Le Royaume-Uni encore trop prude sur l'éducation sexuelle

Poster de la campagne "Talk PANTS" - NSPCC

Alors que l'éducation sexuelle est imposée par la loi - en théorie - dans les écoles françaises, le Parlement britannique vient de voter contre son caractère obligatoire. La notion de laïcité étant moins ancrée dans la société britannique, des raisons notamment religieuses ont motivé les conservateurs à rejeter la proposition. Pourtant, selon l’association caritative britannique Barnardo’s, 74% des jeunes entre 11 et 15 ans déclarent qu’avoir des cours sur la sexualité et les relations les aiderait à être plus prudents. 96% d’entre eux ont également estimé qu’il était important qu’ils bénéficient d’un enseignement sur les dangers de l’utilisation d’Internet, dont les risques liés au partage de leur propre image.

La modification de la Loi sur le droit des enfants était proposée par la députée travailliste, Stella Creasy, dans le but d’imposer à toutes les écoles l’enseignement « de l’éducation sexuelle et relationnelle, des relations de même sexe, du consentement sexuel, de la violence sexuelle et de la violence conjugale ».

L’éducation biologique de la sexualité n’étant plus suffisante selon elle, cette mesure serait essentielle pour  « un monde meilleur ». Elle estime que chaque élève devrait être éduqué sur les aspects sociaux et relationnels de la sexualité, dans le but de réduire certains fléaux tels que les attouchements non désirés dont un tiers des filles entre 16 et 18 ans se disent victimes selon un rapport parlementaire datant de 2016, ainsi que les violences sexuelles que 27% de filles âgées de 13 à 17 ans auraient vécues dans leurs relations selon la Société Nationale pour la prévention de la cruauté à l’égard des enfants (NSPCC).

Mais ces chiffres, bien que préoccupants, n’auront pas eu raison du comité d’évaluation du projet de loi, composé de dix députés conservateurs contre cinq travaillistes. Les dix députés conservateurs ont voté contre la modification du texte, alors que les cinq députés travaillistes y étaient favorables.

Simon Hoare, député conservateur, a expliqué certaines raisons ayant motivé ce vote. Selon lui, « une certaine forme de protection est nécessaire pour ceux passant par des écoles religieuses, quelle que soit la religion, pour que la situation soit absolument claire. (Certains) diront qu’il est question de promotion, alors que telle ou telle religion pense que l’homosexualité - ou un autre élément - n’est pas légitime. La nouvelle clause a besoin d’inclure une déclaration claire sur le fait que nous ne parlons pas de promotion, mais d’éducation, et que là où l’éduction sexuelle est enseignée dans un endroit scolaire religieux, ceux qui l’enseignent ne devront pas se sentir réfrénés à l’idée de répondre à des questions telles que "Quelle est la pensée de notre foi sur cet aspect particulier de la sexualité ?’’ », rapporte le journal Pink News.

Ce rejet intervient alors que de plus en plus de campagnes de sensibilisation sont menées par certaines organisations. Le directeur de l’association Barnardo’s, Javed Khan, soutenait cette proposition de loi, affirmant que « l’éducation obligatoire des relations et de la sexualité à un âge approprié pour tous les enfants signifiera qu’ils grandiront en comprenant le consentement et les relations saines et en se respectant tout comme les autres ».
La NSPCC, de son côté, cherche à transmettre par sa campagne « Talk PANTS » des messages importants aux enfants, représentés par les lettres du mot « pants ». « Privates are Private », « Always remember your body belongs to you », « No means no », « Talk about secrets that upset you », « Speak up, someone can help » - signifiant « les parties intimes sont privées », « rappelle toi toujours que ton corps t’appartient », « non veut dire non », « parle des secrets qui t’affectent », « exprime toi, quelqu’un peut aider » - tels sont les cinq messages transmis.

Après cette défaite, Terrence Higgins Trust, association luttant contre la propagation du VIH, a également fait part de sa déception, via Twitter, en écrivant « une autre opportunité manquée par le gouvernement de rendre l’éducation sexuelle et relationnelle statutaire dans les écoles (…) C’est honteux. »

Quand on sait qu’en France, une école primaire sur quatre n’assure pas cet enseignement selon un rapport du Haut conseil à l’égalité entre les Hommes et les Femmes de 2016, et ce alors qu’il est pourtant obligatoire, on se dit qu’il reste encore beaucoup à faire au Royaume-Uni…

Marine Clerc avec Loïc De la Mornais