400 militants étaient attendus, dimanche dernier, au rassemblement d'extrême droite "Unite The Right", seulement une trentaine d’entre eux ont répondu présents. Le rassemblement, organisé à l’occasion du premier anniversaire de la manifestation de Charlottesville, a cependant attiré plusieurs centaines de contre-manifestants. Corentin Sellin, professeur agrégé d’histoire et spécialiste des États-Unis, nous explique les raisons de ce flop. 

Hier, seule une trentaine de manifestants de "Unite the Right" se sont réunis à Washington D.C. Est-ce que la mouvance néo-nazie est en perte de vitesse aux Etats-Unis ?

C.S. : Elle a subi un très gros choc après Charlottesville, un choc qui a pris plusieurs aspects. D’abord, dans l’opinion publique générale. Tout le thème de "Unite the Right" ’était de démontrer que l’Alt-right (NDLR : un mouvement d’extrême droite né sur les réseaux sociaux qui a soutenu Donald Trump lors de la campagne présidentielle) était totalement différente de l’extrême droite radicale et traditionnelle des États-Unis, très marquée par le suprémacisme blanc et le nazisme. Avec Charlottesville, on s’est aperçu qu’il s’agissait des mêmes personnes et que cela a abouti aux mêmes violences et aux mêmes outrances. Cela a été mal ressenti dans la mouvance qui s’est dévoilée au public.

Quid des conséquences judiciaires de Charlottesville ?

C.S. : Les organisateurs sont poursuivis en justice à la suite des blessures infligées lors des affrontements. Les organisations d’extrême droite radicale sont mises en cause pour avoir, par leurs mots haineux, incité à la violence. Ces procédure judiciaires, toujours en cours, nuisent à l’efficacité de ces groupuscules. Par ailleurs, il y a aussi eu des poursuites judiciaires à l’encontre de leaders comme le nationaliste Christopher Cantwell. Ils ont été mis sur le côté durant l’année, ce qui s’est ajouté au choc de Charlottesville. Enfin, beaucoup de groupuscules avaient également désavoué Jason Kessler, l’organisateur principal du rassemblement. Ils avaient explicitement appelé à ne pas venir à Washington tout simplement parce qu’ils savaient qu’ils allaient être mis en minorité. Et, c’est ce qui s’est passé. Toutes ces raisons expliquent l’échec d’hier. 

Le rassemblement "Unite the right" ne fait donc pas l'unanimité chez les militants d'extrême droite?

C.S. : Ce sont des personnes qui prospèrent sur un discours de haine. Mais ce discours de haine déborde entre eux. Il y a toujours eu une culture groupusculaire extrêmement forte qui remonte déjà à l’époque du Klu Klux Klan où il y avait des scissions et des affrontements extrêmement violents. Cette mise en cause de Jason Kessler a deux raisons : d’abord l’échec de Charlottesville qui été mal vécu et d’autre part, certains pensent que l’extrême droite ne doit pas s’unir. Ils sont en désaccord avec le mot d’ordre "Unite the right" (unir la droite). Certains suprémacistes blancs comme Richard Spencer veulent aller vers des États américains exclusivement blancs tandis que d’autres, par exemple, sont plus axés sur la lutte contre l’islam et la défense de l’identité nationale. Il y a tellement de cultures groupusculaires qu’une union est difficile. Chacun veut faire son extrême droite. 

Après les incidents de Charlottesville, Donald Trump avait condamné des violences venant des deux côtés. Est-ce que la position du président américain sur les suprémacistes blancs a évolué depuis l'an dernier?

C.S. : Absolument pas. Il tient à peu de choses près le même discours, si ce n’est qu’il l’a mieux enrobé. Dans un tweet de l’année dernière, il ne remet pas en cause les suprémacistes blancs comme le voudrait la tradition présidentielle. Donald Trump condamne le racisme mais ne les condamne pas explicitement. C’est sa fille, Ivanka, qui a exprimé clairement la condamnation des nazis et des suprémacistes blancs. Il y a cette répartition du "good cop bad cop" qui devient rituelle à la Maison-Blanche. Le président parle à son électorat populaire, veille à ne pas le fâcher sur le suprémacisme. Sa fille ou sa femme nuance le tableau et recherche davantage le consensus. En aucun cas, il a clairement remis en cause sur ses propos de l’année dernière. Il veut rester pur et insoupçonnable aux yeux d’une partie de son électorat populaire blanc et non être porteur de consensus.

H.G

Coincée dans la tempête Harvey, une Française raconte son évacuation

Quand Laura Ismar a quitté la France le 21 août dernier pour devenir fille au pair aux États-Unis, la jeune éducatrice spécialisée était loin d'imaginer ce qui l'attendait. Quatre jours seulement après son arrivée, la tempête Harvey frappe Houston, sa ville d'accueil. Hier, Laura et sa nouvelle famille ont roulé toute la journée pour fuir la montée des eaux. Récit. 

"C'est la panique. Nous sommes en voiture en train d'évacuer vers l'ouest, mais nous ne savons pas vraiment où aller". Il est 13h19, lundi 28 août, lorsque le premier contact est établi avec Laura. Par l'intermédiaire de Facebook, la jeune femme âgée de 22 ans envoie régulièrement des messages ainsi que des photos décrivant le chaos et les inondations qui l'entourent. "Tout le monde parle vite, je ne comprends pas tout. Je sais seulement que la situation est vraiment préoccupante" rédige Laura à la hâte, dont le niveau d'anglais est encore faible.

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Laura a découvert New York pour la première fois.

En arrivant aux États-Unis, Laura était loin de se douter qu'elle serait un jour témoin d'un tel désastre. Basée pendant quatre jours dans l'État de New York pour une formation, Laura s'envole vendredi dernier pour Sienna Plantation, dans la banlieue sud de Houston, où habite sa famille d'accueil. Inquiète, elle s'informe régulièrement sur internet de la progression de la tempête tropicale, encore catégorisée comme ouragan. Son vol est maintenu, mais un élément la trouble : "L'avion était vide. Il devait y avoir 30 passagers tout au plus. Je me suis demandée si les gens avaient annulé au dernier moment leur voyage".

Malgré quelques turbulences, l'appareil atterrit sans encombres au Texas. L'excitation de la Française dissipe toutes craintes quant à l'approche imminente d'Harvey. Pourtant, ce dernier est proche, avec dans son sillage ses premières manifestations météorologiques. Des pluies torrentielles s'abattent sur la ville pendant tout le week-end, faisant presque déborder la rivière proche de la maison. "Les parents étaient constamment branchés sur les chaînes d'information. Ils ont  même commencé à scanner les documents importants comme les carnets de santé et les passeports" relate Laura.

Un risque d'inondation trop important

Laura comprend que la situation se dégrade hier matin quand le père de la famille fait irruption dans la cuisine. "J'étais en train de préparer des crêpes lorsqu'il nous a dit : Préparez des affaires pour les enfants, préparez des affaires pour vous. Dès que vous êtes prêtes, on y va", se souvient aux mots près la jeune Française. Cette dernière se précipite alors dans sa chambre et pioche au hasard des vêtements qu'elle jette dans un sac. Elle prend également le soin d'envelopper son passeport et son visa dans un sac plastique pour les protéger de l'eau.

Avant de quitter la maison, les parents, Laura et Magdalena, l'autre fille au pair de la famille, mettent en sureté le mobilier et les objets électroniques au premier étage. La famille charge les deux 4x4 stationnés devant la maison et se sépare : Laura accompagne la mère et ses deux fillettes âgées de 4 et 6 ans, tandis que Magdalena suit le père et son fils de 9 ans. "Quand la maman s'est mise à prier, j'ai vraiment paniqué. Je ne comprenais pas tout mais pendant tout le trajet, elle répétait sans cesse : "Thanks God" et "Jésus", se remémore Laura.

Un périple long et dangereux

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L'inondation des routes rend la conduite difficile.

Les deux véhicules foncent en direction de l'ouest, afin de s'éloigner de la trajectoire de la tempête qui se dirige vers la Louisiane, à l'est de Houston. Assise sur le siège passager, Laura immortalise avec son téléphone les routes complètement inondées. Les aires de jeux, les piscines et les parcs sont submergés. Les marques de signalisation au sol sont invisibles, si bien que la famille roule parfois sur les trottoirs. "Ce n'est que lorsque les roues heurtaient la bordure qu'on s'en rendait compte".

Les yeux rivés sur son portable, Laura est en charge d'informer la mère de famille de l'état des routes. "Nous avions un groupe WhatsApp sur lequel des amis des nous envoyaient constamment des indications sur les itinéraires à prendre". 

300 km en 7 heures 

Soudain, la voiture conduite par le père tombe en panne. Impossible de la redémarrer. Son fils, Magdalena et lui sont alors secourus par un groupe de résidents mexicains qui les transportent dans leur remorque jusqu'au second véhicule, où ils s'entassent avec le reste de la famille. Par chance, un convoi de la Garde nationale qui se dirigeait vers Houston les aide à tracter le véhicule immobile hors de l'eau. "Nous avons été obligés de l'abandonner sur un pont, en espérant le retrouver intact au retour" confie Laura, abasourdie par le souvenir de cette scène chaotique. "Je me croyais dans un film".

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Magdalena et Laura gardent le sourire malgré cette incroyable aventure.

La famille texane pose finalement ses valises dans un hôtel d'Austin vers 18h00. Il aura fallu sept heures pour parcourir les 300 kilomètres séparant les deux villes. En temps normal, trois heures suffisent. Laura peut enfin rassurer ses parents en France. Pour la première depuis son arrivée dans le pays, elle voit enfin le soleil. "En une semaine, j'ai dû faire face à un ouragan. Malgré tout, cette épreuve ne m'a pas donné envie de rentrer en France".

Yelen Bonhomme-Allard 

"Ma transsexualité n'a pas déterminé mon choix de carrière"

Darla Lannert, transsexuelle de 64 ans, a porté son ancien prénom d'homme durant 49 années, dont 3 pendant son service dans la marine américaine. Depuis l'annonce de Donald Trump, mercredi, interdisant l'accès aux personnes transgenres dans l'armée, l'ancienne militaire du Wisconsin ne décolère pas. 

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Lors de son entrée dans la marine en 1970, Darla portait encore son nom de garçon, Rick.

Comment avez-vous reçu l'annonce de Donald Trump ? 

J'étais sous le choc car cette déclaration n'est rien de plus qu'un acte discriminatoire contre une population déjà marginalisée.

Etre transgenre n'a aucun rapport avec notre travail. Si je me suis engagée dans la marine, c'était par amour pour mon pays. Je voulais me rendre utile en le protégeant. Ma transsexualité n'a pas déterminé mon choix de carrière.

Publier ce dossier sur Twitter était-il un acte approprié ?

Outre l'annonce elle-même, c'est la façon dont le président l'a communiquée qui me scandalise le plus. Trois tweets sur internet... j'ai l'impression de voir mon petit-fils de 8 ans derrière son ordinateur en train d'écrire des sottises, sans même penser aux conséquences de ses actes. Le comportement insensé de Donald Trump donne l'impression qu'il s'est réveillé un matin en se disant : "Je vais twitter quelque chose de stupide et on verra bien les réactions que cela va susciter". C'est le président des Etats-Unis tout de même ! Son attitude est vraiment irrespectueuse envers le peuple américain et, en particulier, la communauté transsexuelle.

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En 2002, Darla a jeté ses affaires d'homme et assumé au grand jour son identité de femme.

Le principal motif évoqué par Donald Trump est le coût financier, cela vous semble justifié ? 

Mon dieu, non ! Officiellement, il y aurait actuellement environ 15 000 personnes transgenres en service dans l'armée. Le coût de leurs traitements hormonaux s'élève à 8 millions de dollars par an. Cette somme ne représente qu'un faible pourcentage du budget de l'armée.

Chacun vit différemment sa transition. La plupart des transgenres n'ont pas recours au changement de sexe, possible grâce à une opération chirurgicale. Il faut compter entre 25 000 et 30 000 dollars (21 000 à 25 000 euros) sans prise en charge de la part des assurances. Un tel montant freine forcément les petits porte-monnaie.

La Marine est un monde réputé viril, comment y avez-vous vécu votre transsexualité ? 

J'ai servi mon pays dans le silence et le secret. Je me suis engagée à 17 ans, en janvier 1970, pendant trois ans dont 20 mois au Vietnam. Je n'ai jamais parlé de ma transsexualité à qui que ce soit jusqu'en 2002. J'avais peur pour ma vie, d'être tuée, mais également d'être exclue de la Marine sans ménagement. J'ai aussi été victime de maltraitance et d'abus sexuels en exercice.

De mon temps, le sujet était tabou et méconnu. Je n'avais pas les mots pour décrire ce que je ressentais. J'avais ce sentiment d'être la seule personne dans ce cas et que personne ne pouvait me comprendre. J'ai peut-être rencontré des personnes transgenres pendant mon service. Je ne sais pas. Elles ont gardé le silence, comme moi.

Yelen BONHOMME-ALLARD

Coup de crayon d'un artiste londonien sur la vie frénétique autour de la Maison-Blanche

Le New-York Times Magazine a publié, dans son édition de mardi en Une, l'illustration d'Andrew Rae, dessinateur londonien. Le croquis, intitulé "This Town Melts Down", autrement dit, "Cette ville fond" met en exergue, avec humour, tous les faits politiques marquants depuis l'investiture de Donald Trump à la Maison-Blanche.

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1. Comment expliquez-vous le choix de ce sujet ?

A. R : C'était une commande du New-York Times Magazine. A ce moment-là, je ne connaissais pas encore le titre exact du projet. Il m'a été présenté comme un "profil de la capitale pendant ce qui a été une période incroyablement tumultueuse". Peur et répugnance au temps de Trump : j'étais certain que cela aller être amusant à faire ! C'est une situation très étrange comment la pire politique engendre la meilleure des satires.

Lors de l'élaboration, je me suis beaucoup entretenu avec Gail Bichler, la directrice artistique du New-York Times Magazine. Elle m'a envoyé une liste de propositions, j'ai choisi les plus réalisables, et apporté ma touche personnelle en ajoutant quelques éléments. Par exemple, l'équipe du journal souhaitait un grand oiseau Twitter cachant le soleil. Mais je trouvais qu'une nuée d'oiseaux s'envolant de la Maison-Blanche était plus représentatif.

2. Quelles références politiques sont présentes au sein de votre illustration ?

A. R : Pour n'en citer que quelques unes, on retrouve Maggie Haberman avec un assistant lui chuchotant à l'oreille, Sergey Kislyak allongé sur un canapé et des personnes aisées en train de jouer au golf. L'Air Force one volant au-dessus du Mar-a-Lago était l'une des suggestions qui n'a pas fonctionné par exemple. J'ai soumis l'idée d'un monstre des marais et l'équipe a imaginé un monstre sortant de l'eau pour envahir la scène, ce qui était une très bonne idée.

Aussi, très tôt, nous avons décidé de ne pas introduire Donald Trump dans l'image. Tant mieux, car je suis un peu fatigué de le dessiner, bien qu'il soit représenté par une sculpture de glace dans la seconde illustration. Enfin, j'étais tenté de donner à la scène un ciel sombre, mais finalement l'opposition du ciel bleu lumineux à cette scène de chaos a plus d'impact il me semble.

3. Quels messages souhaitez-vous transmettre à travers vos réalisations ?

A. R : En général, mes dessins tentent de refléter ma vision du monde. Je ne veux pas ramener un message sous la gorge de qui que ce soit, mais je ne peux pas m'empêcher de laisser mes croyances s'infiltrer dans mon travail. Par exemple, il m'arrive parfois de dessiner le même genre d'images, mais seulement s'il s'agit de quelque chose auquel je crois. J'en tire ainsi beaucoup plus de plaisir.

4. Hormis la politique, quels sujets vous passionnent ?

A. R : J'ai écris un roman graphique intitulé Tête de lune et la machine à musique, (en anglais Moonhead and the Music Machine) que je suis actuellement en train d'adapter en programme pour enfants à la télévision. J'affectionne également la science, l'éducation, la machinerie, la technologie et l'environnement. J'aime dessiner des personnages expressifs corporellement, mais ce que je préfère c'est laisser libre court à mon stylo et découvrir quelles étranges créatures vont naître sur le papier.

Yelen BONHOMME-ALLARD

[Opinion] Trump face au Congrès: plus présidentiel et discours bien orchestré par son service de presse

L'atmosphère politique est électrique en ce moment à Washington DC, autrefois ville joyeuse où galas et soirées mondaines faisaient partie du charme de la ville.

 La couverture du Time de la semaine du 13 février 2017. Trump en plein milieu d'une tempête politique. "Nothing to see here" (Rien à voir ici).


La couverture du Time de la semaine du 13 février 2017. Trump en plein milieu d'une tempête politique. "Nothing to see here" (Rien à voir ici).

Donald J. Trump est arrivé au pouvoir le 20 janvier dernier, et depuis, la ville retient son souffle en attendant le prochain dérapage. Il se met à dos les médias - pardon, il insulte les journalistes - et crée des tensions au sein même de son administration et du Congrès, pourtant républicain.
Le nouveau Président élu a tout misé sur son discours d'hier soir, mardi 28 février, face au Congrès. Comme chaque année, le Président s'est exprimé devant les deux chambres réunies dans le cadre d'une session commune ("joint session") durant laquelle le Président a dévoilé ses projets pour l'année à venir.

C'est un passage obligé pour le Président qui espère unifier le pays et avoir l'accord du Congrès pour de nouveaux budgetsde nouvelles propositions de lois et autres décisions budgétaires. Il a donc tout intérêt à faire preuve de diplomatie. Une condition remplie par Trump qui a évité tout débordement en soignant son ton présidentiel. 

Discours du Président Trump le 28 février 2017.

Pendant plus d'une heure, nous avons eu droit à un mélange de discours de campagne, d'approximations, d'exagérations, d'affirmations péremptoires et hors de contexte. Cependant, impossible de lui reprocher de ne pas avoir cherché à provoquer et d'avoir soigné son langage.
Combien de sites internet ont-ils déjà écrit des articles sur "les fact checking"? "Cqu'il faut retenir de son discours"? "Les cinq phrases les plus marquantes"... Mais de nombreux articles ont déjà résumé, revu et corrigé le discours des dizaines de fois pour nous. 

Cette couverture médiatique semble avoir omis un des éléments clés de l'événement d'hier soir: le rôle du service de presse de la Maison Blanche lors du discours de Donald J. Trump.

Comme toujours, les journalistes de Washington reçoivent les discours, ou du moins les grandes phrases d'un discours du président, quelques heures avant le début de l'allocution. C'était aussi le cas avec Barack Obama. Cela permet aux journalistes de travailler plus rapidement et de publier leurs articles à la seconde où le discours se termine. Jusqu'ici, rien d'anormal.
Cependant, alors que nous étions tout ouïe, regardant ce discours tout en twittant les remarques du Président, il était impossible de ne pas se rendre compte qu'à la fin de chaque idée ou thème expliqué et présenté au Congrès, nous (journalistes) recevions à l'instant même un email du service de presse de la Maison Blanche résumant ce que le Président venait de dire.

Ces emails démontraient en quoi Donald J. Trump avait raison, pourquoi il devait s'occuper de ce pays abîmé par l'ancien Président, donnant par là même des informations nouvelles, que les journalistes pouvaient alors tout de suite utiliser pour écrire leurs articles.

Cela est arrivé à neuf reprises en moins d'une heure de discours. Recevoir tant d'emails du service presse n'a jusqu'ici rien de nouveau, mais le contenu de ces emails étaient pour le moins déconcertant.

A leur lecture, il apparaît très clairement que la Maison Blanche s'attend à ce que nous utilisions ces informations, comme l'on donne du pain aux oiseaux. Le service de presse nous mâche donc le travail afin que nous (journalistes) ne pouvions pas inventer des informations et alimenter nos articles de "fake news" dont l'administration Trump se plaint régulièrement.

Cependant lorsque l'on compare les emails du service de presse de la Maison Blanche aux articles fact checking du New York Times (ennemi public numéro un de Donald J. Trump) et de l'agence de presse Associated Press, certaines informations diffèrent.

L'un des premiers emails que nous recevons résume ce que le Président Trump a accompli lors de ses 40 premiers jours à la Maison Blanche. Cet email, envoyé pendant le discours, vient du service de Presse. Il est écrit " FOR IMMEDIATE RELEASE" (pour diffusion immédiate) en haut de l'email, comprenez: les journalistes peuvent utiliser et publier ces informations. Serait-ce une stratégie de la Maison Blanche pour que les journalistes écrivent des articles en faveur du président? Il semble que nous n'écrivons que des articles négatifs sur le président, nous sommes "les ennemis du peuple", comme il l'explique dans un tweet vendredi 24 février dernier.

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Il devient logique pour la Maison Blanche de nous envoyer des emails nous rappelant toutes les bonnes choses que Trump a déjà accomplies, lorsque nous, reporters à Washington DC, n'écrivons que mensonges et sommes "d'ennemis pour le peuple américain" dans un tweet le 17 février dernier. 

Cela n'a pas empêché les journalistes de médias reconnus tels que le New York Times, le Washington post, et Associated Press, entre autres, de faire leurs propres analyses, c'est-à-dire des "fact checking", un nouveau genre d'article devenu incontournable. Autant vous dire que le Président est loin d'être exemplaire. (Voir liens au début de l'article.)

Des journalistes dans la salle de presse de la Maison Blanche, après l'exclusion de plusieurs médias d'un point presse du porte-parole de la présidence, le 24 février 2017, à Washington. (YURI GRIPAS / REUTERS)

Des journalistes dans la salle de presse de la Maison Blanche, après l'exclusion de plusieurs médias d'un point presse du porte-parole de la présidence, le 24 février 2017, à Washington. (YURI GRIPAS / REUTERS)

Alors qu'il y a quelques mois, les journalistes et la Maison Blanche travaillaient ensemble pour respecter au maximum le premier amendement (liberté de la presse), cherchant à améliorer les relations entre les deux en permanence, nous sommes maintenant devenus les parias, des menteurs à qui il ne faut pas parler, nous interdisant même l'accès à la conférence de presse quotidienne, qui était devenu l'un des symboles de la démocratie et de la liberté de la presse. C'est donc sans surprise qu'après de longues recherches, nous n'avons pas trouvé de médias influents utilisant les informations données par la Maison Blanche.

Reporters sans frontières, article complet: https://rsf.org/fr/actualites/les-etats-unis-la-41eme-place-du-classement-mondial-de-la-liberte-de-la-presse

Reporters sans frontières, article complet: https://rsf.org/fr/actualites/les-etats-unis-la-41eme-place-du-classement-mondial-de-la-liberte-de-la-presse

Bien essayé, mais les journalistes ont choisi leur camp et gardent leur indépendance.

Emails venant du service de presse de la Maison Blanche pendant le discours de Donald J. Trump au Congrès. 28/02/2017. Cliquez ici

 

Clémentine Boyer Duroselle