"Internet n'est pas un luxe !"

Avoir un accès égal et non discriminé à Internet ? C'est un rêve pour les 60 % de la population indienne qui ne sont pas encore connectés. Pour le reste, c'est un droit non négociable qu'ils souhaitent garder. En mars dernier, l'autorité de régulation des télécommunications de l'Inde (TRAI) organisait une consultation sur la régulation des services alternatifs du web comme Skype ou Viber. Cela concernait aussi le principe de "neutralité du web". Le sujet a provoqué de vives polémiques dans le pays. Le message est clair : pas question d'un contrôle de l'accès à internet, ainsi qu'à n'importe lequel de ses services par les opérateurs téléphoniques.

Le futur d'internet inquiète la population indienne. La "neutralité du web" n'est pas un concept nouveau : il garantit pour chaque utilisateur un accès à tout site web à la même vitesse et au même prix. En Inde, le concept semble particulièrement menacé.

Pour les opérateurs téléphonique, il n'est pas normal que l'accès aux applications soit gratuit. Selon eux, un appel sur Skype ou une conversation sur What's App devrait être taxé. Ou du moins, ils devraient percevoir une "redevance" de la part des fournisseurs de ces applications. Face à l'absence de régulation, ils ont les moyens de faire pression : si l'utilisateur, ou si les compagnies ne paient pas, les opérateurs téléphoniques ralentiront le débit.

En pratique, c'est le forfait "Airtel Zéro" qui fait hurler les défenseurs de la neutralité du web.  "Airtel Zéro", c'est un accord signé entre Airtel et les fournisseurs d'applications, moyennant finance. Une sorte de collaboration qui assure aux compagnies signataires un accès gratuit et rapide à leurs app's. Quant à ceux qui ont refusé de payer ou qui n'ont pas les moyens de payer, se connecter à leurs applications prendra des heures... Cet accord favoriserait les géants du web, alors que les petits développeurs ou les start-up, trop pauvres, seraient malmenés.

Pour la population indienne, c'est inadmissible. Les défenseurs de la neutralité du web redoutent que les opérateurs téléphoniques n'abusent toujours plus de leur pouvoir sur internet.

En réponse, Facebook a lancé son projet "Internet.org" dans le pays. Son directeur, Mark Zuckerberg le présente comme un moyen de pouvoir offrir gratuitement toute une série de services à des personnes qui n'ont pas la possibilité de se connecter à internet. Un bonne intention ? Oui. Mais l'entreprise ne mettrait pas tout le monde sur le même pied d'égalité. Les personnes pourront avoir accès à Facebook mais par contre si ils veulent se connecter à d'autres sites web, ils seront sur-taxés. La plateforme est par conséquent loin d'être gratuite. Zuckerberg tente aujourd'hui de prouver le contraire dans une campagne.

 

La jeunesse manifeste pour "la neutralité d'internet" en ligne et...dans la rue. 1 million d'emails ont été envoyés à l'autorité de régulation des télécommunications de l'Inde (TRAI) suite à la consultation.

Une grande manifestation s'est tenue à New Delhi le 16 avril pour demander un accès gratuit à internet. Elle a fait suite à la volonté de l'application "Flipkart", célèbre plateforme de e-commerce indienne et principale concurrente d'Amazon de collaborer avec l'opérateur téléphonique "Airtel" et son nouveau plan tarifaire. Les manifestants ne veulent pas être obligés de payer plus et de devoir adhérer au nouveau plan tarifaire d'"Airtel" pour avoir accès à la plateforme de e-commerce.

Face à la lever de bouclier, Flipkart a fait marche arrière :  "Nous existons grâce à internet. Nous nous retirons des négociations avec Airtel et de leur plateforme Airtel Zéro.. pour la cause plus large de la neutralité du Web en Inde" explique le groupe.

En ligne, un site internet, www.savetheinternet.in, a été créé ;

https://twitter.com/sanasarwat80/status/594177358233382912

Selon ses concepteurs et comme son nom l'indique, il vise à sauver internet et à voter pour le principe de "Net Neutrality". L'initiative a été appuyée par une vidéo humoristique. Elle a déjà récolté plus 2,8 millions de vues. 

Aujourd'hui, le gouvernement indien semble avoir entendu le message. "Pour autant que le gouvernement est concerné, nous avons désormais un point de vue très clair, nous voulons garantir un accès non discriminatoire à Internet pour tous les citoyens du pays" a affirmé Ravi Shankar Prasad, le ministre des télécommunications.

Les projets d'Airtel et de Facebook ont été condamnés et désignés comme une violation au principe de "neutralité du web". C'est une première victoire pour les citoyens indiens. Mais le concept reste encore bien fragile aujourd'hui. Seul quatre pays ont légiféré sur ce principe : les Etats-Unis, le Chili, le Brésil et la Hollande. Quant à la France, comme beaucoup, elle attend toujours une loi en la matière.

Christophe Reyns (St.)