Manuel de coups bas pour convention contestée

La convention républicaine de 2012.

En temps normal, la convention républicaine n'est guère plus qu'une semaine de discours qui consacrent l'union sacrée du parti avant les élections générales et les 2472 délégués des hommes de paille chargés de confirmer un vainqueur déjà établi.

Mais 2016 n'est pas une année normale. Dans l'opposition entre Donald Trump et l'establishment républicain, la perspective d'une brokered convention (convention arrangée) change la donne. Si personne n'atteint 1237 voix au premier tour, les délégués sont progressivement délivrés de leurs obligations. 53% peuvent voter pour qui ils souhaitent au deuxième tour, 81% au troisième, etc...

Mais comment influencer plus de délégués? Pour faire court: Tous les moyens sont bons.

L'art du Deal

C'est le B.A-BA d'une convention. On regroupe les membres du parti les plus influents et on négocie. Des postes sont promis, des districts sont attribués, des fonds sont alloués...Classique.

C'est à ces échanges dans les proverbiales "salles enfumées" que les conventions sans majorité doivent le surnom de "brokered convention" (conventions arrangées).

Cette année, les républicains mettent un point d'honneur à utiliser les mots "open convention" (convention ouverte) ou "contested convention" (convention disputée) pour faire bien savoir que l'establishment n'est pas du tout en train de manoeuvrer en coulisses...Promijurécraché!

Cleveland nid d'espions

Au niveau local, le processus de sélection des délégués est un puit sans fond de détails techniques, avec un chiffre important: seuls 14% des délégués sont choisis directement par les campagnes.

Pour le reste, les délégués sont (en général) choisis depuis une liste de candidats potentiels, par des caucus internes ou directement par les instances du parti. Si l'on prend en compte à quel point l'establishment républicain est opposé à Trump, la confiance que le milliardaire pourra accorder à ses propres délégués est toute relative.

C'est pourquoi ses adversaires ont déjà formé des équipes dans le but de trouver des "agents doubles" en leur sein. Des délégués promis à Trump en réalité partisans d'un autre candidat, qui retourneraient leur vote dès que possible.

La campagne de Ted Cruz, en particulier, a investi lourdement pour amasser les agents doubles, en attirant les délégués déjà élus ou en influençant la nomination des suivants.

Ces délégués infidèles pourraient même saboter la convention. Si l'un d'entre eux ne se présente pas pour voter, il perd son statut, mais personne ne collecte son vote. Si Donald Trump n'est au dessus des 1237 délégués que d'une poignée de voix, quelques défections bien choisies pourraient même forcer un deuxième tour.

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Selon certains avocats, même la corruption est (techniquement) légale lors d'une convention. Les lois fédérales anticorruption ne s'appliquent pas aux élections internes des partis, et aucune règle de la convention ne mentionne explicitement une interdiction des échanges financiers.

Plus subtil, les campagnes pourraient proposer aux délégués de rembourser leurs frais de séjour à Cleveland - car les délégués doivent voyager à leurs frais pour la convention - pour s'assurer leur vote. Et vu que les délégués proviennent souvent de l'establishment, on ne parlera même pas des promesses de financement pour de futures campagnes électorales.

Ajoutez au cocktail les trésors de guerre quasi-illimités des candidats et des Super-PACs, vous comprendrez facilement pourquoi une convention contestée pourrait vite tourner à la vente aux enchères.

Bonus: Pour gagner, changez les règles!

Une bonne partie des embrouilles de la convention républicaine risque de se jouer avant même l'arrivée à Cleveland. Plus précisément, lors des réunions du Standing Rules Committee (comité des règles) de la convention, présidé par le speaker Paul Ryan - que beaucoup de républicains veulent nominer lors de la convention...

Ce comité a tous les pouvoirs pour décider des règles imposées aux candidats et aux délégués lors de la convention. Par exemple, le STC devrait amender la règle 40 qui demande aux candidats d'avoir obtenu la majorité absolue dans 8 primaires pour être éligible à la convention. Pour l'instant, seul Donald Trump a atteint cette limite...Ironiquement, la règle avait été mise en place en 2012 pour écarter le populiste Ron Paul qui menaçait le candidat de l'establishment Mitt Romney.

De leur côté, les supporters de Trump veulent imposer des règles de transparence dans le fonctionnement de la convention, qui empêcheraient l'establishment d'utiliser des tactiques moins avouables pour écarter Trump.

Un dernier point. Il n'y a pas eu de convention arrangée chez les républicains depuis 1952. A ce stade, toute tentative de prédire le résultat de la convention relève de la pure spéculation, faute d'éléments de comparaison. Comme l'explique le bras droit de John Kasich, John Sununu: "A ce stade, on est déjà en terre inconnue..."

D'ailleurs, une convention pourrait nous amuser pendant longtemps, car il n'y a pas de limite sur le nombre de votes. La convention démocrate de 1924 avait nécessité 103 tours pour qu'un candidat obtienne la majorité absolue...

T.L