Un fermier se pend devant des milliers de manifestants

 

Depuis des mois, les manifestations font rage dans le monde agricole en Inde. Mercredi, l'Aam Aadmi Party (APP - Parti de l'homme normal), mouvement d'opposition au premier ministre indien, en organisait une de plus en plein coeur de New Delhi. Objectif : protester contre le projet de réforme agraire. Mais l'événement a tourné au drame : Gajendra Singh, un fermier de 41 ans, s'est pendu à un arbre devant plus de 1000 manifestants qui n'ont pas réagi. Il laisse trois enfants derrière lui...

 

Capture d’écran 2015-04-24 à 01.10.43
(Photo : PTI)

Des milliers de fermiers et d'hommes politiques étaient présents pour protester contre le projet de réforme de la loi de 1984. Cette dernière autorise le gouvernement à prendre possession de terres agricoles et les revendre aux entreprises. Garendra Singh, fermier de Dausa dans le Rajasthan faisait parti de l'assemblée hier après-midi.

Vers 13 heures, peu avant le discours du principal leader du parti AAP, il monte sur un arbre. Il est muni d'un balai, emblème du parti politique AAP. On le reconnait à son turban rouge sur la tête. La colère se lit sur son visage, peut être aussi le désespoir. Après quelques minutes, l'impensable survient : il enroule et attache une serviette autour de l'arbre et il se pend.

Inaction de la police

25 minutes ont été nécessaires pour que deux membres du parti AAP le détachent. Les policiers ont assisté au geste de Gajendra, ils n'ont pas bougé. "C'est choquant. On a demandé à la police de faire quelque chose. Nous savons qu'elle n'est pas sous notre contrôle. Mais vous devez avoir un peu d'humanité. La première chose que nous ferons est d'aller à l'hôpital" s'est exclamé Arvind Kejriwal, leader de l'AAP et ministre en chef de Delhi.

Emmené à l'hôpital, l'homme n'a pu être réanimé et les médecins n'ont pu que constater son décès vers 14 heures.

En Inde, des citoyens du pays s'insurgent contre l'inaction de la police, à l'image de Manik Bahri.

https://twitter.com/manikbahri/status/591229474781310976

- "La police de Delhi est une vraie blague. Le commissaire devrait démissionner."

Le grand-père de Gajendra Singh a lui aussi réagi devant la lenteur des secours des autorités et des organisateurs de la manifestation ; "Pourquoi les gens l'ont laissé escalader l'arbre ? C'était les membres de l'APP qui l'ont sauvé. Quand il menaçait de sauter et de se pendre, pourquoi la police n'a-t-elle pas appelé les pompiers et fait l'effort de le ramener en bas ?" 

 

Farmer2
(Photo : PTI)

Lettre de désespoir

Gajendra aurait laissé un mot pour expliquer son geste. "Je suis le fils d'un fermier de Dausa, dans le Rajasthan dont les cultures ont été détruites par la pluie et la grêle. J'ai trois enfants et j'ai été expulsé de la maison par mon père."

La presse indienne blâmée

Cette tragédie a fait la une de toute la presse tandis que nombre d'Indiens expriment tristesse et colère :

- "RIP #GakendraSingh, frère du sol, fermier travailleur. J'ai honte au nom de la nation tout entière. Le système a failli ! #désolé "


Les médias et les hommes politiques sont aussi mis en cause.
 Comme ici, à l'image d'Amit ;

- "Quelle ironie... Quand Gajendra essayait de se suicider tous les médias étaient occupés à prendre des photos et à filmer. Sont-ils humains ?"

- "Ne croyez pas les médias qui vous disent qu'ils sont droits et qu'ils ne sont pas juste restés debout à filmer le suicide de #GajendraSingh !"

Les partis politiques se sont emparés de l'événement et se rejettent déjà la faute : l'opposition met en cause la responsabilité du gouvernement et qualifie, depuis longtemps, la réforme proposé par Modi d'"anti-pauvre" ou "anti-fermier".

Depuis son arrivée au pourvoir, Modi vante sa politique du "Make in India". Son but ? Construire des villes modernes et des couloirs industriels qui sillonnent tout le pays. Modi a besoin de rendre les règles plus souples. Le gouvernement pourra donc acquérir des terres agricoles plus facilement et les revendre aux investisseurs privés.

Mais, bien sûr, tout le monde s'accorde à dire que la législation agricole doit être améliorée. Les compensations accordées aux fermiers sont trop faibles comparées au coût de la vie. La cour suprême l'a même qualifiée de "loi frauduleuse qui accorde peu de considération au bien-être de l'homme."

Christophe Reyns (St.)

D'après The Indian Express, Hinduantimes, Mint, One India et The India Times